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Une coalition de huit organismes dénonce la politique «dévastatrice» du Canada en matière de drogues, qui ferait selon eux plus de mal que de bien dans la lutte contre la crise des surdoses de drogues illicites au pays.
Une coalition de huit organismes dénonce la politique «dévastatrice» du Canada en matière de drogues, qui ferait selon eux plus de mal que de bien dans la lutte contre la crise des surdoses de drogues illicites au pays.
Dans une lettre conjointe envoyée lundi à trois ministres fédéraux, les organismes critiquent sévèrement la politique canadienne en matière de drogues, la qualifiant de «punitive» et de «coercitive». Ils exhortent Ottawa à «publier une déclaration publique dénonçant toutes les formes» de traitements involontaires destinés aux toxicomanes à travers le Canada.
Corey Ranger, président de l'Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits, un des organismes cosignataires de la lettre, a déclaré en entrevue que si des programmes comme le traitement obligatoire des patients en surdose enfreignent les droits individuels, leur efficacité est tout aussi préoccupante.
M. Ranger, qui a traité de nombreux toxicomanes au cours de sa carrière, estime que les soins qui ne sont pas volontaires et les approches punitives «ne fonctionnent tout simplement pas». Or, selon lui, c'est là l'un des facteurs les plus importants à considérer lors de la mise en œuvre d'une politique publique: sa réelle efficacité.
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Au lieu de cela, a déclaré M. Ranger, le traitement obligatoire rompt la relation de confiance des utilisateurs avec les travailleurs de la santé et les travailleurs de rue. Cette méfiance conduit à l'isolement lorsque les individus ont besoin de demander du soutien et des soins, explique l'infirmier.
Par ailleurs, dit-il, ceux qui sont traités pour leur dépendance ont peut-être vu leur tolérance artificiellement abaissée au cours du processus, ce qui a entraîné davantage de cas de rechute et de surdose par la suite.
Les signataires de la lettre soutiennent que l'approvisionnement en drogues illicites et non réglementées tuait en moyenne 20 Canadiens par jour.
La lettre ouverte a été rédigée et signée par l’Association canadienne des personnes qui utilisent des drogues, la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, le Réseau juridique VIH, l’Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits, la Canadian Students for Sensible Drug Policy, Moms Stop The Harm, Ontario Aboriginal HIV/AIDS Strategy et la Thunderbird Partnership Foundation.
Ces organisations ont décidé de publier leur lettre lundi parce qu'elle coïncide avec la journée internationale «Soutenez. Ne punissez pas», habituellement utilisée par les agences gouvernementales pour présenter leurs réalisations en matière de contrôle des drogues illicites.
M. Ranger a expliqué que l'objectif était de «changer la rhétorique» et de reprendre le dessus pour les défenseurs de la réduction des méfaits et d'autres politiques non punitives telles que l'approvisionnement sécuritaire. Il soutient que ces demandes avaient été entravées ces dernières années en raison de la pandémie de COVID-19.
En plus d'exhorter le gouvernement fédéral à faire une déclaration contre le traitement involontaire ou coercitif de la consommation de drogues, les organismes demandent également aux responsables de rencontrer les intervenants sur le terrain et les personnes concernées – y compris bien sûr les toxicomanes.
La lettre demande également l'abrogation des lois «punitives» qui criminalisent les consommateurs de drogue.
«Nous avons vu les effets dévastateurs de plus d’un siècle de prohibition et de criminalisation des drogues. Cela n’a pas empêché les gens de consommer des drogues, mais cela a eu pour effet de favoriser la stigmatisation, le racisme, le classisme, la discrimination, les activités des cartels, la violence armée et un approvisionnement en drogues toxiques mortel qui tue 20 personnes chaque jour au Canada», a déclaré Nick Boyce, analyste principal des politiques de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues.
Beeta Senedjani, aussi de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, a déclaré qu'elle entend de plus en plus de critiques à l'égard des politiques non punitives en matière de drogues, comme les programmes de soutien et d'approvisionnement sécuritaire.
Elle a déclaré qu'elle considérait ces critiques comme des «boucs émissaires» et que les gouvernements devaient renforcer le soutien financier au logement, aux travailleurs de première ligne en réduction des méfaits et à la sécurité alimentaire, afin de s'attaquer aux causes profondes des problèmes sociaux que les critiques associent à la consommation de drogue.
«Ce que nous devons vraiment faire, c'est investir dans des choses dont les gens ont besoin pour subvenir à leurs besoins, a-t-elle déclaré. C'est le résultat de décennies et de décennies de sous-financement dans ce domaine (...) et l'approche actuelle ne fonctionne pas.»
En Colombie-Britannique, les données du service des coroners plus tôt ce mois-ci ont indiqué que le nombre de morts de surdoses de drogues illicites dans cette province a déjà dépassé le millier, cinq mois seulement après le début de 2023.
En plus des huit organismes coauteurs de la lettre, 79 organisations nationales et internationales ont également endossé la missive adressée au ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, au procureur général, David Lametti, et à la ministre de la Santé mentale, Carolyn Bennett.