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«Je qualifie ça de "faire passer en douce de la pédagogie"»
Lorsque la Dre Siobhan Deshauer réalise des vidéos en ligne, son objectif principal est de démystifier la médecine. Son objectif secondaire ?
«Je qualifie ça de "faire passer en douce de la pédagogie"», a affirmé la médecin et youtubeuse, qui compte près d'un million d'abonnés sur la plateforme. «Vous venez pour ce mystère et cette excitation, mais j'introduis clandestinement certains sujets que je pense vraiment importants et qui me passionnent.»
Certains experts affirment que l'une des meilleures façons de lutter contre la vague croissante de désinformation médicale sur les médias sociaux est de la noyer avec un contenu captivant soutenu par la science, et Mme Deshauer, une spécialiste en médecine interne et en rhumatologie établie en Ontario, fait partie d'une cohorte de plus en plus importante de médecins et de chercheurs qui adoptent cette approche.
Prenons par exemple l’une de ses vidéos de mystère médical. Mme Deshauer y raconte l'histoire d'une femme victime d'un empoisonnement au plomb. Les médecins ont mis du temps à comprendre la cause de ses symptômes, mais ont finalement réalisé qu'ils étaient dus au plomb contenu dans les suppléments ayurvédiques qu'elle prenait.
Il s'agit d'une vidéo convaincante dont le titre est conçu pour attirer le regard : Maladie mortelle de CE SUPPLÉMENT : Mystère médical. L'image miniature de la vidéo montre Mme Deshauer l'air choqué devant un fond bleu vif. Derrière elle, de grosses lettres majuscules épellent «EMPOISONNÉE» et une flèche pointe vers une image radiographique du bas de la jambe de quelqu'un.
Ce sont ces choses qui accrochent l'auditeur, mais pour Mme Deshauer, une grande partie de la valeur de la vidéo vient de cette éducation «introduite clandestinement».
«J'ai abordé le concept de la manière dont les suppléments sont réglementés et ce que l'on doit rechercher lorsqu'on achète un supplément. Comment assurer sa sécurité ? Ce n'était pas le sujet, ce n'était pas le titre de la vidéo, mais quelqu'un repartirait en apprenant ces choses», a-t-elle expliqué.
Mme Deshauer, dont le nom d'usager est ViolinMD en ligne dans un clin d'œil à sa carrière de violoniste avant la médecine, a affirmé qu'elle avait commencé à réaliser des vidéos lorsqu'elle était à l'école pour documenter tout ce qu'elle apprenait.
«Et avec la construction de la communauté (d'auditeurs), j'ai pu entendre leurs commentaires, leurs préoccupations, ce qu'ils avaient vu dans le domaine des soins de santé, peut-être certaines de leurs craintes, a-t-elle déclaré. Et j'ai eu l'impression que beaucoup de craintes concernant les soins de santé venaient du fait de ne pas pouvoir y accéder ou voir ce qui se passe à huis clos.»
Les algorithmes qui fournissent un contenu attrayant aux utilisateurs peuvent renforcer ces craintes, selon des experts. Ils ont tendance à renforcer la désinformation et les généralisations sensationnelles, transformant les sites de médias sociaux en une chambre d'écho nuisible à certains utilisateurs, a déclaré Timothy Caulfield, professeur de politique de santé et de droit à l'Université de l'Alberta, qui est devenu ces dernières années l'une des voix les plus fortes du Canada sur la question.
«Ce sera une bataille sans fin, a-t-il déclaré. Il n'y aura jamais un seul outil simple pour résoudre ce défi culturel, social, économique et technologique incroyablement complexe — mais nous recevons de plus en plus de recherches de qualité qui nous indiquent quels types d'approches fonctionnent le mieux.»
M. Caulfield soutient que les communicateurs scientifiques les plus efficaces utilisent certaines des mêmes tactiques que ceux qui diffusent de la désinformation – mais en les étayant avec des données précises plutôt que de la pseudoscience.
Il y a un certain nombre de personnes qui font cela bien, dit-il. La Dre Jen Gunter, une gynécologue, s'y consacre depuis un certain temps, s'étant attaquée à la désinformation publiée par le site web de bien-être de Gwyneth Paltrow, Goop. Le Dr Samir Gupta est sur Instagram et TikTok pour démystifier les modes et la désinformation en matière de bien-être.
M. Caulfield estime que certains médecins ne réfléchissent pas trop à la manière dont ils présentent leur contenu, mais ceux qui gagnent une audience en sont très conscients.
«Il faut penser à quoi ressemblera son contenu, a-t-il déclaré. Souvent, la communauté clinique et la communauté scientifique ne le font pas, contrairement aux personnes qui promeuvent la désinformation.»
L’une de ces techniques, a-t-il indiqué, consiste à utiliser des infographies et des éléments visuels qui se partagent facilement.
M. Caulfield fait partie du comité consultatif exécutif de LaSciencedAbord, une initiative qui vise à démystifier la désinformation sur la santé. Les membres encouragent les experts indépendants à créer du contenu scientifique et l'organisation en produit aussi.
Jonathan Jarry, communicateur scientifique au Bureau des sciences et de la société de l'Université McGill, a déclaré qu'une autre tactique consiste à utiliser des anecdotes.
«On peut partager ses expériences personnelles si on le peut, car les histoires résonnent plus que les tableaux et les graphiques», a-t-il déclaré en s'adressant aux scientifiques et aux médecins.
Mais ces expériences personnelles doivent être étayées par un ensemble de preuves, a-t-il ajouté.
Il est également préférable de montrer aux gens les preuves, plutôt que de simplement leur dire ce qu'ils devraient ressentir, a déclaré M. Jarry.
«Les gens ne veulent pas qu'on leur dise quoi penser. Ils ne veulent pas que l'on soit paternaliste. Ils veulent qu'on leur montre le travail. Il faut leur montrer ses recherches, leur montrer comment on est arrivé à ses conclusions, a-t-il fait valoir. La transparence engendre la confiance.»
La Dre Kathleen Ross, présidente de l'Association médicale canadienne, a indiqué que son organisation avait réalisé des sondages démontrant que les médecins constituaient une source fiable d'informations sur la santé.
«Malheureusement, à l'heure actuelle au Canada, de nombreux Canadiens — près de sept millions — n'ont pas accès à cette source de soins primaires avec laquelle discuter. La désinformation et l'assimilation de la désinformation constituent donc un risque énorme et conduisent à de mauvais résultats», a-t-elle déclaré.
«Pour résoudre ce problème, nous devons nous tourner vers des sources fiables.»