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C'est peut-être en suivant la trace de mammouths que certains humains se sont installés pour la première fois sur ce qui est aujourd'hui l'Alaska.
C'est peut-être en suivant la trace de mammouths que certains humains se sont installés pour la première fois sur ce qui est aujourd'hui l'Alaska, il y a près de 14 000 ans, selon une étude à laquelle a participé un professeur de l'Université d'Ottawa.
Depuis quatre ans maintenant, le professeur agrégé au département des sciences de la Terre et de l'environnement de l'Université d'Ottawa Clément Bataille et plusieurs autres chercheurs tentent d'en apprendre plus sur les mammouths qui ont vécu il y a plusieurs milliers d'années en Alaska.
«C'est quand même des espèces fascinantes et majestueuses, donc c'est fascinant de les étudier», avoue M. Bataille en entrevue avec La Presse Canadienne.
Après avoir plongé dans la vie d'un spécimen masculin, «Kik», qui a vécu il y a 17 000 ans, voilà que les chercheurs se sont tournés vers «Elma», une femelle, dont la vie remonte à il y a environ 14 000 ans.
Ce qui a attiré l'attention des chercheurs, cette fois, est que le fossile d'Elma a été retrouvé à l'endroit même où des humains auraient installé un campement à peu près à la même époque, ce qui pose l'hypothèse que ces humains ont été attirés en Amérique du Nord en suivant la trace des mammouths.
«On sait que les humains arrivent en Alaska il y a environ 13 500 ans. Le premier site où il y a des preuves complètement irréfutables que les humains sont présents, c'est à Swan Point, et c'est sur ce site-là qu'on trouve cette défense de cette femelle, Elma», mentionne M. Bataille.
«Ce qui est assez intéressant sur la façon dont les humains arrivent en Alaska à ce moment-là, c'est que tous leurs villages et peuplements sont à des endroits où il y a beaucoup de mammouths», poursuit-il.
«Ce sont des zones à haute fréquentation de mammouths. Et donc, notre hypothèse c'est, potentiellement, que les humains auraient été attirés, en passant de l'Asie à l'Amérique du Nord par le pont de terre du Béring — qui était émergé à ce moment-là —, par toute cette grande quantité de mammouths qui était présente en Amérique du Nord, et particulièrement dans cette zone où il y en avait plus qu'ailleurs.»
On sait que les humains chassaient le mammouth, puisqu'ils le faisaient déjà en Europe et en Eurasie. Sans pouvoir le confirmer, les chercheurs avancent aussi l'hypothèse qu'Elma a été tuée par des chasseurs-cueilleurs.
D'abord, son fossile a été retrouvé là où se trouvait aussi un campement. Ensuite, elle était en bonne santé lorsqu'elle est morte à l'âge de 20 ans — «ce qui est quand même très jeune pour un mammouth», précise M. Bataille. Puis, elle a été trouvée près des fossiles de deux autres jeunes mammouths, dont un bébé, qui faisaient partie du même troupeau.
«Donc ça fait quand même trois coïncidences qui sont assez fortes qui nous disent que très potentiellement, cette femelle et ces deux jeunes mammouths ont été chassés et ramenés au camp», souligne M. Bataille.
Les chercheurs ont également analysé l'impact qu'a eu le changement du climat sur les mammouths, qui se sont éteints il y a 11 000 ou 12 000 ans sur le continent américain.
Déjà, en comparant la vie de Kik et d'Elma, ils ont remarqué plusieurs différences.
«Ce qu'on a vu, c'est que ce mammouth mâle bougeait énormément sur des distances beaucoup, beaucoup, beaucoup plus grandes que cette femelle, parfois avec des déplacements de 300 ou 400 kilomètres», avance Clément Bataille.
La vie de Kik, il y a 17 000 ans, s'est déroulée avant la déglaciation. Cela fait en sorte que la Béringie, qui séparait la Russie et l'Alaska, était «une grande plaine de toundra», soit un «environnement vraiment idéal pour les mammouths», selon le chercheur.
Mais Elma, qui a vécu il y a 14 000 ans, ne l'a pas eu aussi facile, puisque sa vie s'est déroulée pendant la déglaciation, lors de laquelle les vallées se sont transformées en zones humides.
«Notre hypothèse, ça serait qu'elle a été quand même pas mal limitée par le climat. Ce sont des animaux qui étaient très adaptés à ces environnements ouverts de toundra. Quand la toundra disparaît ou devient fragmentée, c'est beaucoup plus difficile pour eux de se déplacer sur ce territoire et, potentiellement, ils sont plus sensibles à la chasse et ils sont plus sensibles aussi à l'extinction», indique M. Bataille.
M. Bataille et ses collègues poursuivent leurs travaux afin de mieux comprendre ce qui s'est passé à la fin de la dernière période glaciaire, lorsque plusieurs espèces, dont les mammouths, se sont éteintes.
Leur recherche sur Elma a été publiée dans la revue «Science Advances».