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Les défenseurs des droits de la personne craignent une possible répétition des problèmes qui avaient empêché certains délégués africains d'assister à un sommet l'été dernier dans la métropole québécoise.
À quelques jours du début d'un important sommet international, le mois prochain à Montréal, les défenseurs des droits de la personne, reprochant au ministère fédéral de l'Immigration d'avoir des politiques racistes, craignent une possible répétition des problèmes qui avaient empêché certains délégués africains d'assister à un sommet l'été dernier dans la métropole québécoise.
Le ministère de l'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté (MIRC) soutient n'avoir trouvé aucune faille dans le traitement des demandes de visa pour la conférence de la Société internationale du sida, en juillet. Pourtant, un certain nombre de délégués d'Afrique se sont vu refuser des visas ou attendaient toujours une réponse avant le début de la conférence.
«Tout le système est conçu pour exclure les gens», affirme Madhukar Pai, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en épidémiologie translationnelle et en santé mondiale à l'Université McGill de Montréal.
Le mois prochain, Montréal sera l'hôte d'une conférence des Nations Unies, la COP15 sur la biodiversité, mais des délégués des régions les plus touchées par le déclin des espèces craignent de devoir rester coincés chez eux.
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«Il y a quelque chose dans notre système gouvernemental qui est, ce que j'appelle anti-Afrique ou anti-Noirs, et cela m'inquiète beaucoup», a déclaré M. Pai.
Pendant des années, il a assisté à des conférences où ses collègues africains ont eu plus de difficulté à obtenir des visas que ses pairs d'Amérique latine et d'Asie.
C'est un problème qu'il a constaté lors d'événements organisés aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada, et qui l'a particulièrement préoccupé ce printemps lorsqu'Ottawa a de la difficulté à traiter bien des demandes, de statut de réfugié au renouvellement des passeports.
«Je ne sais pas si le gouvernement a vraiment appris beaucoup du fiasco de la conférence sur le sida, dit M. Pai. La colère était si palpable, d'avoir tous ces sièges vides des délégués africains manquants. Je m'inquiète de toute conférence internationale qui se tiendra dans n'importe quelle région du Canada ces jours-ci.»
Le ministère ne partage pas cette inquiétude.
«Le MIRC emploie tous les outils disponibles pour faciliter rapidement l'examen de plusieurs milliers de demandes de visa», a écrit un porte-parole Jeffrey MacDonald.
Le ministère souligne qu'il a créé une unité pour les événements extraordinaires qui collabore avec les organisateurs pour s'assurer que les représentations diplomatiques canadiennes à l'étranger ont une liste des personnes inscrites. Les gens peuvent utiliser un code spécifique quand ils font leur demande qui devient alors prioritaire.
«Le MIRC collabore étroitement avec l'Agence des services frontaliers du Canada et les organisateurs d'événement afin de s'assurer que le processus de demande et les exigences sont bien compris. Ainsi, les demandes de visa sont examinées en temps opportun afin que les participants puissent entrer facilement au pays», a ajouté M. MacDonald.
Le ministère laisse entendre que des invités à la conférence sur le sida ont pu bâcler leur demande de visa.
«Attendre trop longtemps ou omettre le code d'un événement peut entraîner un retard dans le processus. Il existe toujours des raisons impérieuses pour refuser à certains individus leur entrée au pays», a dit M. MacDonald.
Lauren Dobson-Hughes, une experte en santé et en genre, dit que le Canada et d'autres pays occidentaux doivent reconnaître un problème beaucoup plus large.
«C'est un problème systémique dans l'ensemble de la planète. On a tendance à être divisé en deux groupes: les donateurs du nord qui sont souvent les hôtes de ces conférences et les gens du sud qui subissent les problèmes. Mais les conférences sont à leur sujet, elles sont organisées sans eux.»
Mme Dobson-Hughes se souvient de sommets en 2016 et en 2019 où des délégués africains n'avaient pu obtenir un visa même s'ils avaient reçu une invitation officielle du gouvernement canadien.
«Je ne crois pas que les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada soient particulièrement heureux de voir leur propre gouvernement refuser de donner un visa à certains de leurs collègues africains avec qui ils ont établi une bonne relation.»
Elle espère que la prochaine stratégie canadienne sur l'Afrique, que le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires étrangères, Robert Oliphant, doit présenter l'an prochain, comprendra un volet sur les visas.
«Il existe des solutions techniques, mais celles-ci ne seront efficaces que si on s'occupe du problème sous-jacent, à savoir les attitudes biaisées et racistes», avance Mme Dobson-Hughes.
En 2018, le Globe and Mail avait révélé que le Canada avait refusé une majorité de demandes de visa en provenance d'une dizaine de pays africains.
Mais à cause de la présence diplomatique canadienne réduite sur le continent, le processus peut être compliqué: les gens doivent souvent se déplacer sur plusieurs milliers de kilomètres ou franchir des frontières pour transmettre leurs documents et se faire prendre leurs empreintes.
Isseu Diallo, qui dirige une association sénégalaise de gens vivant avec le sida, a prononcé virtuellement une conférence lors du sommet sur le sida présenté à Montréal. Elle était invitée à participer en personne. Toutefois, elle a renoncé à présenter une demande lorsqu'elle a constaté que plusieurs autres invités s'étaient vu refuser un visa.
«C'est de la faute du gouvernement canadien. Un sommet comme cela, c'est pour rassembler les gens. Les gens doivent venir organiser des séminaires et participer à des ateliers», souligne-t-elle.
Mme Diallo se demande si les autorités canadiennes ne voulaient pas les trop grands rassemblements pendant la pandémie de COVID. «Ce n'est peut-être pas une question de racisme, le gouvernement a peut-être reçu trop de demandes.»
«J'étais un peu découragée, mais je me suis dit que je viendrai un autre jour à Montréal.»