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Ce genre de comportement est dénoncé par plusieurs femmes sur LinkedIn, le réseau social qui connecte au moins 800 millions de professionnels à travers plus de 200 pays dans le monde.
Les messages semblent innocents à première vue. Une demande pour étendre son réseau, une référence à un intérêt commun ou une industrie similaire : mais bien vite, les messages peuvent devenir inappropriés, abusifs ou à caractère sexuel.
Ce texte est une traduction de CTVnews.ca
Ce genre de comportement est dénoncé par plusieurs femmes sur LinkedIn, le réseau social qui connecte au moins 800 millions de professionnels à travers plus de 200 pays dans le monde.
Alors que les comportements répréhensibles et abusifs en ligne sont une expérience qu’ont vécue plusieurs femmes (sur Facebook et Twitter par exemple), le réseau LinkedIn qui vise à créer des relations professionnelles s’ajoute à la liste des espaces numériques où les femmes vivent du harcèlement quotidiennement.
Les femmes et les filles sont plus à risque de vivre des violences en ligne, notamment des cas sévères de harcèlement et d'abus sexuels : selon la Fondation canadienne des femmes et un sondage de Statistique Canada sur les comportements sexualisés inappropriés, d’agressions sexuelles et de discrimination fondée sur le genre dans le milieu du travail, 25 % des femmes interrogées ont mentionné avoir été victimes d’inconduite sexuelle sur leur lieu de travail, incluant les espaces numériques.
Les femmes qui ont été victimes de ce genre de comportement mentionnent que ce sont « des hommes qui en sont généralement responsables », peut-on lire dans le sondage, alors que 56 % disent avoir fait l’expérience d’échanges inappropriés, 67 % mentionnent avoir été exposées à du contenu à caractère sexuel et 78 % affirment avoir eu des contacts physiques ou des avances non désirées.
Les échanges inappropriés sont les comportements répréhensibles les plus fréquents et se traduisent par des blagues et des commentaires sexuels ainsi que des discussions sur la vie sexuelle des femmes.
CTVnews.ca a discuté avec six femmes de leurs expériences sur LinkedIn, en plus d’avoir été contacté par une douzaine d’autres qui partagent des histoires similaires à propos des comportements abusifs et du harcèlement sur le réseau social.
La directrice marketing Bella Mitchell a mentionné à CTVnews.ca, par courriel, que les messages inappropriés les plus fréquents proviennent d’hommes qui lui mentionnent qu’elle est attirante.
« Certains accompagnent même ces messages d'invitations à discuter par téléphone. D’autres demandent des rencontres. Un homme plus vieux m’a même déjà dit “tu es très belle, est-ce que je peux t’offrir une entrevue”. J’étais choqué par l’audace. Et sa compagnie n’engageait qu’une seule personne… lui-même. »
Tami Adams, fondatrice de la compagnie Speakers Management, a affirmé, lors d’une entrevue effectuée par téléphone, que des hommes l’ont abordé avec une prémisse professionnelle en complimentant son travail et sa carrière « intéressante ».
Les choses ont ensuite déboulé.
« Peu de temps après, je recevais des messages du genre “hey tu es magnifique, je trouve que tu es incroyable” », soutient Adams. « J’effaçais les messages dès que je pouvais en plus de retirer notre relation et de les dénoncer auprès de LinkedIn pour leurs comportements douteux ».
Lorsqu’un utilisateur est dénoncé sur le réseau, un message automatique est envoyé à la personne concernée en leur mentionnant qu’une évaluation de leur contenu sera effectuée. Si un usager a transgressé les règlements de LinkedIn, la compagnie peut adopter plusieurs solutions comme l’envoie d’avertissement, une suspension ou même la suppression des comptes d’utilisateur. Dans l’éventualité où un utilisateur ne contrevient pas aux règles de LinkedIn, la personne qui a dénoncé recevra un message lui mentionnant qu’aucune action de la compagnie n’est nécessaire.
Adams avoue que la gestion de ce problème est « très irritant, frustrant, embêtant et inapproprié ».
Je suis une propriétaire d'entreprise, toutes les relations sont importantes pour moi... je suis engagé à trouver des personnes qui ont les mêmes intérêts que moi pour faire des affaires ou juste pour élargir mon réseau », dit-elle. « Quand je reçois de tels messages je me dis “peux-tu juste quitter s'il te plait” ?»
Alors que le harcèlement et les abus débutent de manière numérique sur LinkedIn, plusieurs femmes ont indiqué à CTVnews.ca que ces comportements les suivent même lorsqu’elles ne sont plus en ligne.
L’une d’elles, April B, (qui a demandé de ne pas être complètement identifiée pour des raisons de sécurité) a évoqué avoir été traquée à deux reprises par des hommes via LinkedIn. Ils ont trouvé son profil et ont été en mesure de trouver la compagnie pour laquelle elle travaillait. Ils ont appelé à l’endroit pour tenter d’entrer en communication avec elle. L’un des hommes à appeler pendant «des mois», révèle cette dernière. April B n'indique désormais plus son emploi actuel sur son profil LinkedIn.
Tami Adams certifie que les normes sociales voulant que les femmes accueillent ces messages sur leur apparence ou l’intérêt romantique dont elles font l’objet devraient être perçu « comme des compliments », n’est rien de moins qu’une tentative pour standardiser le harcèlement et les mauvaises manières.
« Ma réponse à ces gens est “Non, ce n’est pas correct, ce n’est pas un compliment” », rétorque Adams. « Si nous les prenons comme des compliments, ces comportements continueront et ils seront normalisés. »
L’autrice et conférencière Samra Zafar a raconté à CTV.news.ca, lors d’une entrevue téléphonique, qu’elle reçoit quotidiennement des messages inapproprié et parfois haineux en raison de son emploi et du fait qu’elle est une personnalité publique.
« Je reçois beaucoup de messages du genre “tu as de très belles jambes” ou “tu as un sourire magnifique, j’aimerais pouvoir sortir avec toi” et même parfois des messages de haine du genre “tu es musulmane, tu ne devrais pas montrer tes jambes, tu iras en enfer” », mentionne Zafar. « Je rapporte ces messages auprès de LinkedIn presque tous les jours, plusieurs fois par semaine ».
L’autrice soutient que les commentaires sont « très intimidants » puisque cette dernière est en avant-plan pour des raisons éducatives et professionnelles. « Je suis une femme intelligente, brillante et accomplie, et on ne me reconnait que pour mes jambes, mes yeux ou ma compatibilité amoureuse », dit-elle. « Je n’enverrais jamais — et je suis certaine que plusieurs femmes sont pareilles — ce genre de message à un homme. Mais comme femme, nous continuons d’être sujettes à de tels comportements même au niveau professionnel sur des plateformes comme LinkedIn ».
Zafar est également d’avis que les femmes ne devraient pas accueillir ces invitations et ces messages comme des compliments.
« C’est du “gas lighting” (une technique de manipulation N.D.L.R) pur et simple que ces personnes pratiquent — ce sont des gens abusifs dans une forme différente, ce sont des harceleurs. C’est comme si un voyeur venait vous dire “ho je t’ai traqué parce que tu es magnifique et que je t’aime. Tu devrais le prendre comme un compliment », ajoute Zafar. « Ce n’est pas un compliment. Cela ne nous fait pas sentir en sécurité. On se sent plutôt invalide et humiliée. Comme si nous étions des objets ».
Sarah McVanel, qui travaille pour l’entreprise Greatness Magnified, a elle aussi confirmé à CTVnews.ca lors d’une entrevue qu’elle a changé sa manière d’interagir avec les autres personnes sur LinkedIn en raison du nombre important de messages inappropriés.
« J’ai commencé à être très prudente avec les invitations que je reçois parce qu’il y a des dynamiques récurrentes chez certaines personnes qui utilisent le système de manière inappropriée », dit Sarah McVanel. « Maintenant, ce qui semble être la nouvelle tactique, c’est que des gens envoient des messages directement dans notre boîte de réception. Cela nous positionne (en tant qu’entrepreneure et professionnelle) comme une cible parce que nos entreprises veulent faciliter l’accès vers nos personnes ».
Toutes les femmes interviewées par CTVnews.ca ont avancé qu’elles désirent une réponse plus rigoureuse de la part de la plateforme et plus de conséquences pour ceux qui sont dénoncés pour des messages douteux ou du harcèlement.
« Je crois que les plateformes de médias sociaux, surtout LinkedIn puisque c’est un réseau pour professionnel, doivent montrer l’exemple en prenant des actions immédiates comme la suspension et le bannissement de certaines personnes », a plaidé Zafar. « Je pense qu’il doit également y avoir plus d’éducation… parce que le problème au fond, c’est que plusieurs de ces hommes ne réalisent même pas qu’ils manquent de respect ».
Dans une déclaration envoyée par courriel à CTVnews.ca, LinkedIn rétorque qu’« il n’est absolument pas acceptable d’envoyer des invitations ou messages inappropriés sur le réseau. En tant que réseau professionnel, nos membres s’attendent à une expérience de nature professionnelle ».
L’entreprise déclare également qu’elle a introduit « de nouveaux outils » en plus de renforcer leurs politiques en ce qui concerne leurs positions sur le harcèlement et les avances romantiques ou sexuels en septembre 2020.
LinkedIn soutient dans cette même déclaration que le réseau a ajouté des rappels pour garder les publications, commentaires et les messages appropriés - et qu’ils ont instauré « des avertissements »aux messages considérés inappropriés.
« Les membres peuvent aussi, et devraient, rapporter tous les messages inadéquats qu’ils reçoivent ».
L’experte en étiquette Julie Blais Comeau a rapporté à CTVnews.ca lors d’un entretien téléphonique que LinkedIn existe pour les relations d’affaires et professionnelles, et qu’en général, il est toujours préférable de laisser l’aspect romantique ou sexuel aux applications conçues pour cela.
Blais Comeau conseille aux personnes qui utilisent LinkedIn de faire le test « des deux frigos ». Cet exercice consiste à déposer une note de ce que vous envoyer aux autres membres du réseau sur votre frigo à la maison et celui du travail, pour que vos collègues, vos patrons et épouse voient que ce vous rédiger. Si vous êtes à l’aise à déposer cette note, vous êtes probablement « bon pour la suite », mentionne l’experte.
Blais Comeau a avoué à CTVnews.ca qu’elle a aussi fait l’expérience d’hommes qui tentaient d’entrer personnellement en contact avec elle, particulièrement après des apparences dans les médias.
« Je trouve cela désolant de parler de femme qui se font approcher par des hommes si bien qu’elles doivent changer les paramètres de leur application dans l’objection de ne plus être harcelé par ces “relations” professionnelles. Ces commentaires sont invasifs, affectent notre confiance et nous font douter de nous-même. »