Début du contenu principal.
Des communautés autochtones demandent à Québec et au fédéral de financer davantage les corps policiers autochtones et de ne pas porter en appel un jugement de la Cour d’appel du Québec donnant raison à la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh Takuhikan sur cette question.
La Cour d’appel du Québec, dans un jugement rendu le 15 décembre, a donné raison à la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh Takuhikan. La communauté située dans la région du Saguenay--Lac-Saint-Jean réclamait 1,6 million $ de Québec et du fédéral afin de combler le déficit de son service de police accumulé entre 2013 et 2017.
Le jugement donne raison aux communautés autochtones canadiennes qui déplorent depuis «des années» le sous-financement de leurs corps policiers par les gouvernements fédéraux et provinciaux, a réagi le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, en entrevue.
«Ça serait tout à fait logique que nos communautés à l’échelle du pays bénéficient des mêmes considérations que les autres corps policiers, a dit M. Picard. À la fin de la journée, nos services policiers sont chargés d’appliquer les mêmes lois et d’assurer la même sécurité publique. Pourquoi, on ne serait pas financé à la hauteur des autres services policiers?»
Pour le chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Gilbert Dominique, le sous-financement des corps policiers autochtones est un exemple de racisme systémique. «Le jugement démontre que les Premières Nations sont les mieux placées pour identifier les besoins réels de leurs communautés», a-t-il réagi dans un communiqué.
M. Picard n’était pas en mesure de chiffrer l’ampleur du sous-financement des corps policiers à travers le pays. Il estime qu’un policier autochtone est en moyenne sous-financé de moitié par rapport aux agents des autres corps policiers quand on tient compte de la rémunération, de la formation et des infrastructures.
Ce sous-financement a un impact sur la sécurité des communautés tandis que des policiers autochtones décident de faire carrière dans les autres corps policiers où ils obtiennent une rémunération supérieure. «Assurer la paix et l’ordre, ça vient avec un coût, a souligné M. Picard. Si la communauté n’est pas en mesure d’assumer ce coût-là, c’est sûr que le service policier comme tel va en souffrir, au même titre que la sécurité publique des membres de nos communautés.»
La décision de la Cour d’appel vient infirmer une précédente décision de la Cour supérieure en 2019. Le juge Jean Bouchard conclut que le fédéral et Québec ont eu une «conduite déshonorante» dans cette affaire.
Dans leur défense, les intimés ont plaidé que le fait que les services de la Sûreté du Québec (SQ) étaient gratuits pour les communautés autochtones démontrait leur bonne foi. Or, de nombreux rapports ont démontré que les services de la SQ n’étaient pas adaptés à la culture et aux besoins spécifiques des Autochtones.
«En demeurant sourds aux doléances de l’appelant qui, à tout prendre, plutôt que de recourir à la Sûreté du Québec, a accepté d’être desservi par un corps de police de moindre qualité, les intimés ont contrevenu à leur obligation d’agir avec honneur», tranche le juge Bouchard.
Le jugement a des échos à la grandeur du pays tandis que l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique (BCAFN) a joint sa voix à l’APNQL et à la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh pour demander aux gouvernements de ne pas porter le jugement en appel devant la Cour suprême.
À Québec, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, répond que le jugement de la cour doit être analysé avant de décider si le gouvernement le portera en appel. «Soulignons par ailleurs que nous siégeons sur une table technique afin que nous puissions trouver, en collaboration avec les communautés autochtones, comment innover en matière de desserte policière autochtone.»
Dans le cadre d’une entrevue de fin d’année avec La Presse canadienne, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a indiqué qu’il comptait présenter l’an prochain un projet de loi qui affirmerait que les corps policiers autochtones sont un service essentiel. Il a dit que les Premières Nations avaient droit à «la même qualité de services policiers» que les non-autochtones.