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Et si c’était possible de faire son épicerie, à bas prix, seulement en se procurant les invendus des commerces?
Beep. 19,99$. Beep. 36,69$. Beep. 112,14$. Les chiffres défilent et poursuivent leur ascension chaque fois que le caissier du supermarché retire un aliment du tapis automatique. La facture sera salée.
Les paniers d’épicerie ne font qu’une bouchée de notre portefeuille. Un haut-le-cœur qui n’est pas provoqué par une intoxication alimentaire. Et si c’était possible de faire son épicerie, à bas prix, seulement en se procurant les invendus des commerces? C’est ce que proposent des services antigaspillage comme Sauvegarde, Too Good To Go, FoodHero et le Marché SecondLife.
Sillonnant les rues de Montréal, cellulaire en main, nous avons concocté un parcours antigaspillage à la conquête d’aliments parfaitement imparfaits.
Voyez dans la vidéo qui accompagne ce texte notre épicerie antigaspillage à moins de 50$.
Premier arrêt: épicerie fine La Baia Dei Formaggi
L’application Sauvegarde, dotée d’un système de géolocalisation, s’active. L’épicerie fine La Baia Dei Formaggi apparaît sur la carte interactive et offre un panier surprise à 10$, disponible dès maintenant.
Un sac qui sera essentiellement composé de surplus alimentaires, de produits quelque peu singuliers ou s’approchant de la date de péremption.
À notre arrivée, Johny Saliby, fondateur de Sauvegarde, est déjà sur place. Il discute avec les employés du commerce italien, qui a pignon sur rue depuis presque 50 ans.
«On a bâti de belles relations avec nos détaillants, et on les connaît très bien», confie M. Saliby, qui a lancé l’application à Montréal, en septembre dernier, avec une trentaine de participants incluant des cafés, des épiceries et des centres de distribution.
Six mois plus tard, plus de 200 commerces font partie de la plateforme, révèle-t-il.
«C’est une application qui permet aux détaillants de vendre à petits prix leurs surplus alimentaires afin de, non seulement, réduire le gaspillage alimentaire, mais aussi de réduire leurs pertes et de fidéliser de nouveaux clients, explique M. Saliby. Pour le consommateur, cela signifie des économies puisqu'il peut acheter des aliments encore très, très bons.»
Crédit photo: Jennyfer Exantus/Noovo Info. Johny Saliby, fondateur de l’application Sauvegarde
Luciana Occhiuto, copropriétaire de l’établissement, nous présente deux options de panier surprise, dont un à 10$, d’une valeur de 15$. À l’intérieur d’un sac à l’effigie de l’épicerie, nous retrouvons deux emballages de pâtes aux oeufs, un sachet de craquelins au camembert et un pot d’aubergines piquantes baignées dans l’huile. Certains de leurs 400 fromages et 90 charcuteries font également partie de ces paniers quotidiens, en fonction de l’inventaire disponible.
«Ce n'est pas seulement bon pour la planète, mais aussi pour les petits commerces comme nous, estime-t-elle. Cela nous aide à introduire nos produits, et c'est profitable pour les clients, qui peuvent se les procurer à des prix abordables.»
Crédit photo: Jennyfer Exantus/Noovo Info. Luciana Occhiuto, copropriétaire, et son mari, Timothy Vincent, gérant de La Baia Dei Formaggi.
Plus tôt ce mois-ci, l’entreprise montréalaise, en pleine croissance, a lancé son application dans les villes de Québec, Gatineau et Sherbrooke. Sauvegarde fait vibrer la fibre environnementale de plusieurs, mais force est d’admettre que l’inflation a également pesé dans la balance, analyse M. Saliby.
Diane Lefebvre, mère de quatre enfants, tous âgés de quatre et 11 ans, a rapidement été séduite par ces différents services antigaspillage.
Parmi ses favoris, Sauvegarde, le Marché SecondLife et FoodHero, qui offre un rabais moyen de 45% sur des aliments approchant la date de péremption dans 300 épiceries actives au Québec, dont les bannières Metro et IGA.
«Ça motive les enfants, dit-elle. On fait des parcours antigaspi et on teste des commerces. Ça leur plaît, car on met souvent la main sur des aliments que je n'aurais pas achetés.»
«Les commerces ont à cœur de sauver la nourriture, notamment avec l’application Sauvegarde, note Mme Lefebvre. Souvent, quand on arrive sur place, le commerçant est plus généreux que ce qui est affiché sur l’application.»
Depuis juillet dernier, Mme Lefebvre, qui réside à Québec, ne va presque plus «à l’épicerie normale». «C’est certain que c’est un changement d’habitudes à adopter», concède-t-elle.
Du début à la fin de la chaîne d’apprivoisement, ce sont 35,5 millions de tonnes de résidus alimentaires qui sont jetés, au Canada seulement. Il serait possible de nourrir tous les Canadiens pendant environ cinq mois en utilisant les quelque 11,2 millions de tonnes de résidus qui auraient pu être consommés, selon une étude du Conseil National Zéro Déchet.
Dépenses: panier de 10$
Économies: 5$
Deuxième arrêt: Cookie Stéfanie
En ouvrant la carte géolocalisée de l’application Too Good To Go, une multitude de points s’affichent, tous des commerces offrant des paniers surprises d’invendus à un tiers du prix de détail.
Direction Cookie Stéfanie, une pâtisserie du Vieux-Montréal qui propose des sucreries sans gluten. Tous les vendredis, quelques paniers surprises sont offerts aux utilisateurs de l’application. Fermé la fin de semaine, le coquet commerce, rue Saint-Jacques, écoule ainsi ses surplus.
«Pour les consommateurs, c'est une bonne façon d’essayer de nouvelles adresses sans trop dépenser, constate Jérémy Huard-Hudon, qui met la main à la pâte avec sa mère, sa soeur et sa tante.
«Côté clientèle, c’est moitié-moitié. Il y a des réguliers qui viennent chercher leurs sacs les vendredis, et il y a aussi de nouveaux visages.»
Crédit photo: Jennyfer Exantus/Noovo Info. Jérémy Huard-Hudon, de la pâtisserie Cookie Stéfanie
L’application Too Good To Go a été lancée à Montréal le 28 octobre dernier après avoir percé les marchés de Toronto et de Vancouver en juillet et en septembre 2021, respectivement. Ce mois-ci, l'entreprise a annoncé son arrivée à Québec, attirant 70 partenaires à peine deux semaines après le lancement. La table est mise. Et il n’y a pas que les commerces qui salivent devant les services de l’application.
«Chaque fois qu'on met un panier en ligne, dans neuf cas sur dix, il est vendu, et ce, en quelques minutes seulement, rapporte Paul-Emmanuel Roghi, responsable du développement d’affaires de Too Good To Go, à Vancouver. Il y a une vraie demande et une réelle réceptivité de la part des Canadiens.»
La mission de Too Good To Go, qui jouit d’un bassin de plus 121 000 partenaires dans 17 pays, touche également l’éducation. L’application courtise maintenant des universités, et le premier partenariat canadien à cet égard a été scellé avec l’Université Laval.
«Bravo à Québec, qui a lancé les hostilités, souligne M. Roghi. L'idée, c'est vraiment de travailler conjointement avec les universités, puis, plus tard, avec des écoles de différents niveaux.»
Dépenses: panier de 5$
Économies: 10$
Troisième arrêt: Librairie Au VieuxBouc
En naviguant sur le site Web de SecondLife, des dizaines de produits et de saveurs défilent sur ce catalogue en ligne d’aliments éclopés provenant directement de producteurs québécois. Des pommes de terre difformes et des carottes tordues font partie du lot.
Quelques clics plus tard, une commande hebdomadaire est enregistrée et sera livrée au point de chute le plus près.
En route, donc, vers la librairie Au VieuxBouc, sur Masson. Trois rangées de bacs se dressent au fond de l’établissement. Entassés au milieu des livres, ces fruits et légumes mal aimés ont également une histoire à raconter.
«Les clients arrivent avec leur sac et vont chercher leur bac afin de récupérer leur commande, explique Anne Desmarais, barista et libraire, qui assiste à ce manège depuis presque deux ans.
«Les gens entrent, sortent, regardent les livres et prennent parfois un café, en passant. Cela crée une belle dynamique dans la librairie.»
Crédit photo: Jennyfer Exantus/Noovo Info. Commandes SecondLife à la Librairie Au VieuxBouc
Le Marché SecondLife n’a plus beaucoup de croûtes à manger. L’entreprise, qui propose ses services depuis 2015, dessert plusieurs milliers de clients dans le Grand Montréal et à Québec, avec 150 points de chute au total.
«Depuis un an, on accueille des personnes vraiment attirées par le prix, qui ne sont pas forcément dans des catégories sociales comme les étudiants ou les aînés, observe le fondateur du Marché SecondLife, Thibaut Martelain. On retrouve de grandes comme de plus petites familles. Tout le monde est impacté par l'augmentation des prix.»
Son équipe, bien huilée, et ses partenaires – des fermiers, des grossistes et des distributeurs – attaquent le gaspillage alimentaire de front, même si la commande est de taille.
«Plus on parle à un gros joueur, plus on se rend compte que les volumes [de produits alimentaires gaspillés] sont gigantesques.»
C’est entre autres ce qui lui a mis l’eau à la bouche, avant de lancer la marque privée Fièrement Différents, qui revalorise des produits aux prises avec des défauts d’emballage, d’étiquetage ou d’uniformité.
Avec l'ajout de cette gamme de produits à l’offre déjà existante de fruits et légumes, pourrait-on voir germer des succursales physiques SecondLife? L’entreprise en a fait son poisson d’avril cette année, mais on y pense, me chuchote-t-on à l’oreille. «Ce serait possible, on y réfléchit», murmure M. Martelain.
Dépenses: panier de 15$
Économies: 5$
À la suite de notre parcours antigaspillage, mené grâce à différents services, nous avons rempli notre frigo et notre garde-manger de fruits, de légumes, de protéines, de pâtes et de pâtisseries. Un total de 45$ pour une épicerie d’une semaine convenant à une personne vivant seule. Des économies qui s’élèvent à 30$.
Dépenses totales: 45$
Économies: 30$
Crédit photo: Adeline Fortin/Noovo Info. Le détail de nos achats via les services antigaspillage.
Le gaspillage alimentaire est également présent dans nos foyers. Selon une étude du Conseil National Zéro Déchet réalisée en 2020, 63% de la nourriture jetée au Canada aurait été bonne à la consommation, ce qui représente, annuellement, une moyenne de 1100$ par ménage canadien.
Ce qui est le plus gaspillé: les légumes, les fruits et les restants de table.
Comment déterminer si nos aliments sont toujours consommables au-delà de la date de péremption?
Alexandrine Gamache, chargée de cours au département de nutrition de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, démystifie le fameux «Meilleur avant».
Voyez ses explications dans la vidéo ci-dessous.