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«Quand on regarde sur 5, 10 ou 15 ans, si on veut fidéliser les jeunes, il faut se tourner vers les plateformes.»
Plus que jamais, le secteur de productions cinématographiques et télévisuelles du Québec jongle avec des défis grandissants, notamment un financement dérisoire, et doit trouver un moyen de se réinventer et de se développer.
Le besoin criant d'atteindre une stabilité économique permettant de créer du contenu québécois de qualité et de le faire vivre ici et ailleurs est miné par les plateformes de contenu, qui continuent de rafler les adolescents et les jeunes adultes.
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Cette croisée des chemins est inquiétante, a indiqué mercredi Louis Morissette, président de KOTV, lors d'une conférence de presse organisée par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM). Les nouvelles générations se sont habituées au contenu en anglais, et le consomment avidement sur les Netflix, Crave et Amazon Prime Video de ce monde.
«Ça peut être difficile de leur faire entrer le train de la culture québécoise, a souligné le scénariste. Quand on regarde sur 5, 10 ou 15 ans, si on veut fidéliser les jeunes, il faut se tourner vers les plateformes. (...) Notre seule façon de pouvoir concurrencer ce marché-là, c'est d'offrir du contenu de qualité, d'être créatifs et de mettre beaucoup de gens à l'écran pour aller sur les marchés internationaux et y rayonner».
La question du financement est, depuis plusieurs années déjà, sur toutes les lèvres. Les chiffres du Fonds des médias du Canada (FMC) révèlent que les productions locales ont accès à un budget moyen d'environ 630 000 $ par heure de contenu. Dans le Canada anglais, ce montant s'élève à plus de 2,4 millions $ par heure.
«C'est l'œuf et la poule : on dit qu'on va aller chercher un marché plus jeune, alors on met beaucoup d'argent sur une série plus jeune. Tu arrives devant les cotes d'écoute et c'est très mauvais, car qui regarde la télé en temps réel? Les gens de 60 ans», a souligné Louis Morissette lors de l'événement.
L'auteur-acteur-producteur québécois en est convaincu : il faut faire des «oeuvres fortes» pour les gens dans la jeune vingtaine.
Pour Pierre Barrette, directeur de l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal, la solution réside peut-être en la création d'un «Netflix québécois», même si peu d'efforts concertés ont été réussis en ce sens.
«Je pense que l'avenir (...), c'est le jour où on va avoir une sorte de TOU.TV qui ramasse l'essentiel de la production, à la fois de la télévision publique et de celle des réseaux privés, et qui va offrir une véritable alternative de contenus québécois à ce qui est proposé sur Netflix», explique-t-il en entrevue.
Les films et des séries d'ici se retrouveraient ainsi tous sur une même plateforme, à l'instar de TOU.TV Extra qui appartient à Radio-Canada. Celle-ci pourrait gérer à la fois la production et la distribution du contenu, un modèle d'affaires atypique, mais prometteur, selon certains.
«À partir du moment où on produit de la télévision destinée au public québécois et qu'on fait en sorte que ce soit Netflix qui le diffuse, j'ai l'impression qu'on fait un peu fausse route, estime M. Barrette. (...) Le premier public d'une série comme «M'entends-tu?», ce n'est pas le public de Netflix».
Le fait que le Québec soit reconnu comme un «hub créatif» dans les secteurs des effets visuels et de l'animation n'est, selon lui, pas suffisant pour contribuer au rayonnement de sa culture. Bien que le nouveau film d'animation sorti en février «Katak, le brave béluga» soit fait au Québec, son apport reste davantage économique qu'identitaire.
«Lorsqu'on fonctionne dans des contenus ou des formes où ça ne paraît pas qu'on est québécois, c'est plate à dire, mais on est soudainement super hot. C'est facile de prendre des voix d'acteurs américains et de les mettre sur des bélugas, et quand ça va passer à New York, personne ne va savoir que c'est québécois», précise le directeur.