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Depuis l’été dernier, des gangs violents se sont emparés de la capitale haïtienne de Port-au-Prince.
Ottawa partage des dossiers confidentiels dans le but de convaincre des pays comme la France de joindre ses efforts pour sanctionner des élites d’Haïti, a déclaré l’ambassadeur du Canada aux Nations Unies.
«Nous continuons de partager toute l’information que nous pouvons — en ce qui concerne les décisions que nous avons prises — avec d’autres pays», a précisé Bob Rae dans une entrevue.
«Le Canada conserve toujours le droit de prendre ses propres décisions, et c’est ce que nous faisons», a-t-il expliqué.
M. Rae s’est rendu en Haïti en décembre dernier dans le cadre des efforts du Canada pour essayer de former un consensus politique sur la meilleure façon dont les pays occidentaux devraient répondre aux crises politiques et humanitaires en cascade du pays.
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Depuis l’été dernier, des gangs violents se sont emparés de la capitale haïtienne de Port-au-Prince. Selon un rapport des Nations Unies publié en octobre dernier, ces gangs agressent sexuellement les femmes et les enfants, en plus de restreindre l’accès aux soins de santé, à l’électricité et à l’eau potable.
Ils auraient tué et kidnappé des centaines de personnes, tout en comblant un vide de pouvoir dans un pays dirigé par des politiciens dont le mandat a expiré. Aucune élection n’a eu lieu depuis avant la pandémie de COVID-19.
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Le premier ministre non élu du pays, Ariel Henry, a demandé une intervention militaire étrangère, que le Canada devrait, selon Washington, diriger, même si l’idée divise les Haïtiens.
Au lieu de cela, le Canada a cherché un consensus politique en Haïti et a sanctionné 15 membres de l’élite politique et économique du pays, les accusant d’encourager les bandes criminelles dans leur pays.
Le Canada n’a pas communiqué publiquement les preuves sur lesquelles il a fondé ses décisions. La longueur de sa liste de sanctions contre Haïti est inégalée.
Les États-Unis ont sanctionné seulement quatre Haïtiens l’an dernier en raison de liens présumés avec des groupes criminels, en plus de trois que Washington avait sanctionnés en 2020.
La plupart des pays ont choisi de suivre un processus des Nations Unies pour identifier les personnes affiliées à des gangs qui devraient faire l’objet de sanctions. Il n’y a qu’une seule personne depuis octobre — le chef de la fédération des gangs Jimmy Cherizier, connu localement sous le nom de «barbecue».
Quiconque se retrouvera sur cette liste sera frappé d’une interdiction de voyager et un gel de fonds. Toutefois, Bob Rae s’attend à ce que les pays mettent beaucoup de temps à s’entendre sur qui mérite de telles restrictions.
«Le Canada savait que le processus à l’ONU pourrait devenir complexe, a-t-il souligné.
Nous avons pensé qu’il était important pour nous de devancer ce processus, que nous respectons pleinement, et nous avons hâte d’entendre les experts.»
Dans une entrevue accordée le mois dernier à La Presse Canadienne, le premier ministre Justin Trudeau a demandé aux gouvernements européens de suivre l’exemple du Canada et de mettre en œuvre leurs propres sanctions, mais sans succès.
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Dans une entrevue accordée plus tôt ce mois-ci, l’ancienne gouverneure générale Michaëlle Jean, qui est née en Haïti, a reproché à la France de ne rien faire du tout au sujet des sanctions.
L’ambassade de France à Ottawa s'est tournée vers le discours que la représentante de la France a prononcé lundi devant le Conseil de sécurité de l’ONU, laissant entendre que le pays s’en tient au processus de sanctions de l’ONU.
«La France salue la constitution du Comité 2653 et de son panel d'experts. Nous espérons que ce Comité se mettra rapidement au travail afin de faire des propositions. Les sanctions constituent un signal dissuasif pour les criminels, leurs soutiens politiques et financiers. Mais les sanctions seules ne résoudront pas tout», a déclaré la représentante permanente adjointe de la France à l'ONU, Nathalie Broadhurst.
«C’est avec un sentiment de grande urgence que la France appelle la communauté internationale à redoubler ses efforts», a-t-elle ajouté.
M. Rae a déclaré que les sanctions de la France auraient probablement un fort effet. Il a également noté que la République dominicaine voisine est un refuge pour les élites haïtiennes, mais elle manque de lois pour sanctionner les individus.
«Nous avons des discussions avec l’Union européenne (UE), la France et d’autres. Nous continuons à avoir un dialogue aussi constructif que possible», a-t-il affirmé.
«Notre expérience en Haïti nous démontre que les sanctions ont eu un impact et que cet impact sera accru lorsque d’autres pays se joindront à nous.»
Contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni, qui publie des motifs détaillés lorsqu’il inscrit quelqu’un sur sa liste de sanctions, l’approche canadienne consiste à garder les motifs confidentiels.
Les anciens premiers ministres haïtiens Laurent Lamothe et Jean-Henry Céant ont tous deux exigé que le Canada révèle son raisonnement, en niant tous deux les affirmations d’Ottawa selon lesquelles ils appuient les gangs en Haïti. M. Lamothe a déposé une plainte devant la Cour fédérale, tandis que M. Céant a demandé cette semaine à l’ONU de sévir contre le Canada.
«Aucune de ces décisions n'est prise à la légère. Elles sont prises en sachant dans que beaucoup de gens ne seront naturellement pas heureux d’être sanctionnés (...) Il est important que tout le monde sache que la loi doit être respectée avec soin», a déclaré M. Rae.
En Haïti, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a signalé que les sanctions du Canada ont légèrement atténué les souffrances, les gangs relâchant leur emprise sur les citoyens.
«Ils ont reçu l’ordre de se calmer», a déclaré le réalisateur Rosy Auguste Ducena à Radio France International au début du mois.
« Ceux qui n'ont pas encore été touchés par ces sanctions ont décidé de ralentir leurs relations avec les bandits armés, c'est l'impression que nous avons», a affirmé M. Ducena.
Pourtant, un ancien envoyé des États-Unis en Haïti, Dan Foote, a des doutes. Il a démissionné en septembre 2021 en raison de la frustration à l’égard des politiques occidentales dont il a été témoin en Haïti, ce qui, selon lui, «produit constamment des résultats catastrophiques».
«Pour que les sanctions fonctionnent, elles doivent être transparentes», a déclaré Foote en entrevue.
Il a ajouté que les sanctions peuvent avoir des conséquences négatives imprévues. «Il y a des personnes qui auraient amené beaucoup d’Haïtiens à la table qui sont maintenant sous le coup de sanctions.»