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«Est-ce que remplacer le ministre permettrait vraiment de changer la réalité sur le terrain?»
Les cas choquants font les manchettes et la soupe devient de plus en plus chaude pour le ministre des Services sociaux, Lionel Carmant. Une crise de confiance s’installe, et ce, quelques années seulement après la tenue de la Commission Laurent. On se pose la question : que peut-on faire pour briser le cycle ? Attention aux solutions magiques.
Les partis d’opposition réclament la démission de Lionel Carmant. Politiquement, je comprends l’intérêt. Mais est-ce que remplacer le ministre permettrait vraiment de changer la réalité sur le terrain? Honnêtement, je ne le pense pas.
Depuis quelques semaines, les articles et reportages choquants se multiplient : des enfants retirés de leur famille sans justification suffisante, des éducatrices ont agressé sexuellement des jeunes en centre jeunesse, des triplés séparés. Toutes des histoires différentes, des enjeux distincts. Mais un fil conducteur : ça va mal à la DPJ.
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Comment se fait-il que nous n’entendions que du négatif ? Deux choses.
La première, c’est que c’est vrai que ça va mal.
La deuxième, c’est que la réalité médiatique est implacable. : quand il est question de protection de la jeunesse, les succès et les améliorations sont peu visibles. Les échecs, eux, sont publics. Les cas pathétiques sont faciles à comprendre, ils suscitent l’indignation. Les parents peuvent parler publiquement s’ils le souhaitent.
Le gouvernement n’a pas cette liberté de parole compte tenu de l’aspect confidentiel des dossiers. Aussi, le fait d’avoir, par exemple retiré un enfant à temps et prévenu une hypothétique situation malheureuse ne fera jamais les nouvelles… à moins que la famille y voie une injustice. On dira alors qu’on a retiré les enfants trop rapidement.
Quand au contraire, un événement malheureux survient, on dira que la DPJ n’a rien fait, que le système a failli.
L’équilibre est difficile à atteindre et ces décisions reposent sur des humains. Des humains souvent jeunes, inexpérimentés, épuisés et débordés.
Face à la tempête suscitée par le scandale d’inconduites sexuelles à Cité-des-Prairies, Lionel Carmant a procédé à un changement de direction à la DPJ. Entre Catherine Lemay et le ministre, le courant ne passait pas.
On nous a fait valoir que Mme Lemay préconisait une approche trop douce. Dans un contexte où on manque cruellement de personnel, on peut comprendre qu’il est délicat de rentrer comme un bulldozer dans les équipes… mais en même temps, comment accepter des manquements aussi graves ?
Que peut-on faire de plus à court terme ? Rien qui fera disparaître magiquement les problèmes et les manchettes négatives.
Changer de ministre ? Qu’est-ce que ça va changer concrètement ?
Faire une commission d’enquête ? On vient littéralement d’en faire une.
Mettre toute la DPJ sous tutelle ? On risque d’achever les équipes.
Cela semble décourageant parce que nous n’avons même pas terminé de déployer les recommandations du rapport Laurent. On est aussi en train de remanier le réseau de la santé, ce qui a toutes sortes d’impacts dans le réseau de la santé et des services sociaux… dont une certaine paralysie.
Mais malgré notre fatigue face aux réformes, c’est à regret que je vous soumets qu’il faudrait repenser le système. Est-ce que la DPJ est toujours la bonne instance pour agir face à tous les cas concernant tous les enfants ? Ne devrait-on pas aussi et surtout renforcer les services et le soutien des familles à l’aide des organismes et d’un filet de sécurité beaucoup plus riche que la seule DPJ qui est surchargée ? La DPJ ne serait-elle pas moins débordée si les soins en santé mentale étaient plus accessibles ?
La DPJ devrait se concentrer en priorité sur les cas de maltraitance et, en parallèle, tout un filet de sécurité devrait être mis en place pour les cas de négligences dans lesquels souvent les familles sont surtout besoin d’aide et de soutien.
Il y a urgence d’agir pour réduire la pénurie de personnel. Souvenons-nous de la situation dans les CHLSD pendant la pandémie. Le gouvernement avait alors donné un important coup de barre important afin de former des préposés aux bénéficiaires. Devrions-nous faire une opération similaire pour les intervenant.es de la DPJ ?
Aussi, est-ce normal que les intervenantes de la DPJ soient payées à la même hauteur que celles d’un CLSC ? Il s’agit d’un travail EXTRÊMEMENT difficile. Il y a ici un enjeu de convention collective dont certaines clés se trouvent dans les mains des syndicats.
Il s’agit d’une corvée nationale, pas l’affaire d’un seul homme…
L’imputabilité est essentielle, mais elle ne doit pas non plus devenir un spectacle de bouc émissaire qui pourrait finalement porter notre regard hors des vrais problèmes et des vraies solutions à court, moyen et long terme.