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«Moi je dis: ''Armons notre projet de loi. Permettons que ce soit fait''»
Le Bloc québécois a inclus la disposition de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés dans un projet de loi visant à empêcher que des accusés de crimes graves, comme de l'exploitation sexuelle ou un meurtre, aient droit à un arrêt de procédures judiciaires en vertu de l'arrêt Jordan.
Le porte-parole bloquiste en matière de justice, Rhéal Fortin, a assuré jeudi qu'«aucun calcul politique» n'a motivé sa formation politique à utiliser la clause communément appelée «nonobstant» et qui prémunit un texte législatif d'être invalidé par les tribunaux.
Il a décrit le projet de loi présenté au Parlement par son collègue Denis Trudel comme une initiative relevant du «gros bon sens», soulignant aux journalistes qu'il reprenait l'expression largement utilisée par les conservateurs.
La pièce législative, C-392, propose que l'arrêt Jordan ne puisse être utilisé quand un individu est jugé sur des chefs d'accusation se reportant aux «infractions primaires» définies par le Code criminel. Ces infractions comprennent notamment le meurtre, l'agression sexuelle, l'enlèvement et des crimes impliquant une arme à feu.
L'arrêt Jordan, rédigé par la Cour suprême en 2016, établit un plafond maximal de délai judiciaire de 18 mois en cour provinciale et de 30 mois pour les tribunaux supérieurs. Depuis, des accusés ont vu les procédures qui pesaient contre eux tomber.
«Je suis d'accord avec la Cour suprême. Ce que je dis, c'est que là on constate que, malgré toutes ces bonnes intentions, on relâche des gens accusés de crimes graves (...) que ça mine la confiance de la population (envers) son système judiciaire», a dit M. Fortin.
Questionné à savoir si le choix de mentionner la clause «nonobstant» était alimenté par une crainte que le projet de loi, s'il devient réalité, puisse être contesté avec succès par des citoyens, M. Fortin a répondu que «si ça arrive, on sera parti avec l'équipement nécessaire».
«Moi je dis ''Armons notre projet de loi. Permettons que ce soit fait''», a résumé le député.
L'inclusion de la disposition de dérogation dans C-392 survient un mois après que le chef conservateur Pierre Poilievre eut laissé entendre sans détour qu’il envisage de recourir à cette même clause afin de faire adopter des réformes en matière de justice s'il devient premier ministre.
Quand un journaliste a exposé à M. Fortin, en prémisse d'une question, cette séquence des événements, l'élu a répondu qu'il ne dit pas aux représentants de la presse «de ne pas faire le lien ni de le faire».
«Quant à moi, M. Poilievre gère ses affaires comme il veut. (…) Il va bien faire les propositions qu’il veut et on prendra position le moment venu.»
Le projet de loi bloquiste, parrainé par M. Trudel, en est un d'initiative parlementaire. Un porte-parole du Bloc québécois a indiqué à La Presse Canadienne qu'il sera débattu à l'étape de la deuxième lecture «dans les prochaines semaines ou à l'automne».
Pour le reste de l'étude parlementaire, il reste à voir à quel rythme celle-ci pourra cheminer, le gouvernement ayant le contrôle des priorités à l'agenda législatif.
Déjà, jeudi, le ministre de la Justice, Arif Virani, a rejeté du revers de la main la proposition bloquiste en dénonçant que le projet de loi prévoit un recours à la «clause nonobstant». Il a, du même souffle, soutenu que M. Poilievre «a ouvert les vannes, le mois dernier».
«Nous voyons maintenant un autre parti fédéral décider que la Charte est simplement une option. De ce côté de la Chambre, pour le Parti libéral, notre gouvernement protégera toujours vos droits et libertés garantis par la Charte», a déclaré le ministre au cours de la période des questions.
Autrement, M. Virani a évité de se prononcer sur l'idée de circonscrire la portée de l'arrêt Jordan..