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Sous-financement en santé publique, absence d’un plan de pandémie à jour, rôles mal définis dans la chaîne de commandement, manque de transparence... «Le Québec ne s’était pas bien préparé pour affronter une crise sanitaire», tranche la CSBE.
Malgré l’expérience antérieure, «le Québec ne s’était pas bien préparé pour affronter une crise sanitaire», a conclu la Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), Joanne Castonguay, mercredi en conférence de presse.
Parmi les explications de la crise de gestion de la pandémie dans les CHSLD lors de la première vague de propagation de la COVID-19, la CSBE a inclus un sous-financement marqué en santé publique en comparaison avec les autres provinces canadiennes.
Le manque d'indépendance dans le rôle du Dr Horacio Arruda, directeur national santé publique à l'époque, a aussi été mis en cause.
À voir : Le devoir de faire autrement, le rapport complet de la CSBE
Absence d’un plan de pandémie à jour, rôles mal définis dans la chaîne de commandement, manque de transparence dans l’élaboration des directives ministérielles, sous-représentation de la réalité des milieux de vie et des besoins des personnes âgées, faible recours aux scientifiques… La commissaire a émis ses recommandations pour éviter qu’un tel scénario se reproduise, un scénario dans lequel «les modes de gouvernance du réseau n’ont pas permis aux responsables de santé publique d’exercer le leadership inscrit dans leur mandat légal.»
Nous accueillons aujourd’hui le rapport de la Commissaire à la santé et au bien-être que je remercie pour son travail. Nous avons la ferme intention de donner suite au rapport. Nous sommes déjà à l’œuvre pour répondre concrètement aux recommandations.👇🏻https://t.co/Ma7pVr925v
— Christian Dubé (@cdube_sante) January 19, 2022
«Les dépenses en santé publique per capita du Québec sont les plus faibles en comparaison à celles des autres provinces canadiennes. Le Québec est la seule province qui a vu ces dépenses diminuer de 2010 à 2019», dit le rapport.
Par ailleurs, «entre 2004 et 2019, l’augmentation des dépenses en santé publique ajustées pour l’inflation était de 32,2 %, alors que celle de l’ensemble des programmes de services excluant la santé publique était de 62 %», ajoute-t-on.
Les dépenses en santé publique per capita du Québec et les autres provinces de 2010 à 2019:
Crédit: «Mandat sur la performance des soins et services aux ainés – COVID-19», par la Commissaire à la santé et au bien-être
Dans le but d’améliorer les services en santé, le rapport suggère, entre autres, l’élaboration transparente et la mise à l’essai d’un plan de gestion sanitaire, le rehaussement des capacités du système de santé par l’entremise des ressources humaines et financières.
«Nous devons opérer un changement fondamental d'orientation à la mémoire de toutes les victimes de la pandémie et, par solidarité, avec les générations qui suivent», a déclaré la commissaire Castonguay.
Au cœur de la crise, le Dr Horacio Arruda était à la barre de la direction nationale de santé publique. Dans ses fonctions, on retrouvait également celles de sous-ministre adjoint, une double fonction sur laquelle s’interroge la commissaire Castonguay.
Selon la CSBE, «le manque de transparence du gouvernement quant à la teneur des recommandations du DNSP, souvent non écrites, lors de la première vague de la pandémie, a pu mettre en doute l’indépendance réelle des acteurs de santé publique et du Dr Arruda lui-même.»
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Jusqu’à sa démission du Dr Arruda, le 10 janvier dernier, des appels à le remplacer ont été particulièrement nombreux au cours des derniers mois alors que des questionnements se multipliaient sur ses compétences, notamment avec sa récente recommandation controversée du couvre-feu, et précédemment ses commentaires à l'effet que l'utilisation de tests rapides ou encore le port du masque procure un faux sentiment de sécurité. Le Dr Luc Boileau a pris sa relève, le 11 janvier.
Le rapport touche principalement la question de la crise dans les CHSLD, pour laquelle une enquête de la coroner Géhane Kamel est en cours. Le dernier témoignage des audiences publiques, celui du responsable de la sécurité civile, Martin Simard, a eu lieu cette semaine. Il indiquait qu’une lettre du gouvernement qui a été envoyée le 28 janvier 2020 aux CISSS et CIUSSS pour mettre en branle des préparatifs en vue de l’arrivée de la COVID-19 au Québec ne visait pas les CHSLD, à sa connaissance.
Selon ce que soutient Martin Simard et contrairement à ce qu'ont affirmé sous serment trois importants témoins, dont l'ex-ministre de la Santé Danielle McCann, les CHSLD ne sont apparus sur le radar du gouvernement que le 11 mars 2020.
Lors du témoignage-clé de la ministre des Aînés, Marguerite Blais, Mme Kamel signifiait vendredi son «étonnement» quand Mme Blais disait que «personne ne croyait que ça allait toucher [les CHSLD] comme ça; [...] on croit que ça va toucher les hôpitaux.»
«Encore à ce jour, on n’est pas capable de me dire que les CHSLD étaient dans l’angle mort du gouvernement. Les deux bras me tombent», a déclaré la coroner Kamel, lundi.
Les données officielles font état de 5718 décès reliés à la COVID-19 au Québec lors de la première vague. Du nombre, 3 675 décès avaient été constatés en CHSLD. Au cours de la même période, le nombre de décès a été de 944 en résidence privée pour ainés (RPA) et de 217 dans les ressources intermédiaires et de type familial (RI-RTF). C’est donc 40 % des résidents de CHSLD infectés qui sont décédés, alors que ce taux était de 25 % dans les RPA, de 23 % dans les RI-RTF et de 2,2 % dans la population en général, a constaté la CSBE.