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La cheffe adjointe par intérim du Service de police d’Ottawa, Patricia Ferguson, témoigne jeudi devant la commission d’enquête publique qui se penche sur le recours par le gouvernement fédéral à la Loi sur les mesures d’urgence, en février.
Le «convoi de la liberté» paralysait déjà la capitale fédérale depuis plus de deux semaines lorsque la police d'Ottawa a finalement approuvé un plan détaillé pour y faire face, a déclaré jeudi une officière supérieure, à la commission d'enquête Rouleau.
La cheffe adjointe par intérim du Service de police d'Ottawa, Patricia Ferguson, a déclaré que l'état-major supposait que les manifestants ne resteraient pas au-delà de la première fin de semaine. On a donc misé sur le plan passe-partout qui avait déjà été utilisé pour d'autres événements au centre-ville impliquant de grandes foules, comme à la fête du Canada.
Mme Ferguson a indiqué jeudi qu'avec le recul, elle aurait donné plus de crédibilité aux alertes précoces de la Police provinciale de l'Ontario et à d'autres renseignements qui suggéraient que le groupe de manifestants prévoyait de rester pendant des semaines dans la capitale fédérale.
Elle admet que son service de police était au courant de ces avertissements, mais les a comparés à d'autres renseignements et s'en est finalement tenu à son traditionnel plan en cas d'événements majeurs au centre-ville.
Mme Ferguson témoignait jeudi devant la commission d'enquête publique qui se penche sur le recours par le gouvernement fédéral à la Loi sur les mesures d'urgence, en février.
Le seul plan d'urgence à la police d'Ottawa misait essentiellement sur le déploiement de policiers supplémentaires pour la fin de semaine, et il n'était pas prévu que les manifestants s'incrustent dans le secteur. Ce n'est que le dimanche soir, alors que près de 700 camions étaient toujours sur place, que la police a commencé à se rendre compte de son erreur.
Mais proposer un «plan B» s'est avéré très ardu, a déclaré Mme Ferguson, notamment parce que le service n'avait pas d'officiers qui se concentraient uniquement sur la planification. Par ailleurs, a-t-elle rappelé, le personnel était déjà épuisé après avoir travaillé la semaine précédente et tout au long du week-end. Un personnel qui était déjà au bout du rouleau après deux ans de pandémie, a indiqué Mme Ferguson.
Un plan formel et approuvé par l'état-major ne s'est finalement concrétisé que le 13 février, alors que les manifestants occupaient les rues de la capitale depuis deux semaines. Mme Ferguson a indiqué jeudi que l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence, le 14 février, «a graissé les rouages» de ce plan. La police a finalement commencé à déloger les manifestants le 18 février, avec l'aide de plus de 2000 agents supplémentaires de différents corps policiers.
Le juge Paul Rouleau, qui préside la Commission sur l'état d'urgence, a demandé à Mme Ferguson si on avait songé un temps à permettre à la manifestation de se poursuivre légalement. «Je ne sais pas si ces conversations avaient lieu», a-t-elle répondu.
Mme Ferguson a déclaré qu'entretemps, une certaine anarchie régnait autour du centre-ville d'Ottawa; la police était tellement débordée qu'elle n'était plus en mesure d'enquêter sur chaque incident grave qui lui était signalé.
Alors que le service tentait de déterminer la marche à suivre, le chef de la police d'Ottawa de l'époque, Peter Sloly, avait commencé
à diriger les opérations en dehors de la chaîne de commandement, a soutenu jeudi Mme Ferguson.
Le chef a demandé un plan axé essentiellement sur l'ordre public, avec notamment des stratégies de gestion de la circulation, a-t-elle expliqué. Ce plan d'ordre public ne s'est jamais concrétisé.
Selon elle, un véritable plan n'a été défini sur papier que le 9 février, plus d'une semaine après l'arrivée des premiers manifestants. Dans ses notes sur une réunion, elle a noté que le chef Sloly avait dit à l'endroit de ceux qui voudraient miner le plan: «Je vais les écraser».
«J'étais consternée par ce commentaire», a déclaré Mme Ferguson, qui s'est disputée avec le chef au sujet de la nature musclée du «plan» et qui a plaidé pour une négociation avec les manifestants.
Une évaluation cinglante de la réponse de la police jusque-là a été préparée par la «cellule de planification intégrée», une équipe d'agences partenaires, y compris la Gendarmerie royale du Canada (GRC), la Police provinciale de l'Ontario et des experts en la matière d'autres corps policiers. Ce rapport décrit la réponse du 10 février comme réactive, tactique, agressive et risquée, mais pas «dictée par le renseignement».
La cellule a également suggéré que le Service de police d'Ottawa se concentrait sur l'entretien, et non sur la résolution de la manifestation _ ce qui, selon Mme Ferguson, était vrai, en raison du nombre de policiers disponibles.
Dans le compte-rendu d'une entrevue avec la commission, déposé en preuve lors de son témoignage, Mme Ferguson souligne que le chef Sloly «se méfiait peut-être» de la cellule de planification parce qu'il connaissait certains des membres qui avait déjà été avec lui à la police de Toronto, y compris son ancien chef, Bill Blair, devenu depuis ministre fédéral de la Protection civile.
Dans un témoignage antérieur, le commandant du bureau provincial du renseignement opérationnel de la Police provinciale, Pat Morris, a déclaré à la commission qu'il n'avait pas vu de preuves directes de la menace de violence extrémiste parmi les manifestants.
Il a déclaré que l'absence de crimes violents était «surprenante» et que de nombreux rapports politiques et médiatiques suggérant que la manifestation avait été influencée par la Russie ou les Américains, et qualifiant les manifestants d'extrémistes, étaient «problématiques».
Au cours du contre-interrogatoire, M. Morris a admis à un avocat représentant les organisateurs du «convoi de la liberté» que la Police provinciale n'avait aucune information crédible sur l'espionnage, le sabotage ou les menaces de violence physique ou de dommages aux biens qui pourraient être commis par des individus ayant des motivations politiques, religieuses ou idéologiques.
Cependant, son témoignage a été contredit par des rapports de son service et d'autres, y compris des notes d'une réunion du 24 janvier entre des agences de renseignement, qui indiquaient qu'il était clair que la manifestation «obtenait beaucoup de soutien» et recueillait des millions de dollars, avec plus de groupes impliqués, y compris «des agriculteurs et des extrémistes de droite appelant à des perturbations majeures».