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Dans son témoignage, Thomas Carrique devrait expliquer comment la police provinciale s'est préparée aux manifestations et dire si elles constituaient une menace pour la sécurité nationale.
Brenda Lucki avait non seulement perdu confiance dans le leadership de l'ancien chef de la police d'Ottawa Peter Sloly lors des manifestations du «convoi de la liberté», mais la commissaire de la GRC était si inquiète qu'elle était prête à s'adresser directement au premier ministre Justin Trudeau, a-t-on appris jeudi à l'enquête publique.
Les commentaires de Mme Lucki ont été publiés sous la forme de notes prises lors d'une réunion, le 15 février, entre elle et plusieurs officiers supérieurs de la Police provinciale de l'Ontario.
On ne sait pas à quelle heure la réunion a eu lieu en ce 15 février, mais c'est ce jour-là que le chef Sloly a annoncé sa démission. La veille, le gouvernement libéral avait invoqué la Loi sur les mesures d'urgence, qui a octroyé des pouvoirs temporaires et exceptionnels visant à rétablir l'ordre.
Cela faisait alors trois semaines que des centaines de manifestants bloquaient les rues autour de la colline du Parlement avec leurs véhicules, en exigeant la fin des mesures sanitaires fédérales -- mais parfois aussi, de façon plus générale, la démission du gouvernement Trudeau.
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La Loi sur les mesures d'urgence peut être utilisée lorsqu'une situation urgente, critique et temporaire menace la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens, que l'on pense que les provinces n'ont pas la capacité ou l'autorité de gérer une situation et que la crise ne peut être gérée efficacement avec les lois existantes.
La Commission sur l'état d'urgence est chargée de déterminer si le gouvernement était justifié d'invoquer cette loi jamais utilisée auparavant. La commission, présidée par le juge Paul Rouleau, tient des audiences publiques à Ottawa jusqu'au 25 novembre.
Jeudi, la commission Rouleau a eu un aperçu de ce que la commissaire Lucki pensait en privé des manifestations et de la capacité de la police d'Ottawa à gérer la situation.
Les notes prises lors de la réunion du 15 février montrent que Mme Lucki voulait que la Police provinciale prenne le relais de la police d'Ottawa. Selon des documents, elle a déclaré que la police avait besoin d'une stratégie de communication et de règles d'engagement pour faire appliquer une loi qui interdisait aux personnes de se joindre aux blocages. «La réputation des services de police est en jeu ici», a-t-elle déclaré, selon les notes.
Les documents indiquent que le commissaire de la Police provinciale de l'Ontario (PPO), Thomas Carrique, qui a témoigné jeudi devant la commission, a déclaré à Mme Lucki, lors de cette réunion du 15 février, qu'ils devaient tous les deux parler à M. Sloly «de ce qui ne fonctionne pas et des attentes», ainsi que des objectifs opérationnels.
Mme Lucki a répondu qu'elle «ne faisait plus confiance à son leadership, ou que cela se ferait». Elle ajoute que s'il le fallait, elle «irait personnellement voir le premier ministre, pour que ça change», disant à son homologue Carrique qu'il avait le plein soutien de la GRC pour prendre le relais à Ottawa.
«Nous avons prévenu Peter (Sloly) qu'il se devait de réussir, car un échec renforcerait les manifestants», a déclaré Mme Lucki.
M. Sloly a démissionné au milieu de critiques généralisées sur la gestion des manifestations par le Service de police d'Ottawa (SPO). Il devrait témoigner vendredi devant la commission et Mme Lucki est attendue dans les prochaines semaines.
La commission Rouleau a appris plus tôt jeudi que le 5 février, une semaine après le début des manifestations, Mme Lucki avait déclaré à M. Carrique que le cabinet fédéral était déjà très préoccupé, selon des textos échangés entre les deux chefs, qui ont aussi été déposés en preuve.
«En toute confidence, (le gouvernement du Canada) perd (ou) a perdu confiance dans le SPO [...] Nous devons passer à une action (ou) à l'application de la loi en toute sécurité, écrit Mme Lucki. Parce que s'ils vont jusqu'à la Loi sur les mesures d'urgence, vous ou (moi) pourrions être placés au-devant de la scène [...]ce que je ne souhaite pas.»
Mme Lucki écrit ensuite qu'elle était en communication avec des ministres, sans les nommer, qu'elle tentait de calmer. «Pas facile quand ils voient des grues, des structures, des chevaux, des châteaux gonflables au centre-ville d'Ottawa. Des suggestions pour les calmer?», écrit-elle à son homologue ontarien.
Jeudi après-midi, on a demandé au ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, à l'extérieur de la Chambre des communes, s'il avait perdu confiance dans la police d'Ottawa en février. Il n'a pas dit oui ou non, déclarant plutôt que son gouvernement soutenait la police autant qu'il le pouvait pendant «l'occupation illégale».
On avait appris mercredi aux audiences de la commission que Mme Lucki avait envoyé un courriel au bureau du ministre Mendicino quelques heures seulement avant l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence par son gouvernement. La commissaire de la GRC écrivait alors que pour mettre fin au blocus, elle ne croyait pas que la police avait épuisé toutes les options existantes en vertu du Code criminel et de l'état d'urgence déjà décrété par le gouvernement ontarien.
Lorsqu'on a demandé au commissaire Carrique ce qu'il pensait de ce courriel, il a répondu: «Je serais d'accord avec cette opinion».
Le ministre Mendicino, son collègue de la Protection civile, Bill Blair, et le premier ministre Trudeau font partie des huit ministres fédéraux qui ont accepté de témoigner à l'enquête au cours des prochaines semaines.