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M. Sloly a démissionné le 15 février, le lendemain du jour où le premier ministre Justin Trudeau a invoqué la loi d'exception.
Il n'a fallu que quelques heures, en ce samedi froid de la fin de janvier, pour que Peter Sloly voit s'effondrer sa compréhension initiale du «convoi de la liberté», a déclaré vendredi l'ancien chef de la police d'Ottawa à l'enquête publique. Qu'il avait maintenant sur les bras, au fond, une véritable occupation de la capitale canadienne.
Les tentatives effrénées de la police au cours des jours suivants pour élaborer un plan visant à déloger les manifestants et leurs camions lourds du centre-ville d'Ottawa a même poussé une officière supérieure à suggérer qu'on pourrait faire appel à l'armée, a aussi appris la commission d'enquête, vendredi.
L'ex-chef Sloly était un témoin très attendu à la Commission sur l'état d'urgence, qui examine la décision sans précédent du gouvernement libéral d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence pour aider à déloger les manifestants qui bloquaient les rues autour de la colline du Parlement et plusieurs passages frontaliers.
M. Sloly a démissionné le 15 février, le lendemain du jour où le premier ministre Justin Trudeau a invoqué la loi d'exception, au milieu de critiques généralisées sur la façon dont lui et la police d'Ottawa avaient géré jusque-là ces manifestations.
La Loi sur les mesures d'urgence est censée être utilisée lorsqu'une situation urgente, critique et temporaire menace la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens, si Ottawa croit que les provinces n'ont pas la capacité ou l'autorité de réagir, et si la crise ne peut être gérée efficacement avec les lois existantes.
Pendant son témoignage à la commission, vendredi, M. Sloly a défendu sa lecture initiale des rapports de renseignement et des informations qu'il avait reçus dans les jours précédant l'arrivée des manifestants à Ottawa le 28 janvier. Toutes ces informations, a-t-il dit, l'ont amené à croire que la manifestation serait terminée après la première fin de semaine, même si certains manifestants installaient ensuite un «village de tentes» dans un parc.
La commission, qui a prévu des audiences publiques à Ottawa jusqu'au 25 novembre, a déjà été informée que la Police provinciale de l'Ontario fournissait des mises à jour régulières des renseignements à la police d'Ottawa. Des copies de ces rapports, qui avertissaient que les manifestants pourraient refuser de partir, ont été déposées en preuve à la commission.
Selon ces rapports, des policiers signalaient que ceux qui se rendaient à Ottawa n'avaient pas de date de départ en tête. Ces policiers soulignaient aussi comment leurs plans d'apporter de l'équipement lourd suggéraient que les manifestants avaient l'intention de s'incruster et qu'ils avaient les moyens financiers de le faire.
Malgré cela, M. Sloly pensait que la plupart des manifestants partiraient après la première fin de semaine, a-t-il dit vendredi. «Le briefing de neuf heures que j'ai eu le samedi matin [...] parlait toujours d'un événement du week-end.»
Quelques heures plus tard, M. Sloly s'est rendu compte qu'il avait affaire à quelque chose de complètement différent. Il a déclaré que la police était débordée alors que des milliers de camions, d'autres véhicules et de manifestants affluaient dans la ville et convergeaient près de la colline du Parlement. «C'est arrivé tellement vite.»
Les larmes ont monté aux yeux de l'ancien chef de police et il s'est arrêté lorsque l'avocat de la commission lui a demandé comment ses policiers avaient géré ce premier week-end. «Ils faisaient de leur mieux dans des circonstances inhumaines, a déclaré M. Sloly. Il faisait trop froid, c'était trop.»
M. Sloly a également déclaré qu'il ne croyait pas que la Charte canadienne des droits et libertés lui permettait d'empêcher les manifestants de garer leurs camions et autres véhicules au centre-ville. «Je suis un policier, pas un avocat», a-t-il dit.
L'ancien chef explique qu'il n'y avait pas un seul «convoi de la liberté», mais plusieurs, qui sont descendus sur la ville, et il s'est demandé pourquoi il ne recevait pas plus de renseignements des agences fédérales sur ce qui se passait alors que les manifestants se déplaçaient de différents points à travers le pays.
M. Sloly a déclaré à la commission que dans les jours qui ont suivi l'arrivée des manifestants, l'état-major de la police avait souffert de désorganisation et d'un manque de communication sur l'élaboration d'un plan pour mettre fin aux blocages.
Le procès-verbal d'une réunion du 1er février entre le chef Sloly et d'autres officiers supérieurs montre que la cheffe adjointe Patricia Ferguson, alors que l'état-major discutait de différentes options d'application, a posé des questions sur «la possibilité que des militaires soient appelés ou qu'un état d'urgence soit déclaré». M. Sloly a répondu que tout était sur la table.
Vendredi, M. Sloly a également été interrogé sur un commentaire public qu'il avait fait le lendemain de la réunion, lorsqu'il a dit qu'il était «de plus en plus préoccupé par le fait qu'il n'y ait pas de solution policière». La remarque avait causé beaucoup de confusion à l'époque.
«C'était un événement d'envergure nationale», a déclaré M. Sloly vendredi. Il a dit qu'il faisait référence au fait que la taille et l'ampleur de la manifestation étaient trop lourdes à gérer pour une seule force de police. Il a admis qu'avec le recul, il aurait dû être plus clair sur ce qu'il voulait dire.
M. Sloly a commencé son témoignage vendredi en se décrivant comme un chef «venu de l'extérieur», il avait été embauché en 2019 après avoir passé plus de 20 ans à la police de Toronto.
Il soutient aussi que la Commission de services policiers d'Ottawa l'a embauché pour transformer la culture au sein du corps policier et pour renforcer la confiance avec les communautés noires, autochtones racisées de la ville.
Il a témoigné qu'au printemps 2020, son leadership avait été mis à rude épreuve par la pandémie de COVID-19, un remaniement de l'état-major et des appels plus pressants pour «définancer» la police après le meurtre de George Floyd aux États-Unis.