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Il fait chaud, c’est humide, la solution? On climatise. Mais plus on climatise, plus cela affecte l’environnement. Est-ce possible de s’en passer et de sortir de ce cercle vicieux?
Il fait chaud, c’est humide, une forte moiteur s’installe depuis quelques jours au Québec. Comment faire face aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes? On climatise. Mais plus on climatise, plus cela affecte l’environnement. Est-ce possible de s’en passer et de sortir de cette spirale infinie? Un architecte a repensé la ville de demain.
Une courte balade à Montréal permet d’apercevoir de nombreux climatiseurs dans la cour des résidents. En longeant l’Avenue Union vers la rue Sainte-Catherine, au centre-ville, quelques gouttes d’eau tombent du ciel ou plutôt, des tours de bureaux. Du «jus de climatiseurs», comme disent certains.
Au Québec, 59% de la population possède un air climatisé, d’après les plus récentes données de Statistiques Canada. À Montréal, on parle plutôt de 69% des gens.
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Les climatiseurs, très énergivores, ont un impact sur l’environnement et sur le réchauffement climatique. Sommes-nous donc coincés dans un cercle vicieux?
«Au Québec, comme notre électricité est relativement propre, elle émet peu de gaz à effet de serre, précise Clémence Lamarche, chef du service des tests à Protégez-Vous. Dans d'autres régions du monde, surtout les endroits où l'électricité est faite à partir d'énergies fossiles, comme une centrale au charbon, la situation est vraiment différente.»
«Par contre, comme les climatiseurs sortent la chaleur de la maison pour la rejeter à l'extérieur, ils contribuent au phénomène des îlots de chaleur, nuance-t-elle. C'est particulièrement vrai dans les milieux urbains et les milieux où il y a déjà beaucoup d'asphalte et de béton.»
Selon l'Agence internationale de l'énergie, environ deux milliards de climatiseurs sont en service à travers le monde et près de 70% de ceux-ci sont des unités résidentielles. En raison du télétravail, notamment, la consommation résidentielle d’air climatisé a augmenté de plus de 2% en 2020.
Daniel Pearl, cofondateur de l’Office de l’Éclectisme Urbain et Fonctionnel (OEUF) et professeur titulaire à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, estime que les grandes villes devront, petit à petit, revoir la conception de certaines infrastructures pour attaquer de front cet enjeu de plus en plus pressant.
Un nouveau projet de logements abordables, à Montréal, Place Griffintown, sera d’ailleurs conçu de façon à réduire la dépendance à l’air climatisé, entre autres, grâce à une ventilation transversale.
«Il y a des chambres d’un côté, le salon de l’autre, et le corridor, qui donne accès à toute l’unité, est situé sur des passerelles extérieures, indique-t-il. C’est une façon d'avoir des balcons et des espaces tampons entre les passerelles et les unités, mais l’air traverse d’un côté à l’autre.»
Un plan du projet Place Griffintown. Crédit photo: Daniel Pearl.
Ce projet prévoit également être doté de volets extérieurs. Un système que l’on peut voir dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Autriche, qui tente entre autres de réduire sa dépendance à la climatisation.
«C’est un système assez coûteux, donc on choisit les fenêtres stratégiquement, explique M. Pearl. Celles situées au sud et sud-ouest auront des volets extérieurs.»
Un système de volets extérieurs, en Autriche. Crédit photo: Daniel Pearl.
Un réseau thermique souterrain, une idée à considérer? C’est du moins ce que propose M. Pearl dans une étude réalisée en collaboration avec Polytechnique Montréal, la Fondation David Suzuki, la Ville de Montréal et Énergir.
L’objectif? Implanter une réglementation «limitant les rejets thermiques des systèmes de chauffage et climatisation présents sur les toits de nombreux bâtiments lorsqu’ils sont dans des zones sensibles», peut-on lire dans le rapport de 2020.
«On les forcerait à rejeter leur chaleur dans un réseau souterrain, clarifie M. Pearl. Le surplus de chaleur peut être rejeté dans le sol pendant trois, quatre ou six mois.»
«Cela veut dire que l’excès de chaleur accumulé durant l’été serait utilisé en hiver, poursuit-il. On utiliserait le sol comme une grande batterie.»
D’ici à ce que les grandes villes trouvent des solutions pour rester au frais sans dépendre des climatiseurs, l'Agence internationale de l'énergie estime que le nombre d’unités d’air climatisé à travers le monde pourrait atteindre 5,6 milliards d’ici 2050.