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«Il faut s’assurer que le capital s’enligne dans la décarbonation de l’économie» et «il faut donc modifier le système financier», a indiqué le libéral Ryan Turnbull.
Des députés de quatre des cinq partis fédéraux ont fait front commun en donnant leur appui à un projet de loi qui forcerait la main du système financier canadien afin qu’il participe à la lutte au changement climatique. Lors d’une conférence de presse en soutien au projet de loi, jeudi, l’absence de député conservateur n’est pas passée inaperçue.
Cinq banques canadiennes se retrouvent parmi les 15 plus grands bailleurs de fonds de l'industrie fossile dans le monde pour l'année 2022 et le projet de loi S-243 imposerait notamment à ces institutions bancaires l’obligation d’élaborer des plans d’action contre les changements climatiques, d’avoir des cibles d’émissions de gaz à effet de serre et de soumettre des rapports d’étape pour lutter contre la crise climatique.
«Il faut s’assurer que le capital s’enligne dans la décarbonation de l’économie» et «il faut donc modifier le système financier», a indiqué le libéral Ryan Turnbull.
Le député de Whitby, en Ontario, a fait référence aux incendies qui menacent présentement des communautés de l’Alberta et cité une étude de l’Institut climatique du Canada (ICC) qui indique que la croissance économique du pays pourrait être réduite de 25 milliards $ par année en raison de la crise climatique et de jusqu'à 100 milliards $ par année d’ici 2050.
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Ryan Turnbull a apporté une motion au projet de loi S-243 de la sénatrice Rosa Galvez, qui demande que le gouvernement utilise «tous les outils législatifs et réglementaires dont il dispose pour aligner le régime financier du Canada avec l’Accord de Paris».
«Il ne s’agit pas seulement que d’aligner le système financier avec nos engagements, mais il s’agit aussi de protéger les avoirs des Canadiens qui ont investi dans des fonds de pension, qui ont des retraites, tout cela est à risque si cette transition n’a pas lieu», a indiqué le député néo-démocrate Taylor Bachrach, en précisant que les actifs des Canadiens dans l’industrie fossile perdront de leur valeur à mesure que les autres pays effectuent leur transition vers des énergies propres.
Un avis que partage le bloquiste Jean-Denis Garon qui a déclaré, lors de la conférence de presse, que «tant et aussi longtemps que le Canada sera en retard dans ces filières de croissance là (les énergies renouvelables), on va perdre des opportunités, et il y arrivera un jour où il faudra importer ces technologies, aller les chercher ailleurs et être dépendant de nos partenaires commerciaux».
Le député de Mirabel a ajouté que «la bonne volonté n’est pas une politique publique et lorsqu’on laisse le secteur privé user de bonne volonté, on manufacture des passagers clandestins en matière de climat et parmi ces passagers clandestins, on retrouve les banques canadiennes, au premier titre, la RBC».
La députée du Parti vert Elizabeth May a également montré du doigt la RBC. «La Banque Royale du Canada n’est pas seulement le pire ennemi du climat au Canada, mais elle a aussi le pire bilan au monde, elle continue de pelleter des billets de banque dans la fournaise du désastre climatique», a-t-elle dit.
La Banque Royale du Canada (RBC) a été la plus grande bailleuse de fonds pour des projets de combustibles fossiles au niveau mondial en 2022, selon les données de la dernière étude de Banking on Climate Chaos, publiée il y a un mois par un consortium de groupes écologistes.
L'aide financière de la Banque Royale au secteur des combustibles fossiles a atteint 42 milliards $ US l'an dernier, selon l'étude, soit 3 milliards $ US de plus qu'en 2021.
Invitée à prendre la parole lors de la conférence de presse, Julie Segal, du groupe Environnemental Defence, s’est réjouie que des représentants de quatre des cinq partis politiques s'unissent derrière le projet de loi de la sénatrice Galvez.
«Le Canada a enfin une équipe de pompiers prêts à s’attaquer à la plus grande brèche dans les politiques canadiennes sur le climat», a indiqué l’environnementaliste en faisant référence à l’absence de réglementation sur les capitaux privés.
Elle a ajouté que «lorsqu’un bateau coule, il faut bloquer les trous, et pas seulement compter combien il y en a», en précisant que c’est ce que ce projet de loi a le potentiel de faire.
«Il est encourageant de voir ce soutien multipartite pour que le gouvernement fédéral empêche les institutions financières, incluant les banques, de jeter de l’huile sur le feu et d’alimenter davantage la crise climatique», a pour sa part déclare Patrick Bonin, de Greenpeace Canada.
L’absence de député conservateur a été soulignée par les élus présents à la conférence de presse.
En réponse à la question d’un journaliste, Elizabeth May a fait valoir que «chaque jour au parlement, les députés conservateurs se lèvent pour dénoncer les petites étapes que le gouvernement libéral tente de mettre en place pour réduire les gaz à effet de serre».
Elle a également invité les membres du Parti conservateur du Canada à se joindre aux députés des autres partis pour lutter contre les changements climatiques.
«L’éléphant dans la pièce en matière de lutte au changement climatique au Canada (…) c’est qu’on vit dans un pétro-État» et «c’est au centre de la plateforme politique des conservateurs de demeurer un pétro-État et de grossir comme pétro-État», a pour sa part mentionné le bloquiste Jean-Denis Garon avant d’ajouter qu’il espère «qu’un jour la partisannerie sera mise de côté pour devenir une démocratie digne du 21e siècle plutôt qu’une pétro-monarchie».
La Presse Canadienne a demandé au chef du Parti conservateur du Canada, jeudi matin, s’il appuyait la démarche de la sénatrice Galvez et des députés des autres partis.
Pierre Poilievre a répondu qu’il ignorait le contenu du projet de loi S-243.
«Je n’ai pas cette loi devant moi, je suis prêt à lire la loi et vous donner une réponse là-dessus. Il faut que je m’informe sur la loi spécifique», a indiqué le chef conservateur après une conférence de presse sur un autre sujet.
«Mon approche sur les changements climatiques, c’est la technologie et non les taxes, c’est de réduire le coût des énergies sans carbone au lieu d’augmenter les prix de l’énergie traditionnelle», a ajouté le chef conservateur.
«Il faut fournir davantage d’électricité verte tout en réduisant le coût de la vie pour monsieur et madame tout le monde, c’est le gros bon sens et c’est exactement ce que je vais amener comme premier ministre», a ajouté Pierre Poilievre.
La Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) ont récemment publié un rapport dans lequel ils analysent différents scénarios pour améliorer la capacité des institutions financières à juger des risques économiques et financiers auxquels elles pourraient être exposées en raison des changements climatiques.
Tous les scénarios analysés montrent que «la transition impliquera des risques importants pour certains secteurs économiques» et «qu’une évaluation erronée du prix des risques de transition pourrait exposer les institutions financières et les investisseurs à des pertes soudaines et importantes».
Selon les deux institutions, une action politique retardée amplifierait «les incidences économiques et les risques pour la stabilité financière».
Lors de la publication du rapport, le sous-gouverneur de la Banque du Canada, Toni Gravelle, avait déclaré que «les secteurs public et privé doivent unir leurs efforts afin de veiller à ce que l’économie et le système financier soient fin prêts pour la transition vers une économie sobre en carbone».
Un projet de loi doit franchir cinq étapes au Sénat; celui présenté par la sénatrice Galvez est à l’étape de la deuxième lecture.