Début du contenu principal.
La Première Nation Mitchikanibikok Inik enregistre une victoire majeure en matière de droits ancestraux sur son territoire.
La Première Nation Mitchikanibikok Inik, également connue sous le nom des Algonquins du Lac Barrière, enregistre une victoire majeure en matière de droits ancestraux sur son territoire, victoire qui ouvre la porte à de multiples autres contestations des Premières Nations touchant les claims miniers.
La juge Chantal Masse, de la Cour supérieure, affirme que Québec avait bel et bien une obligation constitutionnelle de consulter la communauté autochtone pour accorder des claims permettant l’exploration minière sur son territoire et doit désormais consulter et accommoder la Première Nation de manière appropriée avant tout nouveau claim, ainsi que pour les claims existants.
En ce qui a trait aux claims miniers visés par la décision, la magistrate souligne qu’«il est acquis et admis que ces événements surviennent actuellement sans consultation préalable, et ce, malgré l'existence de revendications autochtones en lien avec le territoire visé. C'est en fait la position du PGQ (Procureur général du Québec) qu'elles peuvent toutes survenir sans consultation préalable.»
Il s’agit là d’une position qui entre directement en contradiction avec l’article 2.1 de sa propre Loi sur les mines. «La présente loi doit s'interpréter de manière compatible avec l'obligation de consulter les communautés autochtones. Le gouvernement consulte les communautés autochtones de manière distincte, lorsque les circonstances le requièrent.»
De plus, ajoute-t-elle, les articles 2.2 et 2.3 prévoient que «la prise en compte des droits et des intérêts des communautés autochtones fait partie intégrante de la conciliation de l'activité minière avec les autres possibilités d'utilisation du territoire» et que «le ministre élabore, rend publique et tient à jour une politique de consultation des communautés autochtones propre au secteur minier».
La juge Masse invoque de plus l’impact économique négatif pour la Première Nation lorsque Québec alloue des claims miniers sans la consulter: «Toute prise d'échantillon de substances minérales, une ressource non renouvelable, implique en soi la possibilité que cette mesure ait un effet préjudiciable sur le titre revendiqué sans compter la possibilité que les travaux susceptibles d'être faits sans consultation préalable pour prendre ces ressources sont susceptibles eux aussi de modifier le territoire de façon durable et de porter atteinte ou de nuire à l'exercice d'autres droits ancestraux exercés et revendiqués (trappe, chasse, pêche, cueillette de plantes, ou autre usage, notamment aux fins de pratiques spirituelles et culturelles).»
Elle balaie du revers de la main la prétention du gouvernement à l’effet que des travaux n'ont pas toujours lieu pendant la durée d'un claim et que le préjudice est purement hypothétique: «Le Tribunal n'est pas d'accord. L'acceptation de la désignation du claim a pour but de conférer le droit d'explorer. Ce droit comporte en soi un avantage économique», tranche-t-elle.
Aussi prend-elle la peine de rappeler au passage «qu'un titre ancestral, une fois reconnu, confère des droits importants, y compris le droit de déterminer l'utilisation des terres, d'en jouir et de les occuper, de les posséder et le droit aux avantages économiques que procurent les terres» et que ce titre appartient à la collectivité et est transmissible aux générations futures.
Elle ajoute que plusieurs articles de la Loi sur les mines permettent au ministre d'intervenir, «ce qu'il pourrait choisir de faire lorsqu'un territoire donné est visé par des revendications autochtones, et ce, de façon à permettre de respecter l'obligation de consulter et accommoder».
«Ainsi, poursuit-elle, le ministre dispose d'une discrétion lui permettant de rectifier immédiatement tout manquement à l'obligation de consulter, même pour les claims déjà existants. Les pouvoirs particuliers du ministre (…) lui confèrent une latitude importante qu'il peut et même doit utiliser afin de respecter les exigences de l'obligation de consultation et d'accommodement.»
La conclusion de la juge Masse ne laisse aucune place à l’interprétation. Ainsi, elle affirme que «le gouvernement du Québec et le Ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles ont l'obligation de consulter et, s'il y a lieu, d'accommoder la Mitchikanibikok lnik First Nation (Algonquins of Barriere Lake) avant que l'avis de désignation de tout nouveau claim (…) visant le territoire faisant l'objet de ses revendications (…) soit accepté et avant que des travaux exploratoires précis soient entrepris sur ce territoire».
Elle constate donc que «la preuve et les arguments présentés établissent qu'il y a eu violation de l'obligation de consulter et, s'il y a lieu, d'accommoder la Mitchikanibikok lnik First Nation (Algonquins of Barriere Lake) quant aux claims existants en date du présent jugement sur le territoire».
Le chef de Mitchikanibikok Inike, Casey Ratt, a salué par voie de communiqué cette décision longuement attendue. «La Cour a reconnu ce que nous avons toujours affirmé: les Mitchikanibikok Inik n’ont jamais renoncé à nos droits et à notre souveraineté, et le Québec doit cesser d’autoriser des claims et d’impacter notre territoire sans d’abord nous demander. Nous n’accepterons jamais des activités minières qui menacent nos droits et notre terre. Nous appelons le Québec à respecter le jugement de la Cour et à suspendre immédiatement les claims et l’exploration minière sur notre territoire.»
La décision s’inscrit dans une série d’autres jugements donnant raison à des communautés autochtones ailleurs au Canada, notamment au Yukon et en Colombie-Britannique.
Le gouvernement du Québec n’a pas encore signifié s’il entend en appeler de cette décision.