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«Encore à ce jour, on n’est pas capable de me dire que les CHSLD étaient dans l’angle mort du gouvernement. Les deux bras me tombent.»
Si la tendance se maintient, le rapport de la coroner Géhane Kamel ne sera pas tendre envers ceux qui ont été impliqués dans les déboires de la gestion de la crise des CHSLD au début de la pandémie de COVID-19, en 2020.
Voyez, ci-contre, les explications de notre journaliste Amélie St-Yves, qui a assisté aux audiences.
L'enquête se poursuivait lundi avec le témoignage du responsable de la sécurité civile, Martin Simard, le «morceau manquant du puzzle» des décès lors de la première vague.
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«Encore à ce jour, on n’est pas capable de me dire que les CHSLD étaient dans l’angle mort du gouvernement. Les deux bras me tombent», a déclaré la coroner Kamel, lors de la suite des audiences publiques dans le cadre de son enquête sur les décès dans ces établissements.
“Encore à ce jour, on n’est pas capable de me dire que les CHSLD étaient dans l’angle mort du gouvernement. Les 2 bras me tombent”
— Amélie StYves journaliste (@AmelieStYves) January 17, 2022
- la coroner Géhane Kamel lors des audiences publiques sur les décès en CHSLD lors de la première vague de #COVID19 #Noovoinfo
Dans son témoignage, Martin Simard a indiqué qu’une lettre du gouvernement qui a été envoyée le 28 janvier 2020 aux CISSS et CIUSSS pour mettre en branle des préparatifs en vue de l’arrivée de la COVID-19 au Québec ne visait pas les CHSLD, à sa connaissance.
Selon ce que soutient Martin Simard et contrairement à ce qu'ont affirmé sous serment trois importants témoins, dont l'ex-ministre de la Santé Danielle McCann, les CHSLD ne sont apparus sur le radar du gouvernement que le 11 mars 2020.
Cette lettre était plutôt une demande «à portée générale» au réseau de se préparer. «À ce moment-là, il n'y avait pas d'indicateurs permettant de demander (...) de regarder dans une seule direction», a déclaré M. Simard.
Le responsable de la sécurité civile devait initialement témoigner vendredi, mais son intervention a été reportée à lundi.
Lors du témoignage-clé de la ministre des Aînés, Marguerite Blais, Mme Kamel signifiait vendredi son «étonnement» quand Mme Blais disait que «personne ne croyait que ça allait toucher [les CHSLD] comme ça; [...] on croit que ça va toucher les hôpitaux.»
«Il y a des témoignages qui sont venus dire totalement l'inverse de ce que vous dites», avait répondu la coroner.
Me Kamel, qui, avant les Fêtes, avait qualifié le témoignage à venir de M. Simard de «morceau de puzzle qui manque», a dû concéder lundi que «le morceau de puzzle manquant, il sera toujours manquant».
Elle a dit penser aux familles endeuillées sans réponses. «On n'arrive pas à se rendre au bout de cette histoire-là. (...) Est-ce que c'est normal que jusqu'à ce jour, on ne soit pas capable d'avoir une histoire qui se tienne?»
«On n'est même pas capable d'avoir cette chronologie-là, parce qu'elle est différente selon l'acteur qui se trouve devant nous», a-t-elle ragé.
«Ça me dérange profondément. (...) La coroner va partir avec une impression, mais personne (...) est capable de nous dire: (...) ''Effectivement, avant le début avril, le CHSLD n'était pas dans le radar du gouvernement''.»
Martin Simard était la toute dernière personne à témoigner à l'enquête de la coroner. Lundi après-midi, celle-ci a aussitôt entamé le volet des représentations.
C'est l'avocat de six familles d'aînés décédés en CHSLD, Patrick Martin-Ménard, qui a lancé le bal. Il a été particulièrement sévère à l'endroit de la santé publique d'Horacio Arruda.
La santé publique québécoise a réagi «au même rythme que la population», a déploré l'avocat, alors qu'elle aurait dû «discerner» la menace «réelle» dès janvier 2020 - la ville entière de Wuhan, en Chine, s'était placée en isolement.
La lenteur à réagir du Québec est d'autant plus inexplicable, a-t-il dit, que la santé publique avait en sa possession un Plan de lutte à une pandémie d'influenza pouvant être déployé rapidement.
«À cause de cette inaction-là, à cause de cette confusion-là, de ce manque de clarté et de leadership, on a perdu des semaines cruciales', a plaidé Me Martin-Ménard.
En outre, il rejette la version de Mme McCann et de M. Gendron, selon laquelle une attention a été portée aux CHSLD dès janvier, comme n'étant `pas crédible'.
Les décisions concernant les aînés en CHSLD ont plutôt tardé. Elles ont été «improvisées».
«Une véritable histoire d'horreur, a conclu Me Martin-Ménard. On les a laissés mourir seuls, (...) dans l'indignité la plus totale, pas parce que c'était une situation inévitable, mais parce qu'on ne s'est pas préparé adéquatement.»
«Hécatombe» : c'est le mot que plusieurs spécialistes et politiciens ont utilisé pour décrire l'horreur vécue dans les CHSLD au début de la pandémie. Les éclosions dans ces milieux de vie ont causé la mort de milliers d'aînés. Au moment d’écrire ces lignes, une inquiétude subsistait de revivre un tel scénario puisque des transferts s’effectuent des centres hospitaliers vers les CHSLD afin d’éponger la hausse de demandes de lits pour traiter des cas de COVID.
«Ceux qui sont au courant de ces transferts-là sont inquiets, parce qu’on entend déjà leurs préoccupations au niveau de la capacité actuelle de prendre soin des personnes qui sont présentes dans les CHSLD. Ces personnes, qu’elles soient dans le milieu hospitalier ou dans les CHSLD, elles ont droit à la vie. Elles ont droit à des soins. Elles ont droit à la dignité», indiquait Anne Kettenbeil, présidente du Comité des résidents du CHSLD Alfred-Desroches à Montréal, dans une entrevue accordée à Noovo Info.
Avec la collaboration de Naomie Briand pour Noovo Info
Avec les informations de La Presse canadienne