Début du contenu principal.
Les défis demeurent énormes.
Le secteur des arts et de la culture ferait face à «une crise sans précédent» à Montréal selon une étude sur les défis et les opportunités dans le secteur des arts vivants et de la culture réalisée par Volume10 et publiée lundi par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).
Bien que Montréal soit reconnu pour ses atouts culturels et l'audace de ces créateurs et que la contribution directe des arts et de la culture à Montréal représente 9,3G$, les défis demeurent énormes.
L'étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain met donc en lumière un achalandage qui a chuté de 19% entre 2018 et 2023, et ce, en raison notamment «de la baisse des grands consommateurs [ceux qui assistent à plus de 10 spectacles par an] (de 12% à 10% des acheteurs) et de l'augmentation de ceux qui ne fréquentent plus les arts de la scène (de 35% à 43% de la population)».
Est-ce que la situation économique serait en cause? Oui, mais elle n'explique pas tout selon la CCMM.
«La fréquentation des spectacles intérieurs gratuits a baissé de 27 % entre 2018 et 2023, contre 2% pour les spectacles payants, ce qui suggère que la situation économique n’est pas le seul facteur expliquant la baisse de la demande», explique-t-on.
L'étude sur l'état des arts et de la culture à Montréal indique aussi qu'entre 2018 et 2023, la présence des 65 ans et plus a baissé de 18 %, majoritairement chez les femmes. Chez les 16 à 24 ans, ce sont surtout les jeunes hommes qui assistent moins aux spectacles. Parlant des jeunes, la capacité à attirer un jeune public vers les salles est un enjeu important pour le milieu.
Selon la CCMM, l’assistance moyenne par spectacle au Québec, toutes disciplines confondues, a diminué de 10,6 % entre 2004 et 2018. Certaines disciplines, comme la danse, le théâtre et la musique classique, ont été particulièrement touchées par la baisse de la demande.
La baisse de l'achalandage au niveau des arts et de la culture à Montréal pourrait aussi s'expliquer par l'exode vers les banlieues.
«La redistribution de la population dans le Grand Montréal affecte fortement les arts et la culture, éloignant les publics des institutions du centre-ville et réduisant les habitudes de consommation culturelle, plus ancrées chez les résidents du cœur de la ville», écrit-on dans l'étude de la CCMM.
L'étude point aussi du doigt la réorganisation du travail et le travail hybride comme sources alimentant la minution de la demande : «Le télétravail affecte surtout la planification et l’organisation d’une sortie au spectacle, parce que les gens ne savent pas toujours quelle journée ils seront au centre-ville.»
Également, l’offre de spectacles différents a augmenté de 60 % entre 2004 et 2022, tandis que la population québécoise n’a cri que de 17 % durant cette période. «Cette fragmentation a entrainé une multiplication des spectacles de plus petite envergure, créant une pression accrue sur les modèles d’affaires, tant sur les coûts que sur les efforts de mise en marché», souligne la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Selon l'étude de la CCMM, les organismes culturels du Québec se démarquent par leur niveau de revenus publics - 2,7 fois plus que ceux de l'Ontario - et de billetterie, mais accusent un retard en philanthropie par rapport à l'Ontario, alors que les revenus issus de dons et commandites sont 1,8 fois plus importants chez nos voisins.
«En 2023, le don moyen, tous secteurs confondus, au Québec est de 422$, alors que dans le reste du Canada, le don moyen est de 641$. La culture ne figure pas dans le top 3 des causes les plus soutenues par les entreprises et les individus au Québec», précise l'étude.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain souligne par ailleurs que les organismes soutenus par le Conseil des arts de Montréal ont vu leurs dépenses augmenter en moyenne de 27 % par an entre 2018-2019 et 2022-2023 : «cette hausse s’est historiquement traduite par une augmentation des prix des billets au-delà de l’inflation.»
«Le revenu médian des artistes est de 17 400S, soit la moitié de celui des travailleurs de la métropole (35600$), ce qui les rend particulièrement vulnérables face à l'inflation», ajoute la CCMM.
Autre élément qui fait craindre le pire pour l'industrie des arts et de la culture est que la population ne se dit pas prête à augmenter son budget culture, mais à le réduire. Selon l'étude 46% de la population a déclaré avoir réduit ses dépenses en culture au cours des cinq dernières années.
Évidemment, l'industrie même des arts et de la culture s'inquiète de la situation précaire dans laquelle se retrouvent les artistes et artisans.
«Nous pouvons contempler avec fierté tout ce qui a été créé et développé au fil des dernières décennies. Mais comment imaginer l‘avenir quand le milieu culturel est à bout de souffle et que le système craque de partout? C’est ensemble - et avec le plus de partenaires possible - que nous saurons y arriver», a confié Nathalie Maillé, directrice générale, Conseil des arts de Montréal.
En entrevue avec Noovo Info, la directrice générale du conseil des arts de Montréal dresse un portrait sombre de la situation. «Il y a des années qui s'en viennent devant nous qui ne seront pas faciles. Il y a beaucoup de choses qui vont disparaître. [...] Pour nous, la pandémie n'est pas terminée», a-t-elle dit. Selon elle, des compagnies vont fermer et des choses adorées du public vont disparaître également.
«On semble collectivement tenir pour acquis la richesse culturelle de notre métropole, au point où nous en devenons parfois blasés. Pourtant, elle enrichit profondément l’expérience et la qualité de vie urbaine. Il suffit de lire les commentaires des touristes, des journalistes, des Montréalais eux-mêmes ou encore des nouveaux arrivants pour réaliser à quel point nos festivals, nos institutions et nos créateurs nous différencient et nous rendent privilégiés. C’est un danger selon moi, car tenir cela pour acquis met en péril la singularité et la vitalité de notre ville», a pour sa part commenté Jacques-André Dupont, président du conseil, Festival International de Jazz de Montréal, Les Francos de Montréal et C2 International.
«Le Québec est passé d’une société du tiers monde à une nation sophistiquée grâce, essentiellement, aux investissements publics en éducation et en culture. Aujourd’hui, malheureusement, nous semblons atteindre la fin de cette période fertile», a aussi partagé Maxime Carbonneau, codirecteur général et artistique de La Messe Basse.
Dans le cadre du Forum stratégique sur les arts vivants et la culture, qui se déroule présentement à la Place des Arts, la CCMM formule 22 recommandations organisées autour de cinq axes : reconnaître le rôle de la culture, promouvoir la philanthropie culturelle, mettre en place des conditions renforçant l'écosystème, optimiser le renouvellement de l'offre et de la demande et renouveler le public et mise sur l'éducation culturelle.
«Nous avons une occasion unique de construire un avenir ou la culture continuera d’enrichir notre métropole, en la rendant toujours plus inclusive, ouverte et attractive. Grâce à un engagement fort de toute notre communauté, Montréal pourra protéger et développer son statut de métropole culturelle de premier plan», conclut la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.