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Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, a été averti que les sociétés pharmaceutiques avaient fermement refusé de s'engager dans des réformes des prix des médicaments avant d'exhorter une agence fédérale indépendante à suspendre ces réformes en faveur de davantage de consultations, selon une note de service de 2021.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui a obtenu la note de service dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information et qui l'a partagée avec La Presse Canadienne, accuse M. Duclos de retarder une réforme significative pour protéger les fabricants de médicaments.
«Ce gouvernement libéral a choisi de continuer à protéger les profits de ces industries pharmaceutiques très rentables», a soutenu le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, jeudi.
«Et nous avons des preuves réelles et concrètes pour étayer cela», a-t-il ajouté.
La note de service est un rapport d'étape du président par intérim du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) au ministre de la Santé sur les obstacles auxquels ils étaient confrontés pour faire baisser le prix des médicaments.
La commission d'examen est un organisme fédéral indépendant chargé de réglementer le coût des médicaments brevetés au Canada pour assurer qu'ils ne soient pas excessifs, ce qui comprend l'examen du prix de médicaments similaires dans d'autres pays.
En 2017, le gouvernement a annoncé de nouvelles règles pour faire baisser les prix en augmentant le nombre de pays avec lesquels le Canada se compare. Ces changements devaient être introduits en 2020, mais ont été retardés à plusieurs reprises en raison de la pandémie de COVID-19 avant d'entrer en vigueur en juillet dernier.
L'agence était en train de consulter sur les détails associés à la nouvelle règle en novembre lorsque le ministre Duclos a écrit au président par intérim et a suggéré que le processus soit suspendu pour donner aux sociétés pharmaceutiques, aux groupes de patients, aux ministres provinciaux et à lui-même plus de temps pour comprendre les changements.
La note de service de 2021 suggère que le ministre de la Santé savait que les sociétés pharmaceutiques avaient été réfractaires aux changements, du moins du point de vue de l'agence.
«Après cinq ans, une myriade de propositions politiques et plusieurs centaines d'heures de consultation, il semblerait que l'industrie pharmaceutique ne soit tout simplement pas disposée à prendre des mesures qui limiteraient davantage sa capacité de vendre des médicaments brevetés au Canada aux prix du marché libre», a déclaré dans la note de service la présidente par intérim du conseil d'administration de l'agence à l'époque, Mélanie Bourassa Forcier.
Elle a déclaré qu'après 110 heures de réunion avec des membres de l'industrie pharmaceutique pour discuter des lignes directrices des nouvelles règles, ils «ont fermement refusé de s'engager sur la substance».
La lettre du ministre à l'organisme de réglementation des prix des médicaments a semé la discorde parmi les membres du conseil d'administration et a été rapidement suivie par la démission de la présidente par intérim, d'un membre du conseil d'administration et du directeur exécutif de l'agence.
La commission d'examen a finalement décidé de suspendre les modifications.
En point de presse jeudi, M. Singh a affirmé que la note de service contenait des «drapeaux rouges flagrants» et a aidé à expliquer pourquoi M. Duclos a exhorté l'agence à mettre fin aux changements. Il a également souligné une augmentation des efforts de lobbying de l'industrie pharmaceutique auprès du bureau du ministre fédéral de la Santé.
Le porte-parole néodémocrate en matière de santé, Don Davies, a fait valoir que la réforme qui a été suspendue permettrait aux Canadiens d'économiser quelque 3 milliards $ sur les médicaments sur ordonnance.
Il a souligné que la note de service indiquait «très clairement» que l'industrie pharmaceutique n'accepterait jamais rien de moins que les prix du marché libre. Selon lui, M. Duclos avait cette information en main lorsqu'il a demandé au conseil d'administration de suspendre les changements.
«Le ministre de la Santé a tout simplement suspendu ces réformes en raison de la pression de l'industrie pharmaceutique», a déploré M. Davies.
Jean-Yves Duclos n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires, mais a déclaré au comité de la santé de la Chambre des communes en avril qu'il avait demandé à l'agence de faire une pause pour que les provinces, les territoires, les sociétés pharmaceutiques et les groupes de patients aient plus de temps pour comprendre les changements.
La lettre faisait partie de l'obligation légale du ministre de fournir des commentaires sur les changements proposés, a-t-il précisé.
Le ministre Duclos a également déclaré avoir rencontré des membres de l'industrie pharmaceutique sur une gamme de sujets, notamment les prix des médicaments, le COVID-19, la pénurie de médicaments pour enfants et d'autres préoccupations.