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Le secteur de l'aide humanitaire du Canada surveille de près le budget fédéral du printemps prochain, pour voir comment les libéraux interprètent leur propre engagement à continuer d'augmenter les dépenses humanitaires chaque année.
Le premier ministre Justin Trudeau évoque une transition de l'aide humanitaire vers le financement de projets d'infrastructure dans les pays en développement.
«Une grande partie concerne moins le développement humanitaire, dans mes conversations avec les pays du Sud, et beaucoup plus sur; "comment pouvez-vous créer des investissements dans les énergies renouvelables qui vont durer les 20 prochaines années?’’», a affirmé M. Trudeau en entrevue de fin d'année la semaine dernière avec La Presse Canadienne.
«Comment allez-vous construire une infrastructure résiliente qui ne sera pas anéantie par le prochain ouragan, glissement de terrain ou fortes pluies, ou quoi que ce soit?», a poursuivi le premier ministre fédéral.
«Ces discussions évoluent, mais nous allons continuer à être très présents dans les investissements dans les pays du Sud.»
Le secteur de l'aide humanitaire du Canada surveille de près le budget fédéral du printemps prochain, pour voir comment les libéraux interprètent leur propre engagement à continuer d'augmenter les dépenses humanitaires chaque année.
Les libéraux ont tenu cette promesse depuis leur arrivée au pouvoir en 2015 et leur chef a demandé il y a un an au ministre du Développement international, Harjit Sajjan, «d'augmenter chaque année l'aide au développement international du Canada».
Les libéraux avaient prévu une aide annuelle de 6,6 milliards de dollars avant la pandémie de COVID-19. Ils ont porté cet objectif au-delà de 8 milliards de dollars, en grande partie pour des programmes liés à la lutte contre les effets du COVID-19, puis cette année, également pour aider l'Ukraine et ses voisins.
Alors qu'Ottawa met en garde contre une éventuelle récession, le secteur de la coopération internationale ne sait pas si les libéraux ont l'intention d'utiliser les dépenses d'avant la pandémie comme référence.
Il y a un espoir qu'ils bonifieront plutôt les investissements.
«La politique féministe que le gouvernement Trudeau a mise en place a un grand impact, mais nous devons continuer», a fait valoir Louis Bélanger, un ancien membre du personnel libéral qui défend maintenant les groupes humanitaires canadiens par le biais du groupe Au-delà de nos frontières, soutenu par de grands organismes de bienfaisance.
«Nous avons une politique extrêmement solide en place qui est très bien accueillie dans le monde en développement et avec la société civile ici au Canada, a déclaré M. Bélanger.
«Cela a (fait) une énorme différence, en termes de droits des femmes, en termes de santé des femmes, en termes d'éducation des filles.»
Les groupes d'aide du monde entier et les banques de développement sont particulièrement préoccupés par le fait que les pays occidentaux détournent leurs subventions traditionnelles pour aider l'Ukraine à faire face à l'impact de l'invasion russe de février.
Selon M. Belanger, l'aide du Canada et de ses partenaires a aidé les pays à presque atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies pour 2030.
«Nous devons continuer et ne pas revenir en arrière. Il est donc inquiétant d'entendre qu'il pourrait y avoir une tendance à reculer au lieu d'avancer», a-t-il affirmé.
Pourtant, Justin Trudeau a déclaré que les dirigeants des pays en développement lui posaient moins de questions sur l'aide humanitaire et plus sur les investissements dans des projets qui dureront des décennies, comme les énergies renouvelables et les ponts ou les routes qui peuvent résister aux ouragans ou aux glissements de terrain.
Il a avancé que l'Occident avait entendu un signal d'alarme après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, lorsque des pays comme le Canada ont demandé aux pays en développement d'isoler la Russie. Le premier ministre a résumé la réponse ainsi: «ils sont les seuls à se présenter pour investir dans nos infrastructures.»
En juin, les pays du G7 se sont engagés à investir 600 milliards de dollars américains dans les pays du Sud, en mettant l'accent sur les infrastructures résilientes au changement climatique, les systèmes de santé et les économies numériques. Cet engagement a été largement considéré comme un contrepoids à des programmes tels que l'initiative chinoise Belt and Road, qui a vu Pékin devenir un acteur majeur en Afrique.
Cela a ouvert la voie à l'annonce par le Canada en novembre de 750 millions de dollars pour une société d'État afin de tirer parti du secteur privé pour financer des projets d'infrastructure en Asie sur trois ans, à compter de mars prochain.
Le financement fait partie de la stratégie Indo-Pacifique et sera administré par FinDev Canada, qui n'avait auparavant pour mandat que de financer des projets du secteur privé en Afrique subsaharienne, en Amérique latine et dans les Caraïbes.
M. Trudeau a noté que les pays en développement ont été à l'honneur lors de nombreux sommets, tels que la réunion de l'Organisation des États américains en octobre, et à la réunion du Commonwealth à Kigali, au Rwanda, en juin dernier.
«L'accent que nous avons mis sur l'hémisphère sud était plus robuste et plus réel que jamais auparavant», a soutenu M. Trudeau.
Dans une entrevue distincte, le ministre Sajjan a déclaré que le financement humanitaire aide déjà à financer des projets comme l'énergie solaire dans les zones rurales de la Jordanie.
Le député conservateur Garnett Genuis, porte-parole de son parti en matière de développement international, a déclaré qu'il était ouvert à ce qu'Ottawa utilise ses dollars d'aide de quelque manière que ce soit qui améliore les moyens de subsistance à l'étranger.
«Il devrait s'agir de résultats, et les résultats obtenus par ce gouvernement laissent beaucoup à désirer», a-t-il déclaré.
M. Genuis a noté que le gouvernement a affirmé qu'il faudrait peut-être un an pour répondre à la demande d'un comité de la Chambre des communes de modifier les lois antiterroristes qui interdisent aux humanitaires de travailler en Afghanistan.
Selon le conservateur, les programmes gouvernementaux ont trop favorisé les organisations multilatérales par rapport aux groupes d'aide basés au Canada, qui, d'après lui, sont plus efficaces pour collecter des fonds et les dépenser judicieusement.
Dans tous les cas, M. Genuis croit qu'il serait préférable de se concentrer davantage sur FinDev Canada que de laisser Ottawa continuer à contribuer à la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, qui est contrôlée par la Chine.
«Notre engagement autour des infrastructures dans le monde en développement ne devrait pas servir les intérêts stratégiques du gouvernement chinois; il devrait se faire par le biais de partenariats bilatéraux avec des pays qui aident à renforcer la présence et les relations du Canada avec ces pays», a-t-il dit.
Heather McPherson, porte-parole néo-démocrate en matière de développement international, estime que toute réorientation de l'aide étrangère vers le financement de projets d'infrastructure du secteur privé profitera probablement davantage aux entreprises canadiennes qu'aux personnes confrontées au poids des crises humanitaires.
«La crise climatique, l'inflation, les inégalités — toutes ces choses sont des défis énormes qui nécessiteront une réponse internationale ou mondiale. Et nous, Canadiens, oublions de plus en plus le rôle que notre gouvernement doit jouer», a-t-elle affirmé.
Mme McPherson a ajouté qu'il est crucial que le Canada soutienne l'Ukraine, mais cela ne devrait pas se faire au détriment d'aider les pays en développement à lutter contre la pauvreté et à renforcer leur résilience face à la crise climatique.