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«On est ici en train de parler de n'importe quoi.»
Sans surprise, la motion du Bloc québécois visant à démettre le député franco-ontarien Francis Drouin de ses fonctions de président de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) a été battue jeudi soir, vraisemblablement dans la foulée de l'inscription massive d'élus libéraux voulant sauver leur collègue.
«C'est une bataille qui devait être faite, une bataille de principe. On ne peut pas tolérer qu'un président ait ce genre d'agissement. On a manifesté notre désaccord», a déclaré le bloquiste René Villemure, en entrevue avec La Presse Canadienne.
M. Villemure s'est félicité d'être allé jusqu'«au bout» du raisonnement, soit jusqu'à «un vote qu'on ne pouvait pas gagner» étant donné que l'association était «noyautée» de libéraux.
M. Drouin, qui occupe non seulement la présidence de la section canadienne de l'APF, mais qui est également président à l'échelle internationale, est dans l'embarras pour avoir traité il y a plus de deux semaines des témoins qui militent pour la protection du français de «plein de marde».
Le député de Glengarry—Prescott—Russell était en désaccord avec l'interprétation des données exposées par les témoins devant le comité des langues officielles sur l'influence qu'a la fréquentation d'une université ou d'un cégep anglophone sur l'anglicisation.
Chez certains libéraux, le principal intéressé a reconnu après le vote qu'il s'est «organisé». Autrement dit, qu'il a incité certains de ses collègues à gonfler les rangs de l’APF.
«Une règle qui est non écrite au Parlement (…) c'est que nos bisbilles internes restent à l'interne. Puis, on n’amène pas ça sur la scène internationale. Et pour moi, c'est une question de principe», a ajouté M. Drouin.
Sa collègue députée d'Ottawa—Vanier, Mona Fortier, a raconté que le résultat a fait son bonheur. «Francis (...) s’est excusé, et est un franc défenseur, promoteur de la francophonie. Donc pour moi, ça me rend contente de voir qu'il va continuer à faire son travail», a lâché la Franco-ontarienne.
Elle a raconté que cette saga, qui s'étire depuis bientôt trois semaines, lui a permis de discuter avec ses collègues parlementaires, et particulièrement du caucus libéral, de l'état et de l'importance de la francophonie, sans compter qu'elle a découvert que bon nombre d'entre eux prennent des cours de français et souhaitent s'exercer à le parler.
Le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin, a affirmé que malgré le résultat «décevant», il continuera de mener ce «combat» avec les bloquistes et les néodémocrates en comité parlementaire.
«Ce qui est malheureux, c'est que c'est lui qui (à titre de président international) va être l’hôte de la session annuelle à Montréal. Le type qui a été arrogant, baveux, irrespectueux envers des gens qui ont donné leur opinion, leurs données. Et cette personne-là nous représente à l'international», a-t-il déploré.
Lors de la réunion virtuelle, des parlementaires ont tenté de faire lever le huis clos afin de favoriser la transparence des délibérations, mais la demande a été rejetée à la suite d'un vote. Des libéraux sont intervenus contre cette tentative, a-t-on appris.
Le vote sur la motion était secret. Seul le résultat indiquant que la motion avait été battue a été communiqué aux membres.
La bataille est surtout symbolique. Le mandat de deux ans de M. Drouin prendra fin au début juillet.
Rapidement après l'incident, le Bloc québécois avait rassemblé suffisamment de signatures pour convoquer cette assemblée générale extraordinaire afin de montrer la porte à M. Drouin. Les conservateurs et les néo-démocrates avaient indiqué qu'ils ne croyaient pas que M. Drouin pourrait rester en poste.
Les libéraux, initialement minoritaires, se sont mobilisés massivement dans les derniers jours pour venir à la rescousse de leur collègue. Le nombre de parlementaires membres de la section canadienne de l'APF a ainsi presque doublé depuis que la réunion a été convoquée.
Les statuts de la section canadienne de l'APF précisent que «tout sénateur ou député» peut en être membre. Il n'est pas requis qu'ils parlent français. D'ailleurs, bon nombre de nouveaux membres libéraux sont des unilingues anglophones.
Obstruction parlementaire
Plus tôt en journée, les députés libéraux ont redoublé d'ardeur dans des tentatives évidentes d'obstruction parlementaire visant à empêcher le comité des langues officielles de voter sur une motion demandant notamment à ce que le député Drouin soit retiré de leur groupe.
«Si l’opposition veut continuer à attaquer un député personnellement, nous allons le défendre. Et s’il faut continuer de le faire jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste, on va le faire», a lancé Marc Serré, le secrétaire parlementaire du ministre des Langues officielles, lors d'une mêlée de presse à la fin de la réunion, laissant entendre que cette obstruction pourrait se poursuivre jusqu'à la relâche parlementaire.
Lors de la réunion, il a reproché aux oppositions de mener «une attaque personnelle» envers «un grand défenseur de la francophonie canadienne et internationale» afin de réaliser «des gains strictement politiques». Tout en tenant de longs discours, ses collègues libéraux et lui-même répètent ad nauseam que M. Drouin s'est excusé et implorent l'opposition de passer à autre chose.
La porte-parole en matière de langues officielles du Nouveau Parti démocratique, Niki Ashton, qui n'était pas présente en personne, a jugé lors de la réunion que les libéraux faisaient preuve d'«arrogance» et tournaient le comité en «un cirque».
«On voit des libéraux qui protègent un de leurs membres, a-t-elle déclaré. Mais soyons honnêtes, ce qu'on a entendu de ce membre en comité, c'est de minimiser les témoignages de témoins qui ont des préoccupations graves envers le déclin du français dans la province du Québec, la province la plus francophone dans notre pays.»
La motion qui est débattue a été jugée non recevable par le président du comité, mais le groupe a voté à la majorité pour tout de même en débattre, ce que ne digèrent pas les libéraux qui y voient une façon de contourner les règlements de la Chambre des communes.