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Il ne s’agit pas ici de faire le procès de la police aux États-Unis, mais plutôt de souligner un problème de société bien ancré où les personnes racisées sont statistiquement plus affectées par la brutalité policière.
Ces trois noms ne sont pas étrangers à quiconque ayant suivi l’actualité américaine depuis les années 90. Ce sont les noms de trois hommes noirs qui furent victimes de brutalité policière, dont l’altercation a été filmée et dont l’histoire a choqué la planète. Le dernier point en commun? Après chaque drame, il y a cette volonté de changer les choses et surtout de changer la culture policière.
Dans les trois cas, il n’est pas trop cynique d’avancer que sans les images il n’y aurait jamais eu de conséquences pour les membres de forces de l’ordre impliquées. Il ne s’agit pas ici de faire le procès de la police aux États-Unis, mais plutôt de souligner un problème de société bien ancré où les personnes racisées sont statistiquement plus affectées par la brutalité policière.
En 2022, il y a eu un nombre record de décès lors d’interventions policières (1176). Les Afro-Américains représentent environ 13 % de la population totale, mais ils comptent pour 24% des victimes. Une étude de l’organisme Mapping Police Violence révèle aussi qu’entre 2013 et 2022, une personne noire avait trois fois plus de chance d’être tuée lors d’une intervention policière qu’une personne blanche. (source: https://www.theguardian.com/us-news/2023/jan/06/us-police-killings-record-number-2022)
Les policiers impliqués dans la mort de Tyre Nichols sont tous afro-américains. Est-ce que ça veut dire qu’on doit évacuer l’élément « racisme » de la question? Pas complètement, comme il s’agit ici de parler des personnes ciblées par les interventions policières et de la relation à reconstruire entre les autorités et les minorités aux États-Unis de façon générale.
La mort de George Floyd, et son «I can’t breath» avant de perdre la vie en mai 2020, fut un moment décisif. Il y a eu un soulèvement important de la population face au manque d’imputabilité des policiers et à un énième cas de brutalité policière impliquant un Afro-Américain. Un mouvement où ce ne sont pas uniquement les Afro-Américains qui ont pris les rues d’assaut, mais plutôt des gens de tous âges et de toutes couleurs de peau.
Dans le dernier cas à être extrêmement médiatisé, Tyre Nichols, 29 ans, a été battu à mort après avoir été roué de coups lors d’une intervention plus que musclée qui avait débuté par une interpellation pour conduite erratique.
À la différence de George Floyd, les autorités ont agi rapidement en arrêtant les cinq policiers impliqués et ils ont diffusé la vidéo avant d’être forcés de le faire par la justice ou la pression populaire. Une vidéo avec des images très troublantes et difficiles à regarder où Nichols crie «mom» à plusieurs reprises avant de perdre connaissance. Un appel déchirant que George Floyd avait aussi fait avant de mourir.
ATTENTION | Ces images pourraient ne pas convenir à tous.
Des questions restent en suspens. L’intervention a eu lieu le 7 janvier, l’homme est décédé le 10 janvier, mais la vidéo a été diffusée uniquement trois semaines après l’événement. Pourquoi? Il reste qu’il faut souligner la transparence du service de police de Memphis qui semble avoir appris des erreurs des autres. Cette transparence semble d’ailleurs avoir eu un effet sur les manifestations qui se sont déroulées largement dans le calme.
Les implications politiques de l’événement se sont déjà fait sentir. Les démocrates souhaitent ramener à l’ordre du jour une loi, nommée en hommage à George Floyd, qui n’est jamais passée et qui vise une importante réforme de la police. Cette loi faciliterait les poursuites judiciaires à l’endroit de policiers ayant eu des comportements violents, interdirait les techniques d’étranglement, améliorerait la formation (souvent déficiente), obligerait le port de caméras pour les policiers en uniforme, permettrait la création d’un registre national de policiers ayant des antécédents disciplinaires et freinerait la militarisation des forces policières, pour ne nommer que ces éléments.
Biden en avait même fait une promesse phare lors de la campagne électorale de 2020. S’il n’a pas réussi à passer la loi avec une majorité au Congrès, il est difficile d’imaginer qu’il pourra le faire maintenant qu’il a perdu le contrôle de la Chambre des représentants. Les Américains auraient peut-être intérêt à se tourner du côté des autorités locales qui ont le pouvoir de changer les règles.
Est-ce que Tyre Nichols sera la mort de trop?