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La colorée sénatrice de l’Arizona a annoncé qu’elle quittait le parti démocrate pour siéger comme indépendante. Pourquoi? La réponse très courte : 2024.
Au moment où les démocrates de Joe Biden savouraient le gain d’un siège au Sénat, avec la victoire de Raphaël Warnock en Géorgie, une douche froide du nom de Kyrsten Sinema s’est invitée aux célébrations. La colorée sénatrice de l’Arizona a annoncé qu’elle quittait le parti démocrate pour siéger comme indépendante.
La sénatrice a frustré son parti à plus d’une reprise cette année en refusant de suivre l’agenda de Joe Biden à tout coup. Il est important de préciser que la ligne de parti est un concept beaucoup plus perméable qu’au Canada ou au Québec. Mme Sinema était considérée comme une sénatrice démocrate centriste qui a soulevé l’ire de ses collègues progressistes à plus d’une reprise.
Ce changement de couleur politique (ou plutôt d’absence de couleur politique) aura peut-être un effet très limité. Selon ce que nous savons de ses intentions, elle compte voter en accord avec son ancien parti la majorité du temps et s’est même entendue avec le leadership pour garder sa place dans certains comités.
Alors, pourquoi donc poser ce geste politique lourd de sens alors qu’elle était déjà une sénatrice qui ne pliait pas facilement face à ses propres collègues ? La réponse très courte : 2024. En effet, son terme de 6 ans se termine en novembre 2024, année d’élection présidentielle. Après avoir frustré plusieurs démocrates de l’Arizona qui l’ont aidé à se faire élire en 2018, elle avait déjà des candidats potentiels qui désiraient la déloger comme candidate démocrate aux prochaines primaires.
En devenant indépendante, elle place sa compétition dans une position extrêmement difficile. Si le parti présente un candidat démocrate à l’élection générale, il y a un énorme risque de division du vote ainsi de donner la victoire au candidat républicain sur un plateau d’argent.
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Dans un système politique à deux partis, la possibilité de gagner comme indépendante ou dans une troisième famille politique reste très difficile. Pour ce qui est de la politique locale ou étatique, c’est beaucoup plus faisable que pour une course présentielle.
Par exemple, Bernie Sanders est le politicien indépendant à avoir siégé le plus longtemps au Congrès américain. Bien qu’il «caucus» avec les démocrates, il est officiellement sénateur indépendant, tout comme Augus King du Maine et maintenant, Kyrsten Sinema. Dans leurs cas, la notoriété est très importante comme ils n’ont pas la bien huilée machine politique du parti démocrate ou du parti républicain derrière eux.
Au niveau présidentiel, le système électoral rend le projet presque impossible. Pour résumer très simplement, à deux exceptions près, tous les États ont un système de «winner takes all». C’est-à-dire que même avec un seul vote de différence, le candidat rafle tout l’État et les membres du collège électoral associés. Le dernier à passer le plus près de la Maison-Blanche est George Wallace, ancien gouverneur de l’Alabama, lors de l’élection de 1968.
Après avoir claqué la porte du parti démocrate, il s’est présenté sous la bannière du American Independant Party en construisant son programme politique autour de la ségrégation et en misant sur le racisme de nombreux électeurs. Il a quand même gagné dans cinq États du sud et a amassé 46 votes au collège électoral. George Washington était lui aussi indépendant, mais comme il était le premier président de l’histoire du pays, il reste difficile d’imaginer le contraire. À son grand désespoir, comme il souhaitait l’indépendance des présidents, deux partis se sont formés alors qu’il quittait la vie politique.
Il y a des centaines de partis politiques aux États-Unis bien que ce soient les républicains et démocrates qui gouvernent. Parmi les plus connus, le Parti libertarien et le Parti vert. Dans le premier cas, ils sont en mesure d’aller chercher quelques électeurs conservateurs et dans le deuxième cas, des électeurs progressistes. L’exemple le plus connu d’effet sur une élection est celui de la présidentielle de 2016. Cette année-là, Jill Stein, la candidate du Parti vert, a été tenue comme l’une des responsables de la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump.
Si les électeurs, d’une poignée d’États cruciaux, avaient voté pour Mme Clinton au lieu de Mme Stein, elle aurait pu battre Donald Trump. Un exemple plus récent encore, il n’y aurait pas eu de deuxième tour en Géorgie si les électeurs avaient eu à choisir uniquement entre le candidat républicain, Hershel Walker, et le candidat démocrate, Raphaël Warnock.
En même temps, n’est-ce pas le signe que la démocratie est en santé face à l’émergence d’un troisième (ou même d’un quatrième) parti ? Oui, mais ce serait encore plus sain si ces derniers avaient une véritable chance de gagner au niveau national. Les électeurs américains seraient aussi gagnants. Selon le Pew Research Center, le pourcentage d’électeurs insatisfaits des deux principaux partis est passé de 6 % en 1994 à 27 % en 2022.
Petite prévision facile en terminant, il y a beaucoup plus de chance de voir un changement du mode de scrutin au Canada et au Québec avant de voir même la possibilité de le faire aux États-Unis pointer le bout de son nez. Pour les partisans de cette transformation tant attendue, j’espère vous avoir donné une petite lueur d’espoir, aussi mince soit-elle.