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Est-ce que la nouvelle génération d’élus est trop fragile pour faire de la politique? Ou bien est-ce la politique qui n’a pas suffisamment évolué?
La démission de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, et les nombreuses réactions qu’elle a suscitées amènent la question suivante: est-ce que la nouvelle génération d’élus est trop fragile pour faire de la politique? Ou bien est-ce la politique qui n’a pas suffisamment évolué?
Les nombreux commentaires entendus et lus la semaine dernière à la suite de la démission de France Bélisle étaient tous teintés par la perspective des uns et des autres.
«C’est parce que les villes n’ont pas assez de moyens».
«La politique est dure pour les femmes».
«Le climat social est toxique».
«C’est la faute des médias sociaux!».
La situation de France Bélisle était bien particulière, et il serait périlleux de faire des généralisations à partir de ses constats à elle. Les journalistes et les chroniqueurs de l’Outaouais ont rapidement relevé des contradictions entre ses paroles et les gestes qu’elle a posés depuis son élection.
Cela dit, on doit néanmoins prendre acte de la vague de démissions qui sévit au palier municipal. Il y a quelque chose de plus profond. Mais je m’interroge aussi sur les particularités de cette nouvelle génération d’élus dans la trentaine et la quarantaine, génération à laquelle j’appartiens.
Cette nouvelle génération de maires et mairesses, elle n’a pas le même niveau de tolérance face à certaines situations, par exemple le harcèlement. Elle demande une meilleure conciliation famille-travail, elle ne souhaite pas nécessairement travailler 7 jours sur 7.
Dans les dernières années, on a vu l’arrivée d’une garderie à L’Assemblée nationale. On parle de moderniser le parlementarisme à Québec, notamment pour s’adapter à des élus provenant de milieux plus diversifiés. On exige, avec raison, des congés de maternité pour les élues. La politique n’est plus seulement une affaire de messieurs, et c’est pour le mieux.
Les jeunes de moins de 40 ans ont tendance à moins se définir par leur travail. Vous connaissez probablement des gens qui butinent de travail en travail, à la recherche, parfois d’horaires flexibles, parfois de meilleures conditions salariales, voire d’assurances qui vont couvrir ceci ou cela. Ça ne sera jamais le lot de la politique.
De nos jours, le conseil municipal se tient coûte que coûte, les caucus ne dérogent pas de leur horaire fixé dans le béton. Ajoutez à ça les critiques continuelles sur les réseaux sociaux à la période de questions ou lors des séances du conseil et la balance penche de moins en moins en faveur du service public.
Il semble vraiment y avoir quelque chose de générationnel. Prenez quelqu’un né en 1910. À 40 ans, il aura vécu deux guerres mondiales, un krach boursier, la montée et le repli des mouvements fascistes. Pour eux, servir l’État représente un idéal, une nécessité.
Prenez maintenant quelqu’un né en 1990. Aucune guerre mondiale, une ou deux bulles boursières aux impacts somme toute limités et des emplois à foison. Pour nous, une job, c’est une job. Et si ça ne convient pas, il y en aura une autre, tout simplement!
Nous sommes désormais parents, nous occupons des postes décisionnels. Et force est de constater que nous n’avons généralement pas la même tolérance à l’inconfort que les générations précédentes. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que c’est une mauvaise chose en soi! Mais la politique, ce n’est pas un jeu auquel «tout le monde gagne». Ça a toujours été et ça demeurera d’abord une vocation.
Je m’inquiète de l’écart croissant entre ce que les gens croient que sera un passage dans le monde politique et ce qu’il est réellement. Toutes les journées ne se termineront pas par des acclamations. C’est long, ça exige des compromis et oui, de perdre comme de gagner.
Il existe un paquet d’emplois moins complexes, moins prenants, plus payants et plus valorisants.
Rien ne peut rivaliser avec les émotions que procurent des victoires électorales et politiques et le sentiment d’accomplissement de celui qui sent qu’il fait la différence dans sa communauté. Mais ce que nous disent surtout les plus de 700 démissions d’élus municipaux, c’est que les contrecoups de la politique pèsent de plus en plus lourd par rapport aux bienfaits.
Il s’agit d’un risque supplémentaire pour notre démocratie face auquel nous devrons trouver les bonnes solutions.
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