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Dites-vous toujours la vérité quand quelqu’un vous demande «comment ça va»?
Dites-vous toujours la vérité quand quelqu’un vous demande «comment ça va»? Répondez-vous de façon automatique, sans trop réfléchir, laissant croire à un ciel bleu alors qu’au fond, c’est plutôt gris, nuageux et froid au-dessus de votre tête?
Oui, bon, d’accord, peut-être que vous ne livrerez pas vos états d’âme à la réceptionniste du bureau ni à votre voisin croisé au casier postal, mais tout de même. Avez-vous remarqué cette propension à cacher son état émotionnel, ou du moins à atténuer ce qu’on ressent, pour mieux faire partie du groupe, pour ne pas gâcher la perception générale que oui, oui, tout va bien?
Ah oui, tout va bien, vraiment?
Depuis la pandémie, le Québécois moyen n’a jamais autant travaillé : sa semaine s’est allongée de 3,3 heures par semaine, selon une récente étude du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval.
Occupé comme jamais et avalé par son écran (les adultes passent en moyenne 4,7 heures devant un écran chaque jour, selon l’Institut national de santé publique du Québec), le travailleur fait face au phénomène du blurring (ou flou, en français). Cette expression fait référence à la disparition des frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle, accentuée par le télétravail.
À tout cela s’ajoute la surcharge cognitive qui arrive de plusieurs fronts : la fatigue collante d’être constamment en réunion Zoom pour certains, la surcharge liée à la gestion familiale sans réseau de soutien pour d’autres, l’hyperconnectivité et la multiplication des réseaux de communication liés au travail, sorte de laisse électronique qui relie nuit et jour le travailleur à son patron.
Je pourrais aussi énumérer les problèmes sociaux qui accaparent le citoyen ordinaire, du prix de l’épicerie à l’absence de logements en passant par les coûts de l’essence, la montée fulgurante de l’anxiété, de l’insécurité alimentaire, de la sédentarité, et aussi l’indisponibilité de médecins de famille, l’attente aux urgences, l’absence d’enseignants qualifiés dans les écoles, l’état déplorable des infrastructures…
Sans surprise, les cas d’épuisements professionnels explosent : on entend beaucoup parler de travailleurs surmenés dans le monde de la santé, de l’éducation, de la politique, parmi les policiers et même chez les étudiants et les jeunes travailleurs.
Permettez-moi donc de douter quand je reçois du tac au tac une réponse positive, spontanée et joyeuse à la simple question «comment ça va ?». Beaucoup de gens ne vont pas si bien — mais refusent de le dire, de l’avouer, de lever la main et de demander de l’aide ou d’en parler.
L’une des clés pour aller mieux, c’est de développer sa maturité émotionnelle. J’en parlais récemment avec Estelle Morin, psychologue et professeure de management à HEC Montréal. Elle m’expliquait à quel point l’intelligence émotionnelle permettait de «gérer ses relations, même conflictuelles» tout en étant en mesure de «s’exprimer, s’affirmer, dire non» toujours dans le respect.
Elle appelle cela «l’assertivité» dont la définition officielle est le fait d’être «capable d’exprimer ses désirs, ses besoins et ses opinions sans blesser son interlocuteur et sans empiéter sur l’autre». Cette façon de reconnaître l’autre, d’avoir de l’empathie, de prendre un pas de recul et de mettre les choses en contexte aide à aligner nos actions à nos émotions.
Encore faut-il être en mesure de les identifier !
J’ai demandé à cette experte si elle avait des trucs pratico-pratiques pour mieux connaître et reconnaître sa palette émotive. Elle m’en a donné deux, que je vous refile.
Tout d’abord, elle m’a parlé des piliers de l’intelligence émotionnelle : la connaissance et la conscience de soi, l’autorégulation de ses émotions, la motivation, la sociabilité et l’empathie.
Pour mieux se connaître, rien de mieux que de tenir un journal, selon elle. Et on y note quoi? Les situations où on se sent frustré, surpris, déçu ou inquiet. Ces quatre ressentis peuvent nous aider à identifier nos croyances et nos valeurs.
L’autre bon tuyau, c’est l’utilisation de l’application «How We Feel». Développée par une équipe de scientifiques de l’Université Yale, l’appli (gratuite, en anglais seulement) permet d’examiner les indicateurs de sa santé émotionnelle et de reconnaître, au fil du temps, une trajectoire ou un cycle.
Comme le dit Mme Morin, « 50 % du travail est fait si on est en mesure de comprendre et de gérer ses propres émotions ». Il reste ensuite à mieux cerner celles des autres et à agir en conséquence.
Et si ça commençait par demander (pour vrai) comment ça va… et à répondre avec franchise?
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