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«La rondelle ne roule pas pour la CAQ.»
11 ans. Onze années. Plus d’une décennie.
Selon l’estimation du directeur parlementaire du budget (fédéral), Yves Giroux, c’est le moment où l’investissement du gouvernement dans l’usine de batterie Northvolt atteindra le seuil de rentabilité. Alors que le gouvernement fédéral avait plutôt anticipé un délai de cinq à neuf ans pour ce type de subvention.
Et cette information, on l’apprend donc par Ottawa, et non par une institution du Québec. Malgré le fait que le gouvernement du Québec contribue à hauteur de 1,4 milliard de dollars dans ce projet.
Cette analyse, nécessaire, a été faite pour répondre à l’intérêt exprimé par plusieurs députés fédéraux. Et celle-ci illustre magnifiquement bien l’utilité du Directeur parlementaire du budget (DPB). Répondre aux demandes des députés (et des sénateurs), afin de livrer une analyse neutre, non partisane, indépendante du gouvernement, permettant d’assister le travail des parlementaires.
Soyons clairs, les partis politiques et les parlementaires ne disposent pas de toutes les ressources et compétences à l’interne pour réaliser des analyses aussi complexes. C’est pourquoi ils convoquent des experts en commissions parlementaires, pour poser des questions. Et c’est pour cela qu’ils demandent des analyses. Mais à Ottawa, contrairement au Québec, il y a aussi un Directeur parlementaire du budget.
Cette analyse du DPB fédéral sur la filière batterie succède à une multitude de rapports, tous pertinents. De la taxe de luxe au fédéral sur les avions et les bateaux à la taxe sur le carbone ou l’achat des avions F-35 et autres matériels militaires.
Le Directeur parlementaire du budget fournit des analyses économiques et financières afin de promouvoir la transparence, la responsabilité budgétaire et ainsi améliorer la qualité des débats parlementaires. C’est un «outil essentiel» avec le bureau du Vérificateur général du Canada et non un dédoublement de fonction.
Le gouvernement de la CAQ accorde une subvention de 5 à 7 millions afin de faire venir les Kings de Los Angeles au Centre Vidéotron et de permettre la présentation de deux matchs préparatoires de hockey à Québec en octobre 2024. Ce gaspillage de fonds publics est inexcusable et totalement injustifiable. D’autant plus que les médias nous en apprennent un peu chaque jour.
Le dernier «scoop» provient du journaliste Tommy Chouinard de La Presse et nous informe de la provenance des fonds pour supporter ces matchs. En effet, La Presse affirme que le gouvernement utiliserait le Fonds de la région de la Capitale-Nationale (FRCN), qui sert à soutenir des projets d’entreprises et des organismes locaux sans but lucratif.
Québec Solidaire a demandé l’intervention de la vérificatrice générale du Québec. Et pour l’instant, il s’agit du seul outil mis à la disposition des députés pour faire toute la lumière sur ces affirmations. Car avoir de l’information du gouvernement, même pour un parlementaire, n’est pas de tout repos. Tout comme n’importe quel citoyen (ou média), il faut s’appuyer sur la loi d’accès à l’information, en autres, pour avoir accès à des données.
Le poste de Directeur parlementaire du budget fédéral a été créé en 2006 par le premier ministre Stephen Harper, dans le cadre de la Loi fédérale sur la responsabilité, au tout début de son mandat. Pour la petite histoire, les conservateurs accusaient les libéraux au pouvoir de jouer avec les prévisions financières du budget du gouvernement fédéral. Il y avait aussi le scandale des commandites.
Certes, le Directeur parlementaire du budget, une fois nommé, n’est pas tendre avec le gouvernement en place. Nonobstant le fait que ce soit le gouvernement Harper qui avait nommé Kevin Page, le premier titulaire du poste en 2008. Cela ne l’a pas empêché d’avoir plusieurs différends avec le ministre des Finances de l’époque, Jim Flaherty, sur ses estimations budgétaires ou de faire la lumière sur les dépenses militaires du gouvernement Harper.
Aujourd’hui, les conservateurs, qui forment l’opposition, sont bien contents de pouvoir compter sur un directeur parlementaire du budget et de ses analyses, afin de dénoncer la gestion des finances publiques des libéraux.
Il devrait en être de même à Québec. L’Ontario a un directeur de la responsabilité financière, depuis 2013. Il a été mis en place à la suite des scandales des centrales électriques au gaz naturel et à l’achat d’hélicoptères ambulances, en autres. Doit-on attendre un autre scandale au Québec pour que finalement, on crée le bureau du directeur parlementaire du budget ?
Récemment, on apprenait qu’Hydro-Québec avait des projets d’investissements pour 185 milliards. On estime que la saga du tramway de Québec se chiffrerait à plus de 8 milliards de dollars. Quant au troisième lien, on attend toujours une analyse indépendante.
Au fédéral, les partis politiques peuvent utiliser les services du DPB pour estimer le coût des promesses des plateformes électorales et ainsi rendre public un cadre financier plus crédible et rigoureux, lors des élections. On se souviendra que le Parti libéral du Québec, lors des dernières élections, s’était trompé de 12 milliards de dollars. Cela illustre que les partis politiques au Québec manquent de ressources pour réaliser ce délicat exercice.
Récemment, le parti Québécois de Paul Saint-Pierre-Plamondon a déposé son budget de l’an 1. Il aurait été intéressant qu’un directeur parlementaire du budget se penche sur ce document afin de publier une opinion indépendante.
Comme le recommandaient les chercheurs Matias Allali et Luc Godbout dans le rapport de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke en juillet 2022; « il semble clair que le gouvernement aurait avantage à se doter de l’apport d’une institution fiscale indépendante ». Cela permettrait au Québec de se conformer aux meilleures pratiques de l’OCDE, comme une trentaine de pays.
Le ministre des Finances Éric Girard se disait ouvert à avoir un directeur parlementaire du budget, en mai. Il est plus que temps de passer outre les vœux pieux.
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