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Février 2022 : des drapeaux «Trump 2024» sont accrochés aux camions, des drapeaux confédérés sont tenus fièrement par une poignée de manifestants, on s’attaque aux fakes news et les références à Qanon ne manquent pas. Non, nous ne sommes pas dans la capitale américaine, mais bien dans les rues de la capitale canadienne.
Presque tout a été dit sur le «convoi de la liberté», mouvement qui a les manchettes de la plupart des bulletins de nouvelles de la planète. Reste que l’influence de l’extrême droite américaine sur une manifestation canadienne a quelque chose de quasiment surréel qui mérite d’être exploré. Une influence qui n’était certainement pas visible aux yeux de la majorité des manifestants.
La semaine dernière, Fox News a débuté un segment d'émission avec la phrase suivant : «mais que se passe-t-il avec notre gentil voisin du nord» ? La question, dites sur ton un peu paternaliste, est revenue sur de nombreuses tribunes américaines. Les États-Unis sont habitués aux mouvements contestataires et antigouvernementaux, au centre de la doctrine des mouvements de l’extrême droite. Au Canada, bien que présente, l’extrême droite se faisait généralement beaucoup plus discrète et surtout pas normalisée, comme c’est tristement le cas dans certains États américains.
Et que dire de la haine envers les médias traditionnels, plus souvent associée à la droite. Lors des manifestations, on ne comptait plus les insultes en direct aux journalistes et certains ont dû faire face à des attaques physiques. La fatigue pandémique, mais surtout le bris du lien de confiance envers les institutions et les médias, n’est pas unique à l’Amérique du Nord, mais nous avons parfois l’impression que les États-Unis ont mené le bal dès le début de la pandémie.
Pensons notamment aux occupations armées de capitoles d’États, à l’instrumentalisation du port du masque comme arme politique et même à la planification de l’enlèvement de la gouverneure du Michigan afin de la «juger» pour ses mesures de confinement dites inconstitutionnelles.
Des groupes de l’extrême droite, constitués pour la plupart de suprémacistes blancs, sont aujourd’hui des figures de proue du mouvement anti-vax, anti-confinement, anti-masque, mais surtout anti-gouvernement et trouvent un écho ici au Canada.
La Gendarmerie royale du Canada a d’ailleurs saisi des armes qui se trouvaient dans des camions semi-remorques participant au blocus à un poste frontalier de l’Alberta.
Crédit photo - GRC
Parmi les objets saisis, on pouvait apercevoir un drapeau associé au mouvement canado-américain Diagolon qui souhaite la création d’un pays traversant le Canada et les États-Unis, de l’Alaska jusqu’en Floride et qui prône une idéologie fondamentalement raciste.
Le mouvement complotiste américain Qanon était aussi bien représenté par la reine autoproclamée du Canada, Romana Didulo, qui affirme avoir été aidé par la même obscure personne qui a conduit Donald Trump au pouvoir (à noter que Romana Didulo est une anagramme pour «I am our Donald»).
Le mouvement complotiste affirme entre autres qu’il existe un cercle satanique de pédophiles (pour la plupart démocrates), membres de l’État profond (Deep State), qui abusent d’enfants. Il est difficile de mesurer le nombre d’adeptes de Qanon, mais ils seraient selon certaines évaluations autour de 30 millions. Malgré l’absurdité de la chose, ils étaient bien présents avec leurs symboles à Ottawa.
Ce n’est pas pour rien que les médias les plus à droite ont salué le «convoi de la liberté» en espérant insuffler la même passion aux camionneurs américains. Par exemple, sur le site de Breitbart, un éditorialiste faisait référence au Canada en affirmant que ce ne sont pas juste les pays africains qui pouvaient être autoritaires. Chez Fox News, leur correspondant comparait le Canada à la Chine ou encore à Cuba en parlant d’un État policier où on trouvait des points de contrôle rappelant l’Allemagne de l’est.
Tucker Carlson, tête d’affiche du même réseau, a ajouté sur son site de vente d’objets promotionnels des T-shirts faisant référence à Justin Trudeau ou encore aux camionneurs. Rasmussen, une firme de sondage, a déterminé que 59 % des Américains appuyaient le mouvement des camionneurs avec 77 % de républicains, 60 % d’indépendants et 40 % des démocrates.
Finalement, la contribution financière américaine est non négligeable et pourrait représenter la moitié des millions de dollars amassés pour soutenir les camionneurs. Qui sont ces mystérieux donateurs ? Selon une analyse du Washington Post, ils proviennent pour la plupart de régions les plus riches des États-Unis, de Beverly Hills en passant par la banlieue d’Austin et par plusieurs secteurs de la Géorgie. Pourquoi ont-ils financé un mouvement canadien ? Et saurons-nous bientôt jusqu’à quel point l’extrême droite a participé au financement du convoi ?
À suivre.