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«Jean-François Bernier, le Protecteur national de l’élève, s’étonnait de recevoir autant de plaintes concernant des incidents à caractères sexuels. [...] Il affirme lui-même qu’il ne sert pas à grand-chose quand les plaintes sont de cet ordre.»
On apprenait récemment dans les médias que Jean-François Bernier, le Protecteur national de l’élève, s’étonnait de recevoir autant de plaintes concernant des incidents à caractères sexuels. 57 plaintes (14% des plaintes), pour être plus précis, depuis la création du poste, en août.
Moi, ce qui m’étonne, c’est que M. Bernier soit étonné. Surtout quand on sait que cette fonction a été créée dans la foulée de bon nombre de scandales largement médiatisés concernant des sévices et des agressions sexuelles dans les écoles de la province.
Nous avons eu droit à tellement de cas au cours des derniers mois que le ministre Bernard Drainville a même commandé une enquête générale sur les multiples allégations de crimes sexuels survenus dans le réseau scolaire québécois.
Je vais y aller de but en blanc: je ne crois pas beaucoup à l’efficacité réelle du Protecteur national de l’élève en ce qui a trait aux agressions sexuelles. Ce n’est rien contre Jean-François Bernier. Ce sont plutôt les pouvoirs — ou l’absence de pouvoirs — qui lui sont conférés qui posent problème.
D’ailleurs, M. Bernier a déclaré lui-même qu’il ne pouvait pas occuper le rôle de la police ou de la DPJ. Toujours selon ses déclarations, il n’est ni psy ni travailleur social et invite les jeunes à ne «pas trop entrer dans les détails, advenant le fait que le signalement au protecteur de l’élève soir leur première démarche».
Il a d’ailleurs l’obligation d’appeler la DPJ, qui appellera la police au besoin. Le rôle de Protecteur national de l’élève sur le traitement des violences sexuelles dans les écoles en est un de façade.
Son vrai rôle? S’assurer que les établissements scolaires gèrent correctement les allégations d’agression sexuelle. Ne devrait-on pas, alors, appeler un chat un chat et le nommer Protecteur national de l’école?
C’est ironique, parce qu’avant la mise en place de cette nouvelle fonction, on n’arrêtait pas de nous répéter au ministère de l’Éducation que la création de ce poste était LA solution pour combattre le fléau des violences sexuelles dans les écoles. Et là, il nous dit lui-même que, dans le fond, il ne sert pas à grand-chose quand les plaintes qu’il reçoit sont de cet ordre.
À la suite de cette sortie, j’ai échangé avec le collectif La voix des jeunes compte, un regroupement qui lutte depuis six ans afin que le gouvernement du Québec crée une loi-cadre qui viendrait légiférer en matière de violence sexuelle dans nos établissements scolaires. Ils sont même allés en commission parlementaire pour s’exprimer sur le rôle que devrait avoir le Protecteur de l’élève.
Eux aussi, donc, sont étonnés. Étonnés de constater que, malgré les conclusions de l’enquête générale du ministre Drainville qui démontre clairement que les écoles et les centres de services ne sont pas en mesure ni outillés pour protéger les jeunes, le seul rôle du Protecteur semble de s’assurer que les écoles gèrent ça correctement.
Oui, la responsabilité incombe encore aux directions d’école et aux centres de service scolaire, alors qu’on a justement déclenché l’enquête parce que le processus était visiblement défaillant. C’est complètement débile, voire irrespectueux pour les victimes.
Est-ce qu’il y a eu un suivi depuis le dépôt de ce rapport? Est que quelqu’un dort au gaz au ministère? Je pose la question, non pas pour un ami, mais pour toutes les jeunes victimes d’agression au quotidien dans nos établissements scolaires, des lieux qui devraient être exempts de tout comportement mettant en péril la santé et la sécurité des étudiants-es.
Selon Bernard Drainville, le Protecteur national de l’élève devait être la première porte d’entrée pour les victimes d’agressions sexuelles. Qu’est-ce qui est fait pour accompagner les victimes? Mis à part les inciter à remplir un rapport, à envoyer un texto ou à carrément téléphoner au Protecteur de l’élève, je me le demande.
Je me permets ici un petit aparté pour insister sur le fait que c’est carrément indécent de demander à des victimes, des enfants et des ados, de prendre eux-mêmes les devants pour dénoncer au Protecteur.
Des cas où des élèves ont dû côtoyer leur agresseur présumé toute l’année, je n’ai même pas assez de mes dix doigts pour les compter. À l’heure actuelle, on laisse des jeunes sans aucun soutien alors qu’on leur a dit de dénoncer en leur promettant que le Protecteur national de l’élève veillerait sur eux.
Il faut créer un protocole clair pour tous les établissements scolaires. Comment? En créant une loi-cadre et non en incluant toutes sortes de patentes à gosse à l’intérieur d’un projet de loi fourre-tout pour donner l’impression aux jeunes et à leurs parents qu’on fait quelque chose.
Alors je repose ma question: est-ce que le Protecteur national de l’élève n’est pas plutôt le Protecteur de l’école et des fesses du ministre?
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