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«Nous sommes capables de vrais changements. Je compte les jours pour savoir si ceux qui nous serons présentés par le ministre seront dans cette catégorie.» - Luc Ferrandez
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, planche depuis des mois sur sa « refondation » du système de santé. Selon toute vraisemblance, le ministre devrait déposer son projet de loi d’ici deux semaines. Comme il l’a répété plusieurs fois en entrevue, le plan ne devrait rien nous apprendre sur ce qui ne va pas, parce que la santé a été étudiée sous toutes ses coutures depuis 30 ans. Les tablettes croulent sous les différents rapports et leurs solutions. Ce qu’il faut maintenant, c’est mettre en œuvre des correctifs concrets.
Les deux principaux problèmes de notre système de santé sont archi connus : l’accès et le coût. L’accès, parce qu’il y a toujours plus de huit cent mille citoyens sans médecin attitré. Mais aussi, parce que le temps d’attente dans les urgences nous place parmi les pires pays de l’OCDE.
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Le coût, parce que la santé, qui avale déjà la moitié du budget de la province, nous impose des dépenses en croissance de 4 à 8 % par année — ce qui s’avère ingérable à long terme. Par ailleurs, ces dépenses vont continuer d’augmenter à ce rythme parce qu’elles sont liées à des phénomènes de fond : le vieillissement, les coûts de main-d’œuvre (turbo propulsés par les pénuries et les heures supplémentaires), la « technologisation » de la santé et le coût des médicaments.
Or, pour affronter ces deux grands ensembles de problèmes, il faut des solutions pertinentes. Cela semble évident, mais ça ne l’est pas. Il existe toutes sortes de raisons qui font que l’on reporte à plus tard les vraies solutions : l’échéance électorale, la résistance des lobbys (la Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes, la Fédération des infirmières du Québec), la résistance de la population au changement, et j’en passe.
Notre vœu le plus cher pour cette réforme à venir, c’est que le ministre ait le courage de choisir des solutions appropriées définies par un principe de base de planification : l’adéquation problème-solution. En résumé, on ne peut pas régler les grands problèmes avec des petites solutions. Même en les cumulant.
Par exemple, on ne réglera pas le réchauffement de la planète en construisant des ruelles vertes. Les ruelles vertes ont beau être sympathiques, mais même en permettant des plantations là où il y avait du béton, favorisant ainsi l’absorption de l’eau de pluie, elles n’ont pas d’impact massif sur le réchauffement de la planète. Même si on en construisait mille par ville tous les ans.
Il ne faut donc pas penser qu’on va régler les problèmes d’accès et de coûts en améliorant l’informatisation des dossiers, la communication au sein de l’appareil gouvernemental ou même la productivité des médecins. Ce sont toutes des solutions nécessaires (comme les ruelles vertes), mais elles ne sont pas « dimensionnées » à la taille des problèmes auxquels nous faisons face.
Ce que le ministre doit trouver, c’est le moyen de remplacer le travail des médecins par le travail des pharmaciens ou des infirmières ou de la télémédecine pour des centaines de milliers d’actes. Ou alors trouver les moyens de ramener le salaire des médecins et spécialistes dans la moyenne des salaires de l’OCDE — donc en les réduisant du tiers au minimum. Ou alors trouver des façons de recruter et intégrer des dizaines de milliers de professionnels provenant d’autres pays. Ou alors, de construire des institutions de première ligne (comme les CLSC à l’époque où ils étaient significatifs), capables d’intercepter des millions de visites à l’urgence.
Certaines réformes québécoises ont eu ce genre d’effet massif : la médecine ambulatoire a permis de réduire dramatiquement le nombre de jours passés à l’hôpital ; la renégociation du coût des médicaments a permis d’épargner des centaines de millions ; la modulation du salaire des médecins selon les secteurs géographiques a permis d’envoyer des médecins dans les régions où il en manquait systématiquement.
Nous sommes capables de vrais changements. Je compte les jours pour savoir si ceux qui nous serons présentés par le ministre seront dans cette catégorie.