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Art et culture
Chronique |

Non, je n’encourage pas le cinéma québécois !

«Les réseaux sociaux débordent de : Il faut encourager notre cinéma ! Je suis allé encourager Anik Jean ! J’encourage ce petit thriller québécois ! Venez encourager ce jeune réalisateur de chez nous ! Et ça me gosse ! Un peu, beaucoup !»

Sans l’ombre d’un nuage orageux, on peut dire que l’été 2023 aura été ensoleillé pour nos films québécois au cinéma. Ça aura été caliente comme on dit ! La caisse enregistreuse a fait de beaux «poc-poc» comme des grains de maïs qui explosent en pop-corn de sous.

Il faut dire que Le temps d’un été, Les hommes de ma mère et Les chambres rouges, pour ne nommer que ceux-là, ont tous très bien performé autant chez les critiques culturels que chez monsieur et madame tout le monde. Une belle variété de propositions qui a su trouver son public.

Mais combien de fois n’ai-je pas lu ou entendu, un peu partout, et autant de la part des professionnels du milieu que du public en général : je suis allé encourager ce film québécois ! Les réseaux sociaux débordent de : Il faut encourager notre cinéma ! Je suis allé encourager Anik Jean ! J’encourage ce petit thriller québécois ! Venez encourager ce jeune réalisateur de chez nous ! Et ça me gosse ! Un peu, beaucoup !

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Bien sûr, je ne suis pas si cave, je comprends très bien l’idée derrière cet «encouragement». On veut faire la promotion de notre cinéma. Que nos films se taillent une place à travers le raz-de-marée de films qui nous arrivent du reste de la planète.

Je comprends bien cette bienveillance qui vient du fond du cœur. Cette envie que notre cinéma frappe dans le mille. Qu’on choisisse Guylaine Tremblay qui pleure sur un quai devant un lac plutôt que Tom Cruise qui tourne comme une toupie dans un avion trop dispendieux.

Mais, je crois quand même qu’il est plus que temps qu’on cesse de dire qu’on va encourager notre cinéma. Mais plutôt qu’on dise : je vais voir ce film québécois. Je vais voir le dernier Arcand. Je veux absolument voir Marc-André Grondin dans le prochain Podz.

De dire qu’on encourage notre cinéma, ça sonne miséreux. Ça donne l’impression que c’est une corvée pas tellement le fun. Une obligation qu’on doit faire une fois ou deux dans l’année pour se donner une bonne conscience culturelle. On est tout à coup Donalda qui fouille dans son petit change pour donner aux pauvres du village.

Comme si l’œuvre en soi n’avait pas tant d’importance. Que le scénario soit bon ou pas, que les acteurs soient sua coche ou que le réalisateur ou la réalisatrice ait eu une vision claire de son film n’a aucune importance.

On y va parce qu’il faut y aller comme lorsqu’on va voir notre petit dernier de 7 ans qui n’est pas très bon soccer et qui nous donne l’impression de nous faire perdre nos samedis matin. Je ne vais pas encourager Chris Hemsworth dans le film Thor. J’y vais parce que je veux voir ce film (et ses muscles) point barre.

Ça doit être la même chose quand on va voir un film d’ici. J’y vais parce que je veux voir cette création. Parmi tous les films en salle, c’est celui-là que je veux absolument voir. Et c’est correct aussi de choisir de ne pas aller voir un film québécois parce que la proposition ne nous allume pas.

On ne va pas brûler dans les enfers des bobines oubliées parce qu’on a n’a pas «encouragé» un film de chez nous. Et que si on ne fait pas cet effort, tout le cinéma d’ici va s’écrouler. On est rendu plus loin que ça.

Nos films s’illustrent dans plusieurs festivals partout dans le monde. Les gens à Cannes ne vont pas encourager la pauvre petite Monia Chokri. Ils vont voir un film québécois fait par une très talentueuse réalisatrice de chez nous ! Les gens sur la Croisette n’ont pas le sentiment d’aller faire un pèlerinage en robe de soirée pour faire plaisir à une Québécoise qui a besoin d’une tite tape dans le dos.

Bizarrement, on ne va plus encourager Denis Villeneuve : on va voir ses films ! Est-ce qu’on reviendra à l’encouragement lorsqu’il refera un film produit chez nous ? Je ne pense pas. Je sais que ça peut donner l’impression que je joue sur les mots, mais non.

On n’a plus à encourager notre cinéma, on doit aller le voir et l’apprécier au même titre qu’un film hongrois obscur. Et de toute façon, l’acte d’acheter un billet pour un film québécois reste de «l’encouragement» parce que c’est des sous dans nos productions.

Sur ce, je vais REGARDER avec plaisir Solo de Sophie Dupuis !