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«À travers les légitimes revendications, je ne voudrais pas qu’on oublie qu’à travers le Québec, il y a plein [de profs] qui font une énorme différence dans la tête et le cœur de plein de jeunes.»
À moins de vivre dans une grotte avec les ours pour l’hiver, tout le monde est au courant de la grève des enseignants avant la période des Fêtes. En ce moment même, c’est l’étape cruciale du vote des différents syndicats et la nervosité est aussi palpable qu’avant un examen de math 534 du ministère en fin d’année scolaire.
Mais ce n’est pas tellement de la grève dont j’ai envie de vous jaser, mais plutôt les souvenirs que ça m’a ramené en tête. Des visages de professeurs de mon adolescence. Parce que parmi la tonne de revendications dont on a entendu parler durant cette grève, il y a aussi les professeurs eux-mêmes.
Cette personne qui se tient en avant de la classe chaque jour. Ces êtres humains qui sont là pour nous apprendre, mais qui parfois laissent une trace plus importante dans nos vies. Une trace assez forte pour modifier une partie de la trajectoire, encore bien jeune, de notre parcours. Ce n’est pas le cas pour chaque étudiant, mais ça arrive plus souvent qu’on le pense.
En secondaire 4 et 5 dans ma polyvalente de Beauport, en banlieue de Québec, j’ai eu monsieur Marc-André comme professeur. Un homme pince-sans-rire, calme et passionné par son travail. Un prof qui voulait nous transmettre sa passion pour la langue française.
C’est grâce à lui si j’ai découvert le théâtre québécois. Une sorte de révélation avec l’œuvre de Michel Tremblay en tête d’affiche. C’est avec lui qu’une petite bande de saltimbanques ados, moi inclus, allaient mettre sur pied une ligue d’impro.
Il avait vu, bien avant moi, mon don pour faire des blagues. Il m’a poussé gentiment à montrer ce côté de ma personnalité. Notre équipe d’impro a été redoutable dans les tournois des écoles secondaires du grand Québec. Comme des Vikings du rire, nous étions craints et respectés! Notre troupe de théâtreux, avec monsieur Marc-André en tête, a monté Sainte-Carmen de la Main de Michel Tremblay. On a capoté nos vies! Du théâtre beaucoup trop adulte selon la direction, mais peu importe, avec monsieur Marc-André comme guide et metteur en scène, on avait fait tout hit!
À cette époque, je ne savais pas que j’allais faire le métier que je fais aujourd’hui. Ce n’était même pas mon plan. Mais je suis convaincu qu’inconsciemment, monsieur Marc-André a déclenché quelque chose en moi qui allais prendre sa place beaucoup plus tard.
Monsieur Marc-André n’a pas non plus fait tout ça avec nous dans l’optique de faire une classe de comédiens, comédiennes ou humoristes. Pas du tout! Il voulait seulement être plus qu’un prof qui enseigne devant sa classe. Il a nourri nos intérêts. Il s’est amusé avec nous à ouvrir nos horizons. Nous a montré plus qu’une conjugaison de verbe.
Chacun de nous a terminé son secondaire avec un gros plus dans sa boîte à outils de jeune humain en formation. Je suis certain que comme moi, tous les élèves de cette époque se souviennent de monsieur Marc-André. Assurément.
Depuis quelques années, j’enseigne aux interprètes de deuxième année de L’École nationale de l’humour. Pas grand-chose, un cours seulement. Je n’avais pas prévu d’ajouter cette flèche à mon arc de carrière. C’est Louise Richer, une autre femme qui fait la différence dans beaucoup de parcours académiques, qui m’a proposé d’enseigner. Je ne savais pas trop si c’était ma place. Et finalement, j’ai eu la piqûre! Une piqûre pas mal plus forte que je pensais.
Je suis devenu monsieur Alex. J’aime partager mon humble savoir et mon expérience de travail. À chaque début de session, je suis fébrile de rencontrer ma nouvelle cohorte de chats (je les appelle mes chats parce que j’ai un côté ben maternel). Comme monsieur Marc-André, j’espère contribuer un peu à ouvrir les horizons. Transmettre ma passion du métier.
Je n’ai pas du tout la prétention de dire que j’influence leur parcours d’humoriste. Vraiment pas! Je veux juste être plus qu’un prof qui enseigne sa matière. Je veux jeter de l’huile sur leur feu et que ça s’embrase solide! Je veux les aider à ouvrir de nouvelles cases dans leur cerveau de comique. Après, ça leur appartient d’en faire ce qu’ils veulent… ou pas.
Tout ça pour dire qu’à travers les légitimes revendications, je ne voudrais pas qu’on oublie, qu’à travers le Québec, il y a plein de monsieurs et de madames Marc-André qui font une énorme différence dans la tête et le cœur de plein de jeunes. Ne perdons pas cette précieuse ressource humaine!
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