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«Lorsque Pepper me tend les bras pour un câlin, je fige. Je ne sais pas comment réagir.»
En débarquant au Festival international de l’intelligence artificielle (IA), à Cannes, je ne savais pas à quoi m’attendre. Je ne me considère pas comme quelqu’un de particulièrement techno, je ne suis pas une geek ni une spécialiste de l’IA.
En me baladant dans les longues allées de l’exposition commerciale sur l’IA au Palais des festivals, à travers les démos de start-ups de partout dans le monde, les robots humanoïdes de toutes sortes et autres innovations étonnantes, je me suis carrément demandé ce que je faisais là.
L’ordinateur portable sous le bras, une carte des lieux dans les mains, je ne sais pas par où commencer. Il y a pourtant plus de 200 exposants autour de moi et tous ces entrepreneurs, experts, fous d’IA ne demandent pas mieux que d’informer une néophyte.
Lorsque j’aperçois Pepper, tout sourire, qui regarde dans ma direction, je décide d’aller à sa rencontre. Je m’arrête au kiosque d’United Robotics Group. C’est ma première rencontre avec un robot. Je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Malaise.
Le technicien à côté de Pepper m’accueille chaleureusement. En voyant mon badge d’identification, il affiche un air enthousiaste et déterminé. Il me demande si j’ai des questions. Le pauvre reçoit une moue en réponse: ce qui m’intéresse, ici, c’est Pepper – et surtout, entrer en communication avec Pepper.
Ce robot, l’un des plus vendus dans le monde, a été créé en 2015. Il est conçu pour accueillir la clientèle du milieu du tourisme. Utilisé dans les hôtels, les restaurants, les commerces, Pepper rend de petits services, salue et échange avec les êtres humains qu’il croise.
Lorsqu’il me tend les bras pour un câlin, je fige. Je ne sais pas comment réagir. Le technicien devient ma bouée de sauvetage. Il m’explique la démarche et je m’exécute nerveusement. Une journaliste européenne à mes côtés m’imite en riant.
Pendant trois jours, je rencontre une dizaine de robots. Leur dénominateur commun? Leur mission est d’aider l’humain, tantôt en accomplissant de petites tâches pratiques, tantôt en devenant un support émotionnel.
J’aime la polyvalence et la candeur de Mirokaï, un robot coloré fait par Enchanted Tools – mi-animal, mi-humain – monté sur roues, déployé en milieu hospitalier pour assister le personnel soignant.
Je suis fascinée par Buddy, fabriqué par Blue Frog, petit, mignon et expressif, qui interagit en classe à la place d’enfants malades forcés de rester à la maison, le contrôlant à distance.
Je guette les réactions de Sara, un robot qui ressemble comme deux gouttes d’eau à une vraie personne, pensée par Saudi Digital et Qss, souriante, douce, serviable, manucure et cheveux impeccables inclus.
Mais ce n’est pas parmi les robots, ni sous les drones, ni derrière un casque de réalité virtuelle, ni même devant les explications enflammées du fondateur de la dernière pousse techno que je m’emballe.
L’étincelle naît en écoutant les sommités internationales qui débattent dans le cadre du volet conférences du festival. Pendant ces trois jours, je cours frénétiquement d’une discussion à une autre, à la fois intriguée, ravie et terrifiée par ce que j’entends.
Comment les derniers modèles d’ordinateurs portables seront propulsés par l’IA?
Que goûte le vin élaboré entièrement avec les conseils de l’agent conversationnel ChatGPT, fait par deux jeunes vignerons?
Est-ce que l’IA deviendra un jour plus intelligente que l’humain? Sera-t-elle en mesure de reproduire des émotions?
Comment les innovations nées de l’IA peut sauver des écosystèmes, diminuer les files d’attentes aux urgences, aider les couples qui font face à des problèmes de fertilité, former de nouveaux médecins en améliorant leur relation avec les patients, donner des moyens d’électrifier des communautés en Afrique?
Pourquoi certains agents conversationnels, développés individuellement un peu partout dans le monde, peuvent déraper au point de pousser des gens dans les recoins sombres de leur existence, jusqu’au suicide?
Faut-il ralentir la recherche sur l’IA? Pourquoi?
Est-ce que l’IA menace des emplois? Lesquels?
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Ces questions – et des pistes de réponses – ont toutes été abordées dans le cadre du festival. Et d’une conférence à l’autre, à la fois fébrile et médusée, plus j’en apprends, moins je sais. Et plus je veux savoir.
Aucun chercheur n’a pu me confirmer quelle trajectoire l’IA allait prendre dans les cinq, dix, 20 prochaines années. Cet énoncé peut sembler déstabilisant mais il a le mérite d’être clair: l’IA est là pour rester.
Il faut s’y intéresser. Se pencher sur la question. Déchiffrer. Analyser. Réfléchir. Embarquer dans le train (haute vitesse).
Qui embarque?