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Pourquoi en sommes-nous rendus là? Pourquoi les logements sont-ils rendus à des prix qui ne suivent pas la capacité de payer d’un autre temps?
La crise du logement a une source théorique: le déséquilibre de l’offre et la demande. Une demande élevée dans un contexte d’offre insuffisante génère une flambée des prix. Aucune place à la négociation ni au compromis, car le taux d’inoccupation est trop faible.
Les médias sont très bons pour pondre des articles et des reportages rapides sur la situation précise d’une personne vivant dans la précarité. On filme des files d’attente devant un logement. On fait des vox pop. Rarement, on s’attarde à ce qu’il y a en amont ou en aval de la nouvelle. Pourquoi en sommes-nous rendus là? Pourquoi les logements sont-ils rendus à des prix qui ne suivent pas la capacité de payer d’un autre temps?
Le Québec est exposé à deux tendances démographiques qui en disent long sur l’offre locative au Québec.
1.1) La population augmente rapidement, comme le montre le bilan migratoire 2022:
1.1) Le nombre de personnes par logement suit une tendance à la baisse:
Selon les dernières données du Québec, on parlerait plus de 2,1 à 2,2 personnes par ménage en 2021.
Tout le monde peut faire la division, il manque statistiquement des dizaines de milliers de logements simplement pour soutenir la croissance de la population.
Même quand on construit des logements, on suit les règles des logiques et financières. Les constructeurs de condos ou d’immeubles locatifs veulent rentabiliser le dollar par pied carré. Ainsi, on voit des condos affichés à vendre sur Centris à moins de 400 000 $… mais parfois avec une superficie de moins de 550 pieds carrés. Dans certains projets, on voit même des unités entre 300 et 400 pieds carrés. En somme, on ouvre la porte, on observe une salle de bain à gauche puis une cuisine fusionnée avec un lit mural entre une tablette et un téléviseur. Voilà. On vit dans une pièce pour 330 000 $. Une chambre d’hôtel à soi. Tout cela plus frais de condos, assurances, taxes foncières et scolaires. À ce prix, on n’a pas encore chauffé, mangé ou texté. Pendant ce temps, à la mairie de Montréal, on veut des logements abordables, mais rien n’est gratuit. Qui peut louer à 1200 $ ou 1500 $ un condo exigeant des sorties mensuelles de 2000 $ ou 3000 $?
Il faut construire des logements abordables. D’accord, mais quand on construit, on a un 14,975% de plus à payer sur le prix exigé. Oui, mais il y a un remboursement partiel! Ah oui? Quelqu’un connaît-il les critères?
S’il y a bien un sujet sur lequel les deux paliers de gouvernement dorment solidement, c’est celui du remboursement de TPS et TVQ sur les habitations neuves. En 2023, il est presque impossible de vivre dans un secteur urbain où l’on peut encore toucher au remboursement sur une nouvelle construction.
Prenons un exemple de Rosemont à Montréal. Un projet de condos annoncé pour 2023: le Lomboi, dans un secteur embourgeoisé. La valeur des condos offerts?
On ne parle pas de maisons, on parle de condos.
Et quand on regarde le remboursement proposé sur les taxes de vente, on arrive quel montant?
Aussi bien dire que cette règle ne vaut plus la peine d’exister pour les logements et maisons neuves dans les municipalités ou villes où les valeurs marchandes et les coûts de construction sont élevés.
Le vieux tout croche est moins cher que le neuf tout beau. En immobilier, les écarts de valeurs sont là. On paye un vieux plex 700 000 $ pendant qu’un condo tout neuf sur un étage peut dépasser 1 000 000 $. Pourtant, le premier possède 100% d’un terrain, alors que le deuxième n’en a qu’une fraction en valeur marchande. Alors, quand on parle de logements, on se frotte à des contradictions du marché. Un vieux logement encore sur de l’électricité de 1946, des murs qui laissent deviner tous les faits et gestes des voisins, des salles de bains non ventilés et des fenêtres datant de la dernière élection de Jean Lesage est juxtaposé à un immeuble tout neuf ou rénové. Alors, quand on parle d’un logement abordable, on ne parle pas de son état ni de son époque d’origine. Bien des logements sont abordables parce que les prix reflètent leur condition. Il n’y a rien de gratuit, si on veut des logements abordables en bonnes conditions, il faut:
Mais tout ça, ça prend des impôts. Des revenus pour l’État. Ironiquement, un des domaines où la fraude fiscale est la plus répandue demeure le secteur de la construction. On estime que le gouvernement du Québec perd au moins 1,5 milliard $ par année de recettes fiscales juste avec la fraude fiscale du secteur de la construction. On veut des logements récents sous la valeur marchande? Une question demeure: qui va payer la note et quand?
On en a parlé souvent, à force de contrôler le prix des logements, de limiter les hausses, on a maintenu le prix moyen des logements sous un certain seuil. Par contre, l’effet pervers demeure le même : il n’y a aucun incitatif financier à rénover ou entretenir des logements. Pire, les règles du TAL créent un délaissement volontaire de l’entretien. Quand l’inflation dépasse 6%, mais que la hausse de loyer proposée est inférieure, on se demande où mène cette incohérence. Pas de rendement, pas d’investisseur. Tout est dans tout. On veut plus de logements locatifs, mais on ne veut ou ne peut pas payer le juste prix. Alors, on fabrique des condos à vendre et non à louer. Pourquoi ? Parce que pour posséder un chez-soi, un acheteur est prêt à payer davantage par mois, quitte à être perdant au net. Pourquoi ? Parce qu’il a l’impression que le capital ainsi épargné de force sera un actif à long terme. Avec cette réflexion, l’acheteur donne immédiatement au constructeur le rendement locatif des prochaines décennies.
Quand l’entreprise Airbnb est débarquée au Québec, les investisseurs immobiliers ont vu un filon simple pour transformer des logements résidentiels en logements générant une activité commerciale. Même que certains locataires louaient leur propre logement à profit à l’insu de leur propriétaire. On a enlevé des logements disponibles à la location à long terme du marché pour permettre à des individus d’entrer en concurrence déloyale avec les bâtiments hôteliers ou destinés à la clientèle touristique. Permettre à un locataire ou un propriétaire de louer de façon commerciale, même temporairement, un logement, c’est comme faire un doigt d’honneur aux principes fondamentaux du TAL. On ne peut pas voir un marché réglementé court-circuité par une application étrangère. Sincèrement, la location à court terme d’immeubles dédiés logiquement à la location à long terme est une aberration. Il ne faut plus laisser la location commerciale empiéter sur le besoin fondamental de se loger à long terme. Oui, il y a le droit à la propriété privée, mais il y a aussi le tissu social à maintenir.
La crise du logement actuelle n’est pas une crise d’adolescence, on ne peut pas juste attendre que ça passe et l’endurer.
En attendant, on peut toujours chanter du Plume:
«Chambre à louer, chambre à louer…
Mais des chambres y’en a icitte et là, mais pas pour moé… »