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«Mon burger goûtait amer et ce n’était pas à cause de ses ingrédients.»
N’importe qui de mon entourage pourrait vous le confirmer: je ne suis pas la personne la plus patiente sur Terre. Disons que dans le marathon de la patience de l’être humain, je ne serais pas dans le peloton de tête. Mais je ne serais pas le dernier non plus. Je serais parmi ceux qui ne gagneront jamais, mais qui regarderont les derniers passer la ligne d’arrivée. Ceci dit, je tiens à préciser que j’ai plein d’autres qualités qui font de moi une personne aussi attachante qu’un petit Panda.
Il faut savoir aussi que lorsque j’ai faim, je passe de «ça va, je peux patienter» à «tabarnak, y faut que je mange là!». Et il n’y a pas d’échelle de gradation entre les deux. Je passe d’un état à l’autre en trois secondes maximum. Je sais, je suis un vrai petit rayon de soleil.
C’est donc dans le deuxième état que je me suis présenté à la commande à l’auto de l’ours de la restauration rapide. Heureusement pour mon estomac et mon humeur, il n’y a qu’une seule voiture devant moi. Je passe donc rapidement ma commande au préposé enfermé dans le panneau du menu (je sais bien qu’il n’est pas dans le panneau, mais ça me fait toujours rire de penser que la personne est enfermée dedans quand on lui parle). Par la suite, j’avance ma voiture et je m’arrête derrière la voiture qui me précède et qui, elle, est arrêtée à la fenêtre des commandes à l’auto.
L’homme paie sa bouffe et attend qu’on lui apporte son sac de bon manger gras. Ça ne prend pas une éternité, mais dans ma tête oui, parce que je vous le rappelle, je suis en mode « je vais mourir de faim dans les minutes qui suivent». Le conducteur reçoit finalement son sac, mais revirement de situation, il ne quitte pas.
Je pousse un soupir. Plutôt que s’en aller, il ressort sa carte de paiement et la repasse sur la tite machine Interac que lui tend le gars habillé en orange. Double soupir. Je me dis: bon, sa carte n’a pas passé la première fois. Mes yeux se lèvent vers le ciel. Enfin! La transaction semble avoir fonctionné.
Mais le conducteur échange maintenant quelques mots avec le préposé à l’habillement de couleur «ours orange». Les deux rient de bon cœur. Triple soupir. Come on les garçons. Si tu veux jaser, rentre en dedans pis va manger ta bouffe au comptoir avec le proposé. Finalement, la voiture quitte lentement et je m’avance rapido presto vis-à-vis la fenêtre. Ma face de plomb contraste joliment avec le sourire du préposé.
Sans attendre, je lui tends ma carte Interac pour payer tout de suite et sauver deux secondes dans ma livraison. Et c’est là qu’il prononce la phrase que va me donner un coup de poing direct dans le cœur: c’est déjà payé! Le gars devant toi t’as vu dans son rétroviseur et comme tu le fais beaucoup rire, il t’offre ton dîner.
Instantanément, je me suis senti comme une marde. Et avec raison. J’ai eu à peine le temps de regarder à travers mon pare-brise pour voir le gars dans sa voiture, arrêtée un peu plus loin devant la mienne, me faire un beau sourire, un beu-bye de la main et quitter. L’univers de la vie des chakras du karma de l’aura de la bienveillance m’a donné un bon coup de pied dans le péteux.
Mon burger goûtait amer et ce n’était pas à cause de ses ingrédients. Je regrettais chacun de mes soupirs et chacun de mes yeux levés au ciel. Mon impatience avait fait de moi une personne pas très gentille. J’aurais voulu sortir de ma voiture et courir vers la sienne, au milieu du boulevard, cogner à sa fenêtre et lui crier : JE M’EXCUSE! JE M’EXCUSE TELLEMENT! JE SUIS UNE GROSSE MARDE!
Assurément, il n’aurait rien compris. Il aurait probablement regretté d’avoir offert le dîner à une personne totalement dysfonctionnelle, mais moi j’aurais mieux dormi cette nuit-là.
J’ai appris une bonne leçon sur la patience. Je vous jure que je vais y repenser avant de tomber en mode « rage de bouffe ». Ou simplement, manger plus régulièrement.
Si jamais tu lis ce texte, gentil garçon au service au volant de l’ours orange, je te dis un gros merci. Sincèrement.