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Nous avons cette fâcheuse tendance à oublier que derrière toutes ces batailles de chiffres et de seuils, il y a des personnes avec des histoires, des expériences et un vécu comme Fritznel Richard.
La mort de Fritznel Richard nous rappelle la dure et triste réalité des migrants qui désertent leur terre d’origine dans la quête d’une vie meilleure, ailleurs. En effet, le corps de Richard a été découvert il y a quelques jours à peine. On comprendra qu’il essayait de rejoindre sa famille aux États-Unis en passant par le chemin Roxham à Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec. L’homme de 44 ans serait décédé d’hypothermie.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit. Il y a un an, soit en janvier 2022, les corps de quatre membres d’une famille indienne ont été découverts dans des circonstances similaires, cette fois-ci, au Manitoba. Ils essayaient eux aussi de se rendre aux États-Unis.
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J’éprouve souvent un profond malaise lorsque j’entends parler d’(im) migration que ce soit à la télévision, à la radio ou dans les journaux. On parle beaucoup de pénurie de main-d’œuvre, du vieillissement de la population ainsi que de dénatalité au Québec. L’immigration est souvent présentée comme une solution à ces maux qui affligent (et continueront d’affliger) notre économie. D’autres fois, nous parlons de ces individus comme des indésirables qui représenteraient une soi-disant menace aux «valeurs et à la culture d’ici».
Ce n’est pas sans rappeler les propos de l’ancien ministre de l’Immigration, Jean Boulet, qui avaient fait bondir en pleine campagne électorale à l’automne dernier : « 80 % des immigrants ne travaillent pas, ne parlent pas français, ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise ». Des propos qui lui ont coûté ce ministère devant le tollé que cela avait suscité, et ce, malgré les excuses offertes. François Legault, qui avait, quant à lui, affirmé qu’il serait « suicidaire pour la nation québécoise » d’accueillir au-delà de 50 000 immigrants par année. Des propos qui, entre-vous et moi, rappellent franchement « la théorie du grand remplacement » qui fait des ravages en France en matière de cohésion sociale.
Pourtant, des exemples d’hommes et de femmes qui réussissent à s’intégrer au Québec et au Canada ne manquent pas.
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Cela fait de nombreuses années que des groupes de défense de droits des personnes (im) migrantes critiquent l’Entente sur les tiers pays sûrs, dont le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou encore le Conseil canadien pour les réfugiés. Plusieurs plaident pour qu’elle soit carrément suspendue.
Cette entente a été signée en 2002 entre l’ex-premier ministre du Canada, Jean Chrétien et l’ancien Président des États-Unis, George W. Bush. Elle visait à permettre au Canada et aux États-Unis de gérer le flux migratoire sur leurs territoires respectifs. Plus concrètement, cela signifie que lorsqu’une personne demande l’asile, elle se doit de présenter sa demande au « premier pays sûr » par lequel elle est arrivée, soit le Canada ou les États-Unis. C’est l’une des raisons pour lesquelles plusieurs migrants passent par le chemin Roxham, et ce, afin de contourner cette Entente pour pouvoir demander l’asile en sol canadien.
En juillet 2020, la Cour fédérale avait statué que cette entente viole la Charte canadienne des droits et libertés avant de l’infirmer en 2022 en appel. Ainsi, les batailles juridiques sont toujours en cours concernant cette entente ; la Cour suprême aura le dernier mot et devrait rendre sa décision bientôt à cet égard.
Je ne suis pas contre le fait de débattre de ces enjeux de société d’importance. Or, vaut mieux le faire avec sensibilité et responsabilité. Nous avons cette fâcheuse tendance à oublier que derrière toutes ces batailles de chiffres et de seuils, il y a des personnes avec des histoires, des expériences et un vécu comme Monsieur Richard. Des individus que l’on tend, insidieusement et malheureusement, à réifier et à déshumaniser.