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Vieux réflexe de comparaison oblige, plusieurs personnes au Canada veulent se « rassurer » en affirmant qu’une telle chose risque de ne jamais se produire chez nous. Croire cela relève d’une certaine naïveté. L’accès à l’avortement est menacé, même ici.
Il y a quelque chose d’ironique et de symptomatique de notre époque lorsque l’on apprend que des droits fondamentaux sont mis à mal le même soir que le Met Gala.
Lundi soir, on apprenait par le média américain Politico que l’arrêté historique Roe v. Wade, qui concerne le droit à l’avortement chez nos voisins du Sud était fortement menacé.
Une fuite d’un document provisoire rédigé par un juge conservateur de la Cour suprême des États-Unis laisse présager que le plus haut tribunal du pays cherchera à infirmer ce jugement historique datant de 1973, et ce, dans un avenir très rapproché. La nomination de plusieurs juges conservateurs à la Cour suprême par l’ancien président Donald Trump pavait tranquillement, mais sûrement, la voie vers ce désastre.
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Vieux réflexe de comparaison oblige, plusieurs personnes au Canada veulent se « rassurer » en affirmant qu’une telle chose risque de ne jamais se produire chez nous. Croire cela relève d’une certaine naïveté. L’accès à l’avortement est menacé, même ici.
Rapidement, les réactions n’ont pas tardé à fuser, autant aux paliers provincial que fédéral. Le Parti conservateur du Canada, qui est en plein dans une course à la chefferie, a donné comme directive à ses députés de taire le fond de leur pensée sur cet enjeu. Cela est tout sauf rassurant. Ce silence que l’on cherche à imposer parle de lui-même.
Rappelons que pendant la campagne électorale fédérale de 2019, la question de l’avortement s’était réintroduite dans les débats. Elle avait fait perdre de nombreux appuis à Andrew Sheer au Québec, à l’époque. Mardi, une motion du Bloc québécois qui insiste sur la liberté des femmes de choisir a été défaite, faute d’avoir l’unanimité de l’ensemble des députés, en particulier en raison de la dissidence de certains conservateurs.
Le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré que les candidats antiavortements n'avaient pas leur place sur la scène politique provinciale. Pourtant, en février dernier, le média URBANIA avait révélé que deux députés de la Coalition Avenir Québec (CAQ) avaient financé des centres antiavortement, et ce, peut-être sans le savoir. De leur côté, Dominque Anglade (Parti libéral du Québec) et Gabriel Nadeau-Dubois (Québec solidaire) ont déclaré que nous ne sommes pas à l’abri de dérapages comme ceux que nous voyons aux États-Unis.
Ainsi, ce ressac, aux ramifications plus complexes qu’on ne pourrait l’imaginer, ne s’arrêtera pas forcément aux frontières des États-Unis.
Sans grande surprise, ce sont les personnes les plus marginalisées qui payeront le prix le plus fort d’un accès diminué à l’avortement. Cela comprend les femmes noires, racisées et immigrantes, les personnes issues des communautés LGBTQ+, en situation de pauvreté ou vivant en région éloignée des centres urbains. Notamment, en Colombie-Britannique, on répertoriait en 2019 qu’une seule clinique de services d’avortement en milieu rural, selon une étude d’Action Canada for Sexual Health and Rights. Cet accès demeure donc toujours inégal au pays.
Le mouvement antiavortement est une réalité au Canada et nous devrions nous en méfier. Penser qu’interdire les avortements les fera cesser est une bévue. Plutôt, les femmes se feront avorter de manière clandestine et de façon non sécuritaire avec toutes les conséquences désastreuses que cela implique.
Ce ressac prévisible — de nombreuses militantes sonnaient l’alarme à cet égard depuis longtemps — nous rappelle tristement les célèbres mots de Simone de Beauvoir nous appelant à demeurer vigilants toute notre vie durant, car il ne faudrait qu’une crise pour que des droits considérés « acquis » soient mis en périls.
À l’heure actuelle, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, songe à légiférer pour éviter des reculs en la matière. Certes, mais le fait que cette question revienne aussi souvent dans l’actualité récente donne vraiment froid dans le dos. Il faudrait faire en sorte que le combat des Chantal Daigle ou encore des docteurs Morgentaler de ce monde, figures importantes du droit à l’avortement ici, soit consolidé pour qu’il ne soit pas vain.