Début du contenu principal.
Il y a des tendances que je ne comprends pas.
Il y a des tendances que je ne comprends pas. De nouvelles façons de faire que je ne m’explique pas et qui n’ont pas de logique, du moins pour moi. Par exemple, cette très irritante mode de jaser au cellulaire en mode mains libres dans un lieu public.
En résumé la personne qui tient le cellulaire discute avec une autre personne dont on entend la voix à travers le cellulaire pour être bien certain qu’on ne perde pas un mot de cet échange qu’on n’a pas demandé à entendre.
C’est quoi au juste tout ça? Une nouvelle forme d’exhibitionnisme? Je, me, moi se livre en toute ouverture. Pas de censure, je n’ai rien à cacher. Je t’invite dans ma bulle même si ça ne te tente pas. Mes conversations sont plus hots que les tiennes. Gna-gna-gna !
Certains prétendent que c’est la même chose que lorsque deux personnes sont ensemble et qu’elles jasent dans une allée d’un commerce. Euh, non. Pas vraiment. La grosse différence, c’est qu’il y a une personne qui est dans le cellulaire avec une voix de robot. Je sais bien qu’elle n’est pas physiquement dans le cellulaire, mais vous comprenez ce que je veux dire.
Et comme si ce n’est pas assez d’entendre la conversation, généralement, les deux personnes parlent plus fort que la normale pour être bien sûres d’être comprises l’une de l’autre parce que la technologie vocale a ses limites. Ou peut-être que c’est le cellulaire lui-même qui n’est pas plus à l’aise que nous de vivre ça et qui tente de couper la conversation en simulant un bris technique.
Bref, tous les éléments sont rassemblés pour me faire pousser de gros soupirs d’impatience et serrer fort un emballage de papier essuie-tout sur l’étagère pour calmer ma frustration.
Pour moi, même si ce sont souvent des conversations banales, ce sont des moments intimes de votre vie que je n’ai pas à entendre. Mais je n’ai pas le choix de les subir puisque j’attends mes dix tranches de jambon cuit que le petit commis me coupe avec amour au comptoir de la charcuterie pendant que toi, tu te sélectionnes un morceau de brie dans la section fromage semi-luxueux.
Je suis prisonnier de ton moment de vie.
Entendre votre discussion, ça me fait un peu le même effet que si tu te promènes nu dans une allée d’une quincaillerie, c’est trop de détails dans le mauvais contexte.
Anecdote de vie, vécue pas plus tard qu’hier à la pharmacie. Je suis dans la rangée anti-sudorifique. Je cherche celui que j’aime et qui me protège au maximum tout en laissant mes aisselles douces comme les poils d’un bébé chat.
Steeve (oui, je sais son prénom puisque sa blonde dans le cellulaire l’a prononcé autour de 26 fois durant leur conversation) arrive et se place dos à moi dans la section: crème à raser.
EXTRAITS :
STEEVE: Ce serait plus facile si ta mère pis ton père venaient souper à la maison comme ça les enfants pourraient jouer dans cave pendant qu’on soupe.
FILLE: Steeve! C’est la fête de ma mère. C’est sûr qu’a va vouloir aller manger au restaurant.
STEEVE: Ça ne me tente pas. A mange de rien. Pis les enfants trouvent ça long au restaurant.
FILLE : Oui, mais c’est sa fête, c’est pour lui faire plaisir.
STEEVE : On va avoir du plaisir chez nous pareil. Ça ne me tente pas d’aller au resto, c’est moins compliqué chez nous.
FILLE : Steeve, come on ! Pour une fois, ça ne te fera pas mourir.
STEEVE : Non ! Au pire, on commande de la bouffe pis un gâteau.
Je n’ai pas pu avoir le fin mot de cette palpitante discussion puisque, Dieu merci, Steeve est parti avec sa canette de mousse à raser. Mais je sais maintenant que quelque part dans la ville, il y a une belle-mère qui va avoir son souper de fête à la maison parce que son beau-fils ne veut pas aller au restaurant parce qu’elle ne mange de rien et que c’est moins compliquer avec les enfants.
Et si cette dame est chanceuse, Steeve aura commandé de la bonne bouffe et un gâteau à l’épicerie. Mais ça ne change rien puisqu’elle est difficile. Bonne fête, madame.
Alors, de grâce, pour nos santés mentales, ne parlons plus en mode mains libres sur nos cellulaires dans les lieux publics. Reste dans ton char et termine ta conversation avant d’aller acheter le sac de moulée de ton chien au magasin.
La vie est trop courte pour tout ça.
Pour recevoir toutes les chroniques d'Alex Perron, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.