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«Là où l’on est dans une situation intenable, c’est au niveau des demandeurs d’asile.»
Nous sommes en fin de session à Québec et le gouvernement semble avoir retrouvé un certain calme après la chute vertigineuse dans les sondages de 2023.
Moins de médias pour le premier ministre, plus d’annonces de ses ministres et des messages cohérents de la part des principaux joueurs de l’équipe gouvernementale, ce sont, à mes yeux, les principaux ingrédients de cette session, la mieux «réussie» du deuxième mandat, pour le gouvernement. Un autre ingrédient est sûrement venu jouer dans les intentions de vote de la population et c’est le fameux dossier de l’immigration.
Dans ce dossier qui a souvent été une «pelure de banane» pour le gouvernement caquiste, la nomination de Christine Fréchette en 2022 a représenté le début d’un virage dans le discours qui est devenu plus factuel qu’émotif ou identitaire. Depuis quelques mois, on a d’ailleurs affiné le discours gouvernemental en ciblant avec plus de précision l’immigration temporaire et la responsabilité d’Ottawa comme enjeu «responsable» de plusieurs maux de notre société.
Déclin du français, places en garderie, manque de professeurs et de place dans les écoles, crise du logement et itinérance ne sont que quelques exemples de dossiers dans lesquels le gouvernement a placé «les demandeurs d’asile» et «l’immigration temporaire» comme facteur aggravant. Je vous avoue que c’est un argument qui me dérange profondément, car il peut ouvrir la porte à de nombreux amalgames et même, aux yeux de certains, justifier un discours anti-immigration. Cependant, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et nier les faits.
Les faits sont les suivants: il y avait, fin 2023, 177 000 demandeurs d’asile sur le territoire Québécois, 124 000 étudiants internationaux et 234 000 travailleurs temporaires. Dans les deux dernières catégories, travailleurs et étudiants, ces immigrants temporaires nécessitent, en principe, peu de services de l’État puisqu’ils viennent rarement avec leur famille et qu’ils travaillent ou doivent démontrer leur capacité à subvenir à tous leurs besoins. Il faut aussi se rappeler qu’il y a des entreprises et des institutions d’enseignement qui ont besoin de ces derniers pour leur fonctionnement et même, dans certains cas, qui en dépendent.
Là où l’on est dans une situation intenable, c’est au niveau des demandeurs d’asile. Ces gens qui viennent ici dans l’espoir de rester en vie ou d’améliorer leur vie arrivent aux frontières et le Canada est tenu de les accueillir, en vertu des conventions internationales que le pays a signées.
Ce sont des gens qui viennent ici avec leurs familles, souvent sans parler la langue et dans des conditions très difficiles. Une fois ici, ils ont besoin de francisation, de logement, de permis de travail et de scolarisation, et ce, avec des moyens limités. J’ai été moi-même demandeur d’asile ici en 1995 et je sais à quel point, le processus est long, compliqué et représente un sacrifice énorme pour les familles.
Vous comprendrez donc que ces gens ne sont pas coupables de nos problèmes. Ils sont plutôt victimes du manque de clarté de nos processus, de délais interminables et surtout, de réseaux qui font la promotion du Canada comme terre d’asile dans un but mercantile.
La situation que je vous décris n’est un secret pour personne et l’inaction du gouvernement fédéral est inexplicable. Étant donné qu’il est le seul à avoir le contrôle des frontières, il est le seul à pouvoir modifier les règles afin de limiter le flux de demandeurs d’asile vers le Canada.
Que ce soit avec l’imposition de visas pour les voyageurs en provenance des pays d’où viennent principalement les demandeurs actuels ou en dénonçant les réseaux de « passeurs » dans les pays où ils sévissent, notre gouvernement a la responsabilité d’agir de façon urgente.
Non pas parce que l’on ne veuille pas aider ces gens, mais simplement parce qu’en ce moment, en les laissant venir ici sans avoir la capacité d’accueil nécessaire, on les condamne à vivre sans dignité, dans la pauvreté et sans véritable perspective d’avenir, tout le contraire de ce qu’ils viennent construire.
Limiter l’arrivée est une urgence, mais prendre en charge les coûts est une obligation. En effet, les demandeurs d’asile sont la responsabilité du fédéral et les coûts engendrés par leur arrivée massive doivent être pris entièrement en charge par le gouvernement fédéral. Il ne devrait pas y avoir de négociation ou de discussions autres que de s’entendre sur les coûts admissibles et de faire les chèques.
En ralentissant le processus de compensation avec les provinces notamment avec le Québec, le fédéral favorise la rhétorique selon laquelle les demandeurs d’asile sont responsables de certains de nos enjeux sociaux et de la pénurie dans certains services.
Dans une entrevue à la chaîne parlementaire CPAC, le ministre Marc Miller a parlé d’une proposition que fera le fédéral. Ça peut sembler positif, mais il a aussi dénoncé le « théâtre politique » de certains élus québécois. Difficile de croire que l’on va s’entendre avec ce type de déclaration aussi arrogante qu’inutile.
François Legault et Justin Trudeau se rencontreront lundi pour faire le point sur les discussions et pour tenter de s’entendre sur les solutions. J’espère sincèrement que monsieur Trudeau se présentera à Québec avec des mesures concrètes et un chèque raisonnable, car le Québec a raison sur la question des demandeurs d’asile. Il n’y a rien de théâtral à exiger que le gouvernement fédéral paye pour sa politique aux frontières. Si ce n’est pas le cas et qu’Ottawa fait la sourde oreille, les deux seront perdants.
Il y aurait alors un gagnant et un seul: Paul St-Pierre Plamondon qui dénoncera le fait que l’approche autonomiste de François Legault ne fonctionne pas et qui répétera que le Canada n’en a rien à faire des préoccupations du Québec.