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Et même si médecins, infirmières et autres spécialistes tirent sur la sonnette d’alarme depuis des semaines, même si la santé publique nous recommande le port du masque dans les endroits publics, on en fait qu’à notre tête, moi la première.
Rarement, les urgences pédiatriques n’ont subi plus grand assaut que ces dernières semaines. Ça déborde de partout. Des petits bébés et de jeunes enfants doivent être hospitalisés à cause des virus respiratoires qui circulent, surtout le VRS. Certains sont même intubés tant ils sont en grande détresse respiratoire.
Et même si médecins, infirmières et autres spécialistes tirent sur la sonnette d’alarme depuis des semaines, même si la santé publique nous recommande le port du masque dans les endroits publics, on en fait qu’à notre tête, moi la première.
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La fin de semaine passée, c’était le Salon du livre de Montréal. Des milliers de visiteurs se sont entassés au Palais des congrès. Beaucoup sont venus en transport en commun. J’en suis. C’est un euphémisme de dire que la distanciation sociale n’était pas respectée. Littéralement, des madames, des monsieurs et des enfants m’ont respiré à deux pouces de la face tout le week-end. Est-ce que la pensée de porter le masque de procédure qui dormait dans ma poche de manteau m’a effleuré l’esprit ? Oui. Est-ce que je l’ai sorti de ladite poche ? Non.
Pourtant, je le sais pertinemment que le masque est un geste barrière efficace non seulement contre la COVID, mais contre plusieurs autres virus respiratoires. Rendu là, on le sait que le masque, c’est bon pour nous. Je crois à la science et en ce que me disent les médecins et la santé publique. Je trouve ça épouvantable, aussi, qu’autant d’enfants s’entassent dans nos urgences. Mais je ne l’ai pas porté pareil.
Comment ça se fait ? Qu’est-ce qui explique qu’une personne comme moi, c’est-à-dire qui s’est pliée à toutes les consignes depuis le début, ne porte pas son masque à l’épicerie ou dans les transports en commun ? Et je ne suis pas la seule.
Si j’ai vu 20 personnes porter un couvre-visage au Salon du livre, c’est beau. Peut-être que c’est une partie de l’explication ? Le fait de ne pas en voir beaucoup nous expose peut-être, dans notre tête, au jugement. On se dit : «vais-je avoir l’air ben trop intense si je sors mon masque ?». Je pense que c’est une partie de l’explication, mais c’est plus compliqué que ça.
J’ai fait plusieurs entrevues radio avec Kim Lavoie, une chercheuse qui fait partie de l’étude Icare, une recherche mondiale en science comportementale médicale où on évalue les comportements depuis le début de la pandémie. L’une des conclusions, à ce stade-ci, c’est que l’essoufflement par rapport aux mesures sanitaires tire son origine entre autres dans le fait qu’on n’a pas assez démontré à la population que nos efforts n’ont pas été vains.
Cette « fatigue pandémique » s’explique aussi par le fait qu’avec la venue de toutes ces infections respiratoires, les gens ont l’impression d’un retour en arrière. On pense que tous les sacrifices faits n’ont pas été utiles, alors que c’est archi faux. Il y a beaucoup de frustrations, donc, ce qui mène à une moins bonne adhésion aux mesures.
Avec cette fatigue psychologique qui s’est installée, on est de moins « bons soldats » qu’avant. Si on combine ça à la perception que plusieurs décisions gouvernementales étaient incohérentes et contradictoires, on a la recette parfaite pour un laisser-aller généralisé.
Mais une des choses que j’entends beaucoup, c’est que les gens sont écœurés de se priver à cause des manquements dans la gestion de notre système de santé. Ils sont sur l’impression que si ce n’était pas la crise dans les urgences, on n’irait pas vers un retour des mesures sanitaires.
Il faut aussi parler de la mentalité «pas dans ma cour». Je plaide coupable. Des fois je me dis que je suis tellement vaccinée, que je ne serai pas malade, ou si peu. Je pense qu’on est une bonne gang à oublier que le masque, on doit surtout le porter pour protéger les personnes vulnérables.
C’est vraiment déprimant, je sais, mais on arrive au moment où il serait plus que judicieux de garrocher une boîte de masques dans nos bas de Noël. Même si ça ne nous tente pas. Même si ça nous semble la pire affaire. Pensons aux travailleurs de la santé et aux petits bébés qui décèdent à cause du VRS. Arrêtons de penser juste à notre nombril. Moi la première.
Pour me raconter une histoire ou si vous voulez témoigner de quelque chose qui vous tient à cœur, écrivez-moi un courriel: genevieve.pettersen@bellmedia.ca