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«Cette omniprésence de l’alcool, sa banalisation dans l’espace public, m’a amenée à penser que ce produit était "bon pour moi", que c’était un liant social, un incontournable. Ça ne vous rappelle pas un autre produit?»
Le Québec est à feu et à sang (j’exagère à peine) depuis qu’un nouveau rapport sur la consommation d’alcool vient de rendre caduc tout ce qu’on prenait pour acquis par rapport à nos petits verres hebdomadaires.
Exit les recommandations d’Éduc Alcool. On nous dit carrément que boire, même en petites quantités, cause des dommages importants à notre santé. L’OMS considère même désormais l’alcool comme un cancérigène du groupe 1, au même titre que le tabac ou l’amiante.
Je vous jure, quand j’ai lu tout ça, je suis tombée en bas de ma chaise. En plus, je venais de me taper le documentaire d’Hugo Meunier, Péter la balloune, qui explore notre rapport à l’alcool et qui met en lumière le lien quasi inexistant entre la SAQ et la santé publique.
Vraiment, je les ai vécues, les étapes du deuil. Premièrement, le choc. Et après, le déni. J’ai passé mon après-midi à me dire que je n’allais pas céder devant les conclusions du rapport. Il était sûrement fait par des curés de la santé, les mêmes qui nous disent depuis quelques semaines que le poêle au gaz, ce n’est pas bon pour nous. C’étaient des conclusions excessives. C’est ça que je me disais. S’en est suivi les classiques «on a juste une vie à vivre» et «le risque zéro n’existe pas».
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Ne pas boire d’alcool relève dans mon cas de l’utopie. Je le sais très bien. J’ai déjà essayé, et j’y ai vu plusieurs bénéfices sur ma santé mentale et physique. Mais j’ai recommencé à boire des mois plus tard parce que je suis une passionnée de vin et que j’aime fondamentalement toute la culture qui s’y rattache.
Le rapport m’a néanmoins fait réfléchir, ou plutôt m’a permis de poursuivre une réflexion entamée depuis quelques années, déjà. Pourquoi pensais-je que je suis incapable de me passer d’alcool ? Est-ce que c’est parce qu’on me vend mon verre de vin depuis des années comme étant une rampe de lancement vers la détente et les moments partagés entre amis-es ? Est-ce parce que l’alcool est intimement lié à la gastronomie, une autre de mes passions ? Est-ce que c’est parce qu’on boit de l’alcool sur les plateaux de télé et que la société d’État m’offre une carte de points comme si la SAQ était un commerce comme les autres ? Probablement toutes ces réponses.
Cette omniprésence de l’alcool, sa banalisation dans l’espace public, m’a amenée à penser que ce produit était «bon pour moi», que c’était un liant social, un incontournable. Ça ne vous rappelle pas un autre produit? Genre la cigarette?
Il n’y a pas si longtemps, la cigarette était associée à un mode de vie cool. Les plus grandes vedettes d’Hollywood étaient rémunérées pour ne fumer qu’une marque de cigarette. On répétait aux femmes que, si elles voulaient rester minces, la cigarette était leur meilleur allié. Les compagnies de tabac ont multiplié les campagnes publicitaires et ont englouti des millions de dollars pour mener à bien des études, dont les conclusions étaient favorables à leurs produits.
Ç’a pris des années avant que le monde catche que la cigarette, c’était un poison.
On n’aurait pas pu s’imaginer une vie sans fumer. Et pourtant, aujourd’hui, au Québec, je pense qu’il y a davantage de non-fumeurs que de fumeurs. Est-ce que c’est la même affaire qui est en train de se passer avec l’alcool ? On nous a révélé qu’il est lié à 7 sortes de cancer, à la démence précoce, à une pléiade de problèmes de santé mentale, et j’en passe.
J’aurais aimé ça, moi, savoir ça avant. J’ai vraiment l’impression que l’industrie m’a manipulée, qu’on m’a caché des effets néfastes au profit de supposés avantages. On a joué avec la vérité pour me faire avaler, jour après jour, une substance qui est pas mal plus nocive pour moi que je pensais.
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Oh, comme bien des gens, je savais confusément que boire de l’alcool, ce n’était pas comme boire un jus vert. Mais je pensais qu’à petite dose, c’était bien correct, même pour ma santé cardio-vasculaire. On m’a répété ad nauseam qu’un demi-verre de vin rouge par jour, c’était super bon pour ma santé. J’ai cru ça. Comme pas mal de gens. Et comme bien des gens, j’ai pensé que d’exagérer un brin la fin de semaine, ce n’était pas plus grave que ça.
Je trouve ça triste et c’est vraiment un deuil pour moi de réaliser que je dois changer mes habitudes face à l’alcool. Je ne dis pas que je ne boirai plus. Non. Mais au moins, je vais boire de façon plus consciente. On parle beaucoup de consentement éclairé. Et c’est ça qui me fâche le plus, avec ce qu’on vient d’apprendre. On n’avait pas les connaissances nécessaires pour savoir vraiment ce qu’on faisait, pour réaliser pleinement ce à quoi on disait oui. On nous a trompés.
La prochaine étape, c’est la réaction du gouvernement. J’ai bien hâte de voir ce qu’ils vont faire avec cette patate chaude là. La SAQ est gérée par le ministère des Finances et le documentaire d’Hugo Meunier nous apprend que les bénéfices générés par la société d’État sont inférieurs aux coûts liés à la consommation d’alcool. La SAQ n’est donc pas la vache à lait que l’on pense. Loin de là.
Et il y a toute la question de la santé publique. Comment peut-on faire la promotion d’un produit qui est néfaste pour la population ? Ce n’est pas un débat nouveau. On a le même questionnement avec Loto-Québec et avec la SQDC. Je sais bien que, si on a étatisé ces secteurs, c’est pour contrôler la vente de produits illicites et couper l’herbe sous le pied du crime organisé. Mais l’alcool, le jeu et le cannabis ne sont pas des produits comme les autres. Est-ce que le gouvernement pourrait arrêter d’en faire la promotion ? Il faut changer le discours marketing sur l’alcool et la SAQ. Il faut se questionner sur la pertinence de voir autant d’alcool dans l’espace public. Et ce ne devrait qu’être un point de départ.
Est-ce le ministre des Finances et de la Santé, Éric Girard et Christian Dubé, vont faire preuve d’assez de volonté, de courage et de transparence pour changer de cap ? Ou nous feront-ils encore avaler n’importe quoi ? Pour l’instant, ils ne répondent pas fort aux questions.
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