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Des mots qui auraient été prononcés à l’endroit d’une fille de 15 ans par une personne-cadre de l’école secondaire Veilleux. Une phrase faisant référence à la poitrine de Camille, qui ne portait pas de soutien-gorge en classe ce jour-là.
Des mots qui auraient été prononcés à l’endroit d’une jeune fille de 15 ans, en Beauce, en 2023, par une personne-cadre de l’école secondaire Veilleux. Une phrase faisant référence à la poitrine de Camille (nom fictif), qui ne portait pas de soutien-gorge en classe ce jour-là.
Remontons un peu le temps. Pas beaucoup. Cette histoire se déroule le 12 avril dernier. Camille se rend à l’école vêtue d’un pantalon de jogging gris et d’un t-shirt noir. Sa mère me confie que, depuis quelques semaines, sa fille trouve ça difficile. C’est que Camille a dû cesser la médication qu’elle prend depuis maintenant quelques années pour l’aider à mieux vivre avec un TDAH. Elle est devenue très anxieuse, fait des crises de panique. La jeune fille vit une période de transition difficile, doit s’adapter à la vie sans médication et, nécessairement, cela a des répercussions sur son comportement en classe.
Voyez son passage au bulletin Noovo Le Fil 17 dans la vidéo qui accompagne ce texte.
Je vous raconte ça parce que ce jour-là, Camille s’est fait mettre dehors de son cours de français. Elle est arrivée en retard, la prof l’a réprimandée et Camille a été impolie. Elle a employé des mots d’église. À cause de ça, la prof l’a envoyée au local de retenue, le local Transit. On lui a aussi saisi son téléphone en guise de représailles. Jusque-là, des conneries d’ado «normales» et des conséquences tout à fait adéquates.
C’est dans le fameux local Transit que les choses auraient commencé à se gâter. Une employée discute avec Camille de l’incident en français. Dans la foulée de cette conversation, elle lui aurait demandé si elle portait une brassière. «Non.» Elle lui aurait alors posé la question suivante: «Te sens-tu à l’aise?». Ce à quoi Camille aurait répondu qu’elle assumait complètement le fait de ne pas porter de soutien-gorge. L’employée aurait alors répliqué que cela pouvait mettre mal à l’aise certains enseignants et membres du personnel.
Au téléphone, en compagnie de sa mère, la jeune fille me raconte ce qui se serait passé ce 12 avril. Elle me confie s’être sentie déstabilisée par cette première intervention, mais n’en avoir pas fait de cas sur le coup. Elle me raconte être allée dîner. Mais le sentiment de malaise continuait de monter. «J’ai commencé à faire de l’anxiété et je voulais retourner chez nous.» Après le repas, Camille serait donc retournée au local Transit pour demander qu’on lui redonne son cellulaire.
Toujours selon le témoignage de Camille et à sa grande surprise, une personne-cadre de l’école secondaire Veilleux était présente dans le local. La jeune fille aurait alors expliqué qu’elle désirait rentrer chez elle. L’employée se serait alors inquiétée que la résidence familiale soit à 15 minutes de route de l’école, et aurait demandé à la jeune fille comment elle comptait rentrer, ce à quoi la personne-cadre aurait rétorqué, selon Camille: «elle aura juste à se flasher les boules».
Si je comprends bien, ce qui aurait été suggéré ici, c’est que la jeune fille fasse du pouce les seins à l’air afin de rentrer chez elle. C’est ce que Camille aurait compris, en tout cas. Je lui ai demandé comment elle s’était sentie, à ce moment-là. «J’étais sous le choc, sur le coup je n’étais pas capable de réagir. J’ai ri de malaise. Mon dieu, j’étais tellement mal.»
Juste pour le fun, j’ai demandé à voir le code vestimentaire de l’école secondaire Veilleux. Il y est stipulé que l’élève doit être habillé proprement et convenablement. Le port de tout vêtement inapproprié est interdit (ex. camisole à bretelles fines, short et mini-jupe. Vêtement décolleté ou transparent, gilet bedaine, t-shirt et chandail à caractère violent ou provocateur). On précise que la direction et le personnel se réservent le droit de juger des cas particuliers là où il y a exagération.
J’imagine que Camille devait être un cas bien particulier ce matin-là, avec son t-shirt noir et son pantalon gris d’une «indécence grave».
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Sauf que l’incident ne s’arrête pas là. En arrivant à la maison, Camille a rapporté les événements à sa mère, qui n’a fait ni une ni deux et a contacté l’école. Selon la mère, la personne-cadre n’aurait pas nié avoir tenu ces propos. Les parents de Camille ont donc déposé, le 18 avril, une plainte au Centre de services scolaire de la Beauce-Etchemin. Le Centre de services confirme par ailleurs avoir bel et bien reçu la plainte en question.
Dans celle-ci, les parents de Camille précisent que les propos tenus par certains membres du personnel de l’école secondaire Veilleux «sont absolument dégradants, irrespectueux et sont empreints d’un manque de jugement des plus total». La mère et le père de Camille expliquent ensuite qu’ils ne peuvent concevoir que des personnes avec des postes aussi importants dans l’éducation des enfants puissent utiliser un langage aussi vulgaire et offensant.
Quand je dis que l’incident ne s’arrête pas là, c’est que la personne-cadre aurait, selon Camille et sa mère, tenté, lors d’une rencontre organisée à la suite de l’incident au local Transit, de minimiser ses paroles envers l’étudiante en prétextant que c’était une blague. Camille me raconte s’être fait dire qu’elle aurait tenu ces propos «pour tester sa capacité à encaisser les commentaires désobligeants en lien avec sa façon de se vêtir».
Oui, la personne-cadre se serait excusée de sa maladresse lors de cette fameuse rencontre. Une rencontre qui se tenait, je le précise, en présence de l’employée présente le 12 avril au local Transit. Mais la personne-cadre en aurait beurré une autre couche, une grosse couche, lors de ce maladroit post-mortem.
Au téléphone, Camille et sa mère m’expliquent que les deux membres du personnel lui auraient dit, toujours lors de cette rencontre, qu’elle n’était pas une vedette et que c’était habituellement les vedettes qui protestent contre le port du soutien-gorge. L’employée aurait alors précisé que c’est parce que la jeune fille a plus de seins que les autres qu’elle se serait fait avertir. «Ils m’ont dit que ça bougeait dans mon chandail et qu’il y avait eu plusieurs plaintes de la part de professeurs ce jour-là.»
Et je vous garde le meilleur pour la fin. Camille m’a raconté que la personne-cadre aurait conclu la rencontre en affirmant qu’étant donné le nombre de plaintes élevées de harcèlement faites par de jeunes filles contre des profs masculins, «il ne faudrait pas que sa tenue la place dans une position où ça pourrait lui arriver». Traduction: il ne faudrait pas que les vêtements de Camille suscitent une agression ou du harcèlement sexuel de la part d’un professeur.
Un t-shirt noir et un pantalon de jogging gris, je le rappelle, c’est la tenue que portait la jeune fille de 15 ans. Je l’ai d’ailleurs vue, parce que j’ai demandé à Camille de me faire parvenir une photo d’elle avec les vêtements en question sur le dos. Simplement dire que je porte la même affaire souvent, genre pour aller faire l’épicerie. Mes filles aussi. Ce sont des vêtements banals et anodins. Ce ne sont pas des vêtements «provocants» au sens où un code vestimentaire d’école pourrait l’entendre. Ce n’était pas transparent et c’était quand même assez lousse.
Et même si Camille avait porté une satanique camisole à bretelles fines, je ne pense pas qu’aucune tenue vestimentaire, si inappropriée soit-elle, ce qui n’est même pas le cas ici, n’excuse ce genre de propos.
Au bout du fil, Camille et sa famille me disent qu’ils n’acceptent pas les excuses de la personne-cadre. Avant de raccrocher, la jeune fille tient à me dire la chose suivante:
«J’ai quand même confiance en moi, et ce n’est pas la première fois que certaines personnes de l’école passent des commentaires comme ça sur mon corps. Mais si c’était arrivé à une fille plus jeune, je pense que ça peut avoir un impact sur son estime de soi. Je trouve ça triste comment cette école-là voit ses élèves: comme des putes finalement.»
La mère de Camille tient à dire que l’objectif de la dénonciation n’est pas la vengeance. Elle veut amener les gens à se questionner et à revoir leur façon de faire et d’agir correctement face à tout ça.
J’ai communiqué avec la personne-cadre pour avoir sa version des faits. Elle m’a renvoyée au Centre de services scolaire. Là-bas, on m’a bien précisé, par voie de communiqué, que les propos rapportés ne sont pas acceptables et qu’ils nécessitent assurément des interventions. «En ce qui concerne les codes vestimentaires des écoles, ceux-ci sont adoptés par les conseils d’établissement, lesquels sont formés par des parents, des membres du personnel, des élèves (pour le secondaire), la direction de l’école et des membres de la communauté. Notre centre de services scolaire n’impose pas de directives concernant ces codes, mais il recommande toutefois de prévoir une tenue appropriée aux lieux fréquentés.»
Je ne sais pas s’il y aura réellement des sanctions envers ces membres du personnel et/ou l’école secondaire Veilleux. Mais j’ai un message pour cette personne-cadre et cette employée, que j’épargne d’être nommées, car je crois peu, contrairement à elles, je pense, à l’humiliation publique.
Ce ne sont pas les vêtements de Camille qui sont inappropriés. C’est vous.
Pour me raconter une histoire ou si vous voulez témoigner de quelque chose qui vous tient à cœur, écrivez-moi un courriel: genevieve.pettersen@bellmedia.ca
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