La manchette de La Presse, la semaine dernière, m’a fait tomber en bas de ma chaise: le taux d’absentéisme est de près de 10% dans les écoles du Québec, soit quelque 117 000 élèves chaque jour.
Pourquoi? La question m’a turlupinée toute la semaine.
Virus, rendez-vous et voyages
Je me suis lancée dans un petit sondage sur mes réseaux sociaux. De nombreux parents, des mères surtout, m’ont répondu et j’ai compilé les réponses qui reviennent le plus souvent.
- Les enfants sont malades. Depuis la pandémie, les microbes et virus circulent allègrement et sont parfois assez virulents, merci! Plus sensibilisés à la protection des autres, entre autres en gardant une certaine distance, bien des parents avouent garder leurs enfants au moindre symptôme. D’autres m’ont confié que le télétravail facilitait leur prise de décision: puisqu’on est à la maison, pourquoi ne pas garder Fiston qui éternue et qui mouche?
- Les enfants ont des rendez-vous chez des spécialistes et ceux-ci n’ont pas toujours un horaire qui convient aux écoliers. Ce que j’ai le plus lu? Les orthodontistes ne facilitent pas la prise de rendez-vous avec des heures d’ouverture de 9h à 16h. Quatre jours par semaine dans certains cas. Les parents font de leur mieux pour dénicher un espace en dehors des heures de classe, mais c’est souvent impossible. Et ceux qui multiplient les rencontres avec divers spécialistes, pour toutes sortes de problématiques, sont encore plus mal pris: les enfants manquent systématiquement des jours d’école, et ce, presque toutes les semaines.
- Les enfants voyagent avec leurs parents. Même si des plages sont prévues au calendrier scolaire pour prendre des vacances en famille pendant l’année scolaire, que ce soit à Noël ou à la relâche en mars, les parents sont nombreux à choisir de déborder des congés prévus. Une rentrée repoussée de quelques jours, des week-ends prolongés ici et là, une escapade en semaine… Ce ne sont plus des cas exceptionnels. Certains enseignants, eux-mêmes parents, décident eux aussi de quitter pour quelques jours de farniente en s’appuyant sur le fait qu’en temps de pénurie, ils ont «le gros bout du bâton» pour améliorer leurs conditions.
- Les enfants sont anxieux, intimidés, désintéressés. Ce sont toutes des raisons évoquées par plusieurs parents pour expliquer le retrait de l’école. J’ai aussi eu des échanges avec une secrétaire d’école qui m’a raconté que certains parents, pour justifier l’absence de leurs enfants, nommaient… la météo ! Trop de précipitations de neige, de pluie, trop de vent ou de froid semble une excuse valable pour les parents – surtout quand les enfants sont de petits marcheurs.
Tout le monde dehors
Comment faire mieux? Est-ce que ces enjeux sont rencontrés ailleurs? En Finlande, par exemple?
J’ai contacté Jean-Philippe Payette, professeur de littérature et de philosophie à Helsinki. Il enseigne à des jeunes du primaire et du secondaire dans une école européenne. Établi depuis 12 ans là-bas, ce Montréalais d’origine tient une émission de radio depuis plusieurs années. Il connaît bien le système éducatif finlandais, et il est en mesure de faire des parallèles entre ce qui se passe au Québec et en Finlande.
Quelles sont les similitudes? Les grandes différences? Voici, en vrac, ses réflexions.
- En Finlande, chaque école tient ses propres statistiques quant aux absences des enfants. Il est donc difficile d’identifier avec précision le taux d’absence et les raisons derrière celles-ci d’un point de vue global. Cependant, il me précise que les cas «d’absences prolongées» se situent à 4 ou 5%, bon an mal an, selon les dernières statistiques disponibles.
- Les enfants et les adolescents sont tout aussi absorbés par leurs écrans là-bas. Il faut dire que la Finlande est le berceau de Nokia. Les cellulaires et les tablettes se retrouvent vite dans les mains des enfants et selon M. Payette, la gestion du temps d’écran, par les profs et par les parents, n’est pas bien différente du Québec. Le cellulaire est présent en classe... ou pas. Cela dépend en fait de la politique de l’école et/ou de l'enseignant.
- Les élèves vont dehors. Beaucoup et souvent. «On a une vraie culture de la nordicité», explique l’enseignant de 40 ans. Il précise que petits et grands valorisent le fait de bouger et le plus souvent, cela se fait à l’extérieur. Le temps total passé à jouer dehors tous les jours, pendant les jours d’école, pour un enfant de maternelle par exemple, est impressionnant: près de deux heures quotidiennement, incluant le cours d’éducation physique qui a «presque toujours lieu dehors», souligne Jean-Philippe Payette.
Des profs qualifiés et autonomes
- La profession d’enseignant(e) est valorisée. Tenez-vous bien: seulement 2 à 3% des candidats à la maîtrise en éducation sont acceptés dans le programme. Et la maîtrise est obligatoire pour les profs! Les conditions de travail sont semblables là-bas, si on considère la carrière tout entière d’un prof, mais le salaire à l’entrée est meilleur qu’au Québec. Aussi, la profession bénéficie d’un statut favorable dans la société: être prof est respecté.
- Les groupes sont petits. En moyenne, il y a 20 élèves par classe. «Un groupe de 21, c’est un gros groupe!» lance l’enseignant, qui dit avoir une classe de 12 élèves cette année.
- Il n’y a pas de courses aux devoirs, tests, révisions de copies et annotations. Les bulletins ne sont pas chiffrés, en Finlande.
- Les professeurs ont beaucoup de liberté. Il y a des lignes directrices sur les apprentissages qui doivent être faits, mais le curriculum est large. «On nous démontre une grande confiance, on reconnaît qu’on a les compétences pour utiliser les bonnes stratégies pour se conformer aux exigences», résume M. Payette.
- Les spécialistes en classe sont gérés par la ville! Voilà une différence é-nor-me qui, si j’en crois les propos de Jean-Philippe Payette, offre de beaux avantages. Chaque école a son équipe de quatre ou cinq spécialistes, incluant un psychologue, un orthopédagogue et une infirmière, et les équipes sont en rotation, elles circulent d’une école à l’autre. «En santé, la première ligne est très forte et elle est en lien avec les intervenants des écoles», dit Jean-Philippe Payette.
Vous ne trouvez pas ça inspirant, vous ?