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«C’est un moment intense, dramatique, mais aussi la possibilité d’apprendre un peu pour aider les personnes en de telles situations.»
Tout le monde a sans doute vu ou bien entendu parler de ce qui est tragiquement arrivé en plein match de football devant des millions de téléspectateurs, à Damar Hamlin, joueur de 24 ans des Bills de Buffalo.
C’est un moment intense, dramatique, mais aussi la possibilité d’apprendre un peu pour aider les personnes en de telles situations.
Ce terrible moment où Damar Hamlin, 24 ans, s’effondre en plein match après un choc brutal #nfl pic.twitter.com/njNQWaS89q
— Frédéric Arnould (@FredericArnould) January 3, 2023
Tentons de comprendre ensemble de quoi il en retourne. On peut partir de ce que l’on a vu et des quelques informations disponibles. Ce qu’on sait, c’est que tout a commencé avec un trauma direct au thorax, suivi d’une perte de conscience subite quelques secondes après.
L’arrêt cardiaque (avec massage cardiaque sur place) a ensuite été confirmé et on aurait fait usage du défibrillateur pour ramener le joueur à la vie. Selon toute probabilité, il s’agit d’une «mort subite» par grave arythmie cardiaque, comme une fibrillation ventriculaire.
Lors d’une telle arythmie, le système électrique du cœur se désorganise complètement, entraînant l’arrêt de la circulation et la perte de conscience brutale, le cerveau ne recevant plus assez de sang. Et pas simplement d’une baisse de pression momentanée, par exemple.
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Ce genre d’arythmie est dans les faits une cause fréquente d’arrêts cardiaques, autant pour les personnes plus âgées, disons de plus de 50 ans, que chez les plus jeunes, comme ce joueur.
Les facteurs varient en fonction de l’âge : chez les plus vieux, la désorganisation électrique est habituellement due à un blocage artériel, un infarctus, alors que chez les plus jeunes, on parle plutôt de problèmes génétiques — il en existe des dizaines — ou encore d’une atteinte inflammatoire du muscle cardiaque comme lors d’une myocardite.
On peut se demander si le coup lui-même reçu au thorax peut-être en cause. En apparence, la séquence est assez limpide, l’arrêt cardiaque ayant lieu quelques secondes après l’impact.
Il faut savoir qu’un coup au sternum engendre une véritable petite décharge électrique, semblable à celle administrée quand on utilise un défibrillateur sur un patient, quoique de moindre intensité. Or, une telle décharge peut, si elle est appliquée à un moment très précis du cycle électrique cardiaque qui se mesure en millisecondes, conduire à une arythmie grave.
Si le cœur est parfaitement normal, on parle de «commotio cordis» («commotion cardiaque»), un phénomène rare, qu’on rencontre par exemple dans les sports de contacts, alors l’une des causes les plus fréquentes de mort subite chez les jeunes.
Différents sports sont touchés, le baseball étant le principal, en raison de la possibilité de recevoir une balle directement au sternum sans protection. Au football, c’est moins courant, mais il y a plusieurs cas décrits. Le phénomène survient chez les joueurs plus jeunes, soit avant 20 ans, la cage thoracique étant plus souple.
Par contre, la personne dont le cœur anormal sera plus susceptible de souffrir d’une arythmie, soit sans aucun traumatisme, le plus souvent, soit suite à un traumatisme, le risque de désorganiser l’électricité cardiaque étant plus élevé.
La (relative) bonne nouvelle, pour l’instant, c’est que le joueur a traversé la phase la plus critique, en raison de la rapidité de l’intervention sur place : son cœur a redémarré et il semble s’être stabilisé de ce côté.
Le vrai enjeu, c’est le cerveau, un organe fragile qui ne supporte pas le manque d’oxygène et de circulation plus de quelques minutes. Dans tous les cas d’arrêt cardiaque, le cerveau cesse subitement de fonctionner. Parfois, il revient immédiatement à des fonctions normales, et la personne s’éveille.
Si des dommages plus profonds sont causés, les séquelles sont possibles. C’est le temps qui dira si le cerveau de ce jeune joueur a subi des séquelles et à quel degré. C’est ce qui déterminera son avenir à moyen et long terme.
Il est évident que son cœur sera examiné de manière approfondie, par exemple par échographie, résonance magnétique et autre, de manière à évaluer la présence ou l’absence de troubles sous-jacents. D’autres tests permettront de recherche des anomalies électriques et génétiques.
Nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, on espère que son cerveau n’a pas subi trop de dommages et qu’il va se réveiller, première condition pour assurer une suite des événements favorables.
S’il s’en sort bien, il faudra remercier les gens qui ont assuré la rapidité de l’intervention sur place : massage cardiaque immédiat et choc de défibrillateur (probable) expéditif.
Je comprends que de telles situations sont éprouvantes à regarder quand on ne travaille pas dans un milieu d’urgence. La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez agir aussi et sauver des vies. Idéalement, vous pouvez suivre une formation pour pratiquer le tout.
La première chose à faire, c’est de vérifier si la personne est inconsciente en la stimulant. Si c’est le cas, il faut appeler les secours — et le défibrillateur — et commencer le massage cardiaque. Pour le grand public, il n’est pas nécessaire de ventiler le patient, juste le massage cardiaque régulier est suffisant.
Dès que le défibrillateur arrive, vous pouvez l’utiliser, il vous donnera lui-même toutes les instructions verbales et visuelles et il n’y a aucun risque.
Pour localiser l’appareil le plus près de vous, je vous suggère d’installer l’application DEA-Québec (Android ou iPhone), développée par la fondation Jacques DeChamplain et l’urgentologue François DeChamplain, qui permet de rapidement connaître son emplacement au Québec.
Le plus important, dans une telle situation, c’est d’agir promptement. Qui sait, vous sauverez peut-être une vie, vous aussi. En attendant, on pense fort à Damar Hamlin et on souhaite de tout cœur qu’il s’en sorte sans séquelles.