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Seulement une petite fraction de l’attention accordée à l’Ukraine a été donnée à d’autres pays en crises. En d’autres termes, les vies des personnes noires et racisées sont jetables
En Haïti, la terre de mes ancêtres, là où il y a eu la première révolte d’esclaves réussie de l’histoire moderne, on dit « tout moun se moun ».
En français, ça signifie « toute personne est un être humain. » Or, l’universalité des droits de la personne continue d’être un trophée de papier plutôt que quelque chose de systématiquement appliqué en ce bas monde.
Le racisme ne peut être évacué de cette dynamique. L’attention médiatique et politique accordée à la Guerre en Ukraine en comparaison avec d’autres crises politiques l’illustre.
Le long congé de Pâques a donné lieu à une nouvelle escalade de violence entre Israël et la Palestine, lors du ramadan, une fête sacrée.
Je mets le mot entre guillemets parce qu’un « conflit » présuppose que les deux camps luttent à armes égales. Ce n’est pas le cas quand on parle d’Israël et de la Palestine. Selon le rapporteur spécial des Nations unies, Michael Lynk, ainsi que plusieurs organisations de défense des droits de la personne, l’occupation israélienne des territoires palestiniens constitue un apartheid.
Un apartheid, c’est la mise en place d’un système politique qui structure la domination et l’oppression d’un groupe racial sur un autre par la ségrégation. Le terme provient de l’Afrique du Sud, là où il y a eu apartheid. Dans son sens littéral, il veut dire « mise à l’écart » ou « séparation ».
Plus près de chez nous, un exemple d’un tel système est le traitement du Canada envers les peuples autochtones à travers le système des pensionnats — dont le dernier a fermé ses portes en 1996 — où de nombreux enfants furent arrachés de leurs familles. Nombreux sont ceux ayant subi des sévices de tout ordre, et ce, dans le but explicite de les déraciner de leurs cultures, voire de les assimiler.
L’an dernier, autour de la même période, ce sont ces tombes d’enfants que l’on commençait à retrouver les unes après les autres, un peu partout au pays, que ce soit à Kamloops en Colombie-Britannique ou encore à l’ancien pensionnat de Marieval, en Saskatchewan. Le pape François s’est d’ailleurs récemment excusé pour les atrocités qu’a commises l’Église catholique envers les peuples autochtones au Canada.
Entre vous et moi, je cherche depuis plusieurs semaines le nombre officiel de tombes découvertes à ce jour au pays, sans le trouver ou être certaine d’avoir le bon chiffre. Il faut dire que le sujet, et ce, malgré l’indignation qu’il devrait continuer de susciter, a cessé de dominer l’actualité.
De plus, la situation n’est guère reluisante au Tigré (en Éthiopie), au Yémen, en Afghanistan ou encore en Syrie. On s’est « habitués » collectivement à ce que ça soit « normal » que le chaos règne et que les bombes tombent dans certaines régions du monde là où les habitants n’ont pas la peau blanche et les yeux bleus. Plusieurs commentateurs — que je ne nommerai pas — le reconnaissaient d’ailleurs à voix haute, sans aucune gêne, dans plusieurs chaînes de médias que ce soit au Québec, en France et aux États-Unis.
Récemment, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, le Dr Tedros, s’indignait de notre empathie à géométrie variable dans la gestion des crises humanitaires. La guerre en Ukraine a un impact sur le monde entier et elle est très importante. Or, seulement une petite fraction de l’attention accordée à l’Ukraine a été donnée à d’autres pays en crises. En d’autres termes, les vies des personnes noires et racisées sont jetables.
Je suis d’avis qu’une partie de ces biais insidieux réside dans le fait que nos salles de nouvelles sont très peu diversifiées et prétendent, à tort, être entièrement objectives et neutres. Reconnaître sa subjectivité d’être humain, adopter une démarche réflexive et accepter de se faire remettre en question deviennent donc un impératif pour tenter de se rapprocher de cette soi-disant objectivité.
Le citoyen a lui aussi le devoir d’exiger mieux. Il faudrait soutenir notre indignation, et ce, plus longtemps que le moment d’une éclipse médiatique.