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C’est une longue et intense session parlementaire qui a récemment pris fin, à Québec. Nos analystes Antonine Yaccarini et Victor Henriquez discutent de ce qu’il en restera dans le grand livre de l’histoire politique québécoise.
C’est une longue et intense session parlementaire qui a récemment pris fin, à Québec. Nos analystes Antonine Yaccarini et Victor Henriquez discutent de ce qu’il en restera dans le grand livre de l’histoire politique québécoise.
Je ne sais pas pour toi, Victor, mais quand je jette un regard sur la session parlementaire hiver-printemps 2023, ce qui me saute aux yeux est d’abord une succession de gestions de crise pour le gouvernement caquiste. Certaines venaient de l’externe : Verglas, feux de forêt… Mais la plupart émanaient de la CAQ elle-même : abandon du troisième lien, nomination controversée d’un juge, partie de chasse au faisan, augmentation du salaire des députés, propos indélicats sur les cessions de bail… Comment la CAQ s’adaptera-t-elle à cette nouvelle réalité qui est, au fond, simplement un contexte plus normal dans lequel faire de la politique ? En effet, rarement a-t-on vu une lune de miel s’étirer aussi longtemps pour un gouvernement. Est-ce que les troupes caquistes sauront adopter les bonnes stratégies maintenant qu’ils sont redescendus de la stratosphère ?
Tu as raison. La fin de cette lune de miel était inévitable et probablement même bénéfique pour ce parti qui est passé de sa fondation au gouvernement en 6 ans ! Pour durer, il faut traverser les tempêtes et la CAQ pourra certainement apprendre de cette difficile session à condition d’avoir l’humilité de prendre les blâmes et de les corriger. À cet effet, je suis surpris par la patience du premier ministre avec certains ministres. J’admire sa loyauté face à ceux qui l’ont suivi depuis ses débuts, mais, avec une cinquantaine de députés en attente de promotion, il devra être prudent pour ne pas démobiliser ses élus d’arrière-ban. Plus le temps avancera, plus ils seront nombreux à penser pouvoir mieux faire que certains ministres. Pour le reste, malgré les difficultés, ils demeurent en avance sur tous leurs opposants dans les sondages ! C’est quand même exceptionnel.
Le deuxième élément incontournable à mon avis est la faiblesse des oppositions, qui s’arrachaient des miettes jusqu’à présent. Les partis d’opposition sont morcelés, et la situation du PLQ est particulièrement difficile. Quelle est l’offre politique des libéraux ? Il s’agit d’un mystère que seule une course à la direction pourra peut-être éclaircir.
Je t’avoue que c’est un mystère que je ne m’explique pas. Le PLQ a remporté les élections de 2003, 2007, 2008 et 2014 sur un thème : l’économie. On peut même aller plus loin dans le passé et l’économie reste le thème central des victoires électorales du PLQ depuis la Révolution tranquille. Il me semble que, malgré les défaites, tu ne devrais pas passer trop de temps à identifier ton ADN quand tu sais que c’est sur ce thème que les Québécoises et les Québécois les ont choisis. Le virage d’économie verte proposé par Dominique Anglade a été mal ficelé, mais ça ne veut pas dire qu’ils doivent « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Je leur souhaite des candidates et des candidats économiquement crédibles, car tant qu’ils ne retourneront pas sur ce terrain et n’essaierons pas de défier la CAQ sur ce sujet, ils sont condamnés à quelques comtés à Montréal et ses alentours.
Ça va certes mieux chez QS, mais on ne peut quand même pas dire que leur mojo était au plafond après l’élection d’octobre 2022. Certes, la performance était digne, mais les attentes avaient tellement été montées, et une impression de stagnation commence à coller. L’élection partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne aura permis à QS de se mettre une belle victoire sous la dent, ravissant un château fort, qui n’était pas si fort que ça au fond, au Parti libéral. Un deuxième après Verdun, tombé durant l’élection générale. Mais cette belle victoire n’enlève pas grand-chose à la CAQ.
C’est vrai que la CAQ ne perd pas grand-chose à ce moment-ci face à QS. Cependant, je continue à penser que le potentiel de développement de Québec solidaire est intéressant à condition de mieux expliquer ses positions et de rallier le centre gauche derrière des propositions plus réalistes que dogmatiques. Cependant, attention aux contradictions. On l’a vu avec la question du salaire des députés sur laquelle ils ont promis de s’opposer à tout prix avant de finalement proposer une hausse de 20 000 $ par année. Je suis sûr que, comme moi, tu suivras avec attention la course au poste de porte-parole de Québec solidaire à la suite du retrait de Mme Massé. J’ai bien hâte de voir le profil qui sera favorisé par les militants de QS. Il me semble que ça donnera des indications sur leurs ambitions des prochaines années.
Reste toujours le Parti Québécois qui fait son petit bonhomme de chemin. Victor, tu semblais dire que Paul St-Pierre-Plamondon avait eu une performance hors du commun lors de nos dernières discussions politiques. Est-ce que tu penses que le trio de péquistes sera le plus grand adversaire de la CAQ dans les prochains mois ? Je constate leurs bons coups, mais je doute que la prétention d’être la « deuxième force politique au Québec » ne résulte à une progression concrète (un gain en députés) lors de la prochaine élection.
En effet, Paul St-Pierre Plamondon est certainement le politicien qui s’est le plus démarqué dans les derniers mois malgré la petitesse de son caucus. Cependant, la question reste à savoir si c’est l’effet de la nouveauté puisqu’il est le seul de chefs que nous n’avions jamais vu à l’Assemblée nationale, ou même de la faiblesse des autres oppositions. PSPP a un ton qui plaît aux gens et représente un visage rafraîchissant dans la politique québécoise. De plus, que l’on soit d’accord avec son option ou pas, il assume entièrement son intention de faire un référendum dans un premier mandat, ce qui le rend moins perméable aux attaques sur le sujet. Cependant, malgré le fait que je pense que c’est un talent générationnel, on ne peut pas nier qu’il bénéficie d’une opposition officielle affaiblie et je ne sais pas s’il pourra maintenir ce rythme jusqu’aux prochaines élections dans 3 ans et 3 mois.
Après cette session qui m’apparaît comme la première post-pandémie, il me semble qu’un été avec moins de politique ferait probablement du bien à plusieurs élus et aussi aux citoyens. Cependant, étant accro aux affaires publiques, je vais rester attentif aux annonces du gouvernement durant l’été et j’essaierai de déceler une possible odeur de remaniement, car c’est un outil qui permet souvent aux gouvernements de se relancer après des sessions plus compliquées. Toi, que surveilleras-tu ?
De mon côté, je vais surveiller la capacité de la CAQ à adapter ses stratégies dans ce nouveau climat politique et médiatique. Le parti l’avait déjà fait il y a quelques années. En juin 2015, la CAQ s’était retrouvée sous un petit nuage noir après une défaite douloureuse lors de l’élection partielle dans Chauveau, à la suite du départ de Gérard Deltell. Je me souviens que les caquistes s’étaient faits plus discrets pendant une période, préparant ainsi un retour sur des bases plus positives quelques mois plus tard. En 2017, l’élection de Geneviève Guilbault dans Louis-Hébert fut un jalon important d’une série d’événements positifs qui ont contribué à mener la CAQ vers la victoire en 2018. Sauront-ils refaire le coup ?