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À quelques heures de la Fête nationale, une autre session parlementaire se conclut à Ottawa. Nos analystes Antonine Yaccarini et Victor Henriquez discutent des débats que nous retiendrons et de leur impact sur les prochains mois.
À quelques heures de la Fête nationale, une autre session parlementaire se conclut à Ottawa. Nos analystes Antonine Yaccarini et Victor Henriquez discutent des débats que nous retiendrons et de leur impact sur les prochains mois.
Les libéraux sont maintenant au pouvoir depuis 8 ans et cette session est, selon moi, la plus difficile et la première à nous donner une impression de «fin de règne». Cela a débuté sur le dossier des langues officielles qui a donné lieu à une division publique au sein du caucus libéral, particulièrement au Québec. Au lieu de laver son linge sale en famille, des députés y sont allés de déclarations incendiaires et on contredit la ministre Petitpas Taylor à plusieurs reprises brisant ainsi la solidarité qui devrait régner au sein de l’équipe. Cependant, ce n’était rien comparativement à la gestion catastrophique du dossier de l’ingérence chinoise. Le gouvernement a lamentablement échoué dans sa gestion d’une crise qui n’est pas finie. Des postes de police clandestins, des députés ciblés par la Chine, des dons chinois à la Fondation Trudeau ou des mémos des services de renseignements qui ne sont pas rendus aux ministres, plusieurs ont essayé de minimiser la situation avant de nous présenter des explications partielles qui ont laissé plus de doutes que de réponses. La nomination de David Johnston comme rapporteur spécial devait être la solution, mais elle est rapidement devenue un enjeu. Nous nous retrouvons aujourd’hui avec une démocratie dont la crédibilité est affectée et un gouvernement qui n’a pas encore proposé de solution concrète. Qu’en dis-tu?
Je commence à trouver que le gouvernement Trudeau fait passer ses intérêts personnels avant ceux de la démocratie canadienne. Le dossier de l’ingérence chinoise a un impact catastrophique sur la confiance des citoyens face à notre démocratie et apporte aussi un sentiment s’insécurité que l’on peut attribuer directement au style de leadership de Justin Trudeau. Seul un geste fort permettra de rétablir la confiance, et une enquête publique me semble incontournable. S’assurer de l’intégrité de notre démocratie, et de l’adhésion des citoyens à celle-ci, devrait être une priorité de tous les instants qui dépasse les intérêts partisans.
Je reviens quelques années en arrière, en 2017, lorsque le gouvernement Trudeau, après des mois de travaux et de consultations, avait abandonné la réforme du mode de scrutin sous prétexte d’absence de consensus. Justin Trudeau avait alors déclaré, en substance, qu’une réforme n’était pas nécessaire puisque les Canadiens étaient satisfaits de leur gouvernement. Déjà, on voyait des indices du peu d’importance qu’il donne à une démocratie qui existait avant sa personne, et qui continuera d’exister, j’espère, après son départ.
Du côté de l’opposition, Pierre Poilievre a finalement tiré profit de la mauvaise posture du gouvernement comme en témoignent certains sondages, mais on a encore des doutes sur le fait qu’il soit réellement une solution de rechange aux libéraux. L’opposition officielle veut avoir l’air d’un gouvernement en attente et, en ce moment, j’ai de la difficulté à voir ce que les conservateurs proposent comme autre choix. C’est probablement le côté pervers d’une session ou le dossier de l’ingérence chinoise a pris tout l’espace public.
Malgré les sondages, je persiste à penser que Poilièvre n’a pas fait le nécessaire pour projeter une stature de premier ministre. Ses attaques contre CBC et ses interventions intempestives sur le wokisme, qui semblent être la plus grande menace au pays si l’on en croit les conservateurs de tous les paliers, sont malheureusement les deux éléments qui auront retenu le plus l’attention durant cette session. Il y a pourtant des dossiers fichtrement mal gérés par le gouvernement, dont la sécurité nationale et l’inflation qui affecte tout le monde. Le gouvernement Trudeau donne une impression d’absence de contrôle et d’imputabilité. Pierre Poilièvre devrait cesser les batailles de ruelle et se concentrer pour défendre les gens et la démocratie, il y a tout un terrain à occuper dans ce registre et ce n’est pas en boudant les médias que son message se rendra aux oreilles des citoyens en recherche d’une nouvelle option.
Du côté du NPD, ce parti représente aujourd’hui la seule assurance du gouvernement libéral en refusant constamment de remettre en question la confiance à ce dernier. Je comprenais la possibilité pour eux d’obtenir des gains intéressants en appuyant les libéraux et en évitant des élections. Cependant, la pertinence du NPD se perd dans cette entente et je suis convaincu que leurs partisans doivent se questionner sur les bénéfices à long terme de cette position. Quelle sera la pertinence du NPD à la prochaine élection alors que tous leurs opposants rappelleront régulièrement leur rôle de «succursale» des libéraux en chambre?
Poser la question, c’est y répondre! Maintenant, au Bloc Québécois, cette session marque le renouvellement de l’alliance avec le Parti Québécois. Après plusieurs années à collaborer de plus près avec le gouvernement Legault, Yves-François Blanchet s’affiche maintenant sans gêne avec PSPP malgré qu’il est très clair qu’une grande partie de l’électorat du Bloc vote pour la CAQ lors des élections québécoises. Il faut dire qu’il y a eu un changement de garde au cabinet de M. Legault en ce qui a trait à la gestion des relations avec les partis fédéraux. Il semble y avoir désormais une plus grande affinité avec le PCC. Cette situation, juxtaposée avec une aura de popularité pour PSPP, provoque un réalignement des alliances.
Je ne peux m’empêcher de penser que cette session était probablement une des dernières avant l’élection qui, même si elle est prévue en 2025, aura certainement lieu en 2024 selon moi. Je serais donc particulièrement attentif aux positions des conservateurs qui risquent de se mettre en mode préélectoral et qui voudront certainement mieux illustrer ce qu’ils veulent implanter comme politiques au Canada. Maintenant, pour avoir des élections, il faudra certainement avoir une solution crédible sur le dossier de l’ingérence chinoise, sinon, quel que soit le résultat, il sera remis en question le lendemain du vote.
On surveille avec attention les signes d’élection, mais si Justin Trudeau procède à un remaniement ministériel cet été comme le veut la rumeur, je ne vois pas trop l’intérêt de partir en campagne de façon volontaire immédiatement après. Il voudra sans doute tester la nouvelle équipe et donner une impression de renouvellement pendant quelques mois avant de retourner aux urnes. Nous n’avons pas oublié l’inutilité de la dernière campagne, alors que les résultats avaient été sensiblement les mêmes qu’en 2019, faisant de cette élection le remaniement ministériel le plus coûteux de l’histoire. Et Justin Trudeau aura-t-il vraiment envie de se retaper une campagne pour un troisième mandat minoritaire de suite? De grandes réflexions pour lui, cet été, sur le bord de sa piscine!