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«Le mois d’octobre, c’était mon best mois in the world.»
Quand j’étais enfant et jusqu’au milieu de l’adolescence, le mois d’octobre, c’était mon best mois in the world de l’année. Pas mal plus que décembre et son joyeux Noël. Parce qu’octobre, ça voulait dire se déguiser pour l’Halloween.
Dans ma petite tête d’enfant, c’était du sérieux. On ne se déguisait pas à la légère. Oh que non. C’était toujours ces jours-ci, le 4 ou 5 octobre, que je prenais la grave décision. Qui allais-je personnifier pour la célèbre soirée et surtout pour toute la journée à l’école? Parce que dans mon cas, c’était impossible de juste personnifier un clown générique ou un fantôme dans un vieux drap contour qui a terminé sa vie de lit, JA-MAIS!
Et pas question d’y aller avec la tendance du moment, liée à un film, ou à la chanteuse du moment. Je devais me démarquer du lot. Ça devait être aussi réfléchi qu’une mise en scène de Robert Lepage.
J’ai 11 ans. Dernière année du primaire. Je dois frapper fort pour laisser ma trace à vie à l’école Ste-Chrétienne de Beauport. Déjà à cet âge, je suis un amateur fou de science-fiction et d’horreur. Et de plus, je collectionne les bandes dessinées de superhéros. Toutes mes paies à faire du gardiennage passent dans cette dépendance.
Je décide donc, après mûre réflexion et des nuits d’angoisse, que je vais personnifier Vision, le chum de Wanda, la sorcière rouge, dans le groupe des Avengers (Bon dans mon temps, en français, on les appelait: Les Vengeurs). Un superhéros mi-homme, mi-robot. Un personnage moins populaire que Thor ou Capitaine America, vous me direz. Mais justement. Aucune chance d’avoir de la compétition chez les autres petits morveux de ma classe. Je suis le fin renard de l’Halloween.
J’ai la chance d’avoir une mère qui coud aussi bien que le couturier en chef de chez Chanel, mais dans sa version vieille machine à coudre Singer dans une banlieue de Québec. Elle achète donc un patron du costume de Superman, mais qu’elle modifiera en celui de Vision, en se basant sur les deux mille dessins que je lui ai montrés dans mes bandes dessinées.
Elle n’a pas le droit à l’erreur. Ma mère a des doigts de fée quand il s’agit de coudre, mais pour ce qui est du maquillage, elle a l’agilité d’un bébé faon qui vient de naître. Heureusement, ma tante Louise qui habite en haut de chez nous a ce don. Elle est à jour dans ces tutoriels Lise Watier qu’on peut voir sur les ondes de TVA dans son émission éponyme.
Le matin du 31 octobre, je quitte la maison dans mon costume parfait de Vision. Mon maquillage est su’a coche comme on dit! Ma mère et Louise ont trouvé exactement le vert et jaune que je voulais pour ÊTRE Vision. Je suis en pleine possession de mes pouvoirs de superhéros de l’Halloween. Je vous rappelle en passant que c’est l’époque où à l’école, on se déguise TOUTE la journée.
On peut porter des masques en plastique parce qu’on n’a pas peur manquer d’air et vivre un affaissement de poumon. On peut aussi se déguiser en noisette et en poule parce que personne n’est allergique à rien et les végétaliens n’ont pas encore été inventés.
On a un concours du plus beau costume de la classe parce que c’est les années 80 et qu’on n’a pas peur qu’un petit échec détruise notre estime de soi à jamais comme dans les nouveaux guides de la psychopop de l’enfance d’aujourd’hui.
J’arrive donc confiant dans la cour d’école. Assuré de pouvoir écraser la compétition et de revenir vainqueur à la maison comme si je venais de terrasser Thanos dans un combat ultime pour sauver la Terre.
Premier constat du jour: Vision est pas mal moins connu que Thor ou Hulk. Je passe mon temps à expliquer qui je suis. Je trouve tout le monde inculte parce que dans ma tête d’enfant, j’ai tenu pour acquis que, parce que j’adore les superhéros, tout le monde est au même niveau que moi. Eh ben non.
Deuxième constat : je ne gagne pas le concours du plus beau costume parce qu’il semblerait que de se faire un costume dans un sac à vidange brun, en prétextant que c’est E.T. l’extraterrestre, est très ingénieux et rigolo. ARK! S
Selon moi, ma professeure, la seule juge du concours, a un manque flagrant de culture pointu de la BD et elle ne sait pas reconnaître mon génie ainsi que le talent de ma mère et celui de ma tante Louise. Si on avait été en 2024, j’aurais fait une sortie en règle sur les réseaux sociaux et j’aurais exigé son renvoi de l’école.
Mais ce n’est pas grave, le soir même, je suis revenu chez moi avec un sac plein de bonbons à la suite de ma tournée du voisinage. En prime, quelques nerds de Marvel ont reconnu Vision et ont salué mon audace de personnifier un personnage si niché.
Ça ne m’en prenait pas plus pour être heureux.
De toute façon, on dit souvent que les vrais superhéros vivent souvent dans l’ombre.