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La semaine dernière, le premier ministre a indiqué vouloir une immigration économique 100 % francophone d’ici 2026. Dans un contexte où l’on s’inquiète du recul du français, l’idée plaît. Mais est-ce réaliste… ou même nécessaire?
La semaine dernière, le premier ministre a indiqué vouloir une immigration économique 100 % francophone d’ici 2026. Dans un contexte où l’on s’inquiète du recul du français, l’idée plaît. Mais est-ce réaliste… ou même nécessaire?
D’abord, rappelons que l’immigration économique, celle que le Québec sélectionne, représente environ 60 % de l’immigration totale. Le reste, les réfugiés et le regroupement familial sont de ressort fédéral.
Le lendemain des déclarations du PM, la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a tenté de nuancer en précisant que le gouvernement visait une immigration économique 100 % francophone… et francotrope ! Le premier ministre a par la suite réitéré son intention d’obtenir « 100 % d’immigration qui parle français » lors de son discours d’ouverture. On y perd notre latin…
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Ça mange quoi en hiver ça, des pays francotropes ? Il s’agit de pays qui ont des langues proches du français, une tradition de langue française ou une proximité culturelle favorisant l’intégration une fois au Québec. Plusieurs pays africains, du Maghreb et d’Amérique latine en sont des exemples.
Résumé froidement, cela signifie qu’il est plus facile pour quelqu’un dont la langue maternelle est l’espagnol d’apprendre le français que ça l’est pour quelqu’un qui parle le mandarin, qui aura beaucoup plus de travail à faire pour y parvenir.
Les immigrants issus de ces pays francotropes ont un plus grand taux de succès de la francisation. Si l’on augmentait la part de l’immigration issue de pays francophone, puis une autre part qui viendrait des pays francotropes, on se donnerait certainement une chance.
L’idée d’accueillir davantage d’étudiants internationaux francophones fait aussi partie des clés. Un.e jeune francophone, qui étudie dans nos institutions d’enseignement, avec un diplôme d’ici, c’est le candidat idéal. Encore faut-il que le gouvernement fédéral délivre les visas, souvent refusés aux étudiants africains pour des raisons obscures et opaques. Un vrai scandale.
Il faut aussi savoir que le Québec multiplie déjà les missions de recrutement dans les pays francophones et que la source d’immigrants qualifiés n’est pas intarissable. Ne pas élargir un peu nos horizons est très limitant et la CAQ risque d’avoir monté les attentes pour finalement les décevoir dans quelques années en ayant inséré un paquet d’exceptions en petits caractères afin de dégoter des immigrants répondant à nos besoins dans certains secteurs, notamment en TI.
Et pour avoir des travailleurs et des travailleuses issues de l’immigration qui répondent à nos besoins, il faudra inévitablement travailler à la reconnaissance des compétences et des diplômes. À l’heure actuelle, nous n’arrivons même pas à faire travailler rapidement une infirmière française, pourtant exactement le type de personne que nous recherchons désespérément !
D’ailleurs, le premier ministre répète souvent que lors du dernier mandat, le Québec a accueilli 80 % d’immigrants francophones. Il omet de mentionner que les frontières ont été fermées durant la pandémie et que, par conséquent, les immigrants admis étaient ceux qui étaient déjà sur le territoire. Il est donc normal qu’ils maîtrisent davantage le français. Rien à voir avec les politiques gouvernementales.
Malheureusement, la francisation n’a jamais été une priorité pour les gouvernements qui se sont succédé. La récente création de francisation Québec, l’augmentation des budgets dans les dernières années et une politique de recrutement dans les pays francophones et francotropes auront leur effet si on laisse le temps au temps.
Certes, on doit faire mieux, mais faisons les choses comme du monde, et ce pour plusieurs années avant de déclarer l’échec complet de la francisation. Inutile d’en faire un dogme en refusant toute personne ne maîtrisant pas le français avant d’arriver. Ne sommes-nous donc pas capables de tolérer une personne immigrante qui apprend sincèrement le français ici, sur notre territoire ?
J’entends beaucoup de gens s’inquiéter de l’état de la langue française en regardant les statistiques de la langue parlée à la maison. Or, peu importe la langue parlée à la maison, les enfants des familles immigrantes doivent aller à l’école en français. Et peu importe la langue parlée à la maison, c’est plutôt la maîtrise du français, même s’il s’agit d’une langue seconde, et l’utilisation du français comme langue de travail qui comptent le plus pour que le Québec garde sa langue vivante.